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Viol Virginie double peine
© Getty Images

Violée par son oncle quand elle était enfant, Virginie peine encore à surmonter son traumatisme

Sarah Moran Garcia

Elles ont connu l’effroi dans des villes différentes, à des moments et à des âges différents, mais Laura, Céline, Eva et Virginie subissent encore des violences, longtemps après leur agression sexuelle. Médecins, centres d’aide, police, justice, elles se sont heurtées et se heurtent encore quotidiennement à des murs.

Virginie a 40 ans. De ses 5 à ses 17 ans, elle a subi de l’inceste de la part de l’un de ses oncles. Elle a longtemps enfoui ses souvenirs, jusqu’en 2018, année au cours de laquelle, sans crier gare, les cauchemars liés aux viols dont elle a été victime sont remontés à la surface. Elle s’est soudain rappelée tout ce qui lui était arrivé dans sa jeunesse, et pour Virginie, ce fut le début d’une longue dégringolade. La quadragénaire reste désormais enfermée chez elle à cause du stress post-traumatique: “Tout devient difficile, même les gestes les plus simples deviennent insurmontables.”

À l’instar de Céline, dont nous avons partagé le témoignage ce jeudi, elle a porté plainte, mais l’enquête a été classée sans suite en octobre 2022. “Car il y a prescription pour les faits commis avant mes quinze ans”, regrette Virginie. Pour elle, ce fut l’incompréhension.

L’annonce a été d’une violence telle que je suis restée trois jours repliée dans un coin de mon canapé, à ne plus savoir qui j’étais.

, se souvient-elle avec douleur. “J’ai eu l’impression qu’une fois de plus, on me dénigrait.”

Des médecins culpabilisants

Entre janvier et septembre 2019, Virginie a tenté de comprendre ce qui l’empêchait désormais de vivre et de travailler. Elle ne parvenait pas à mettre des mots sur son mal-être et dit n’avoir reçu aucun soutien de la part de ses médecins. “Mon médecin traitant m’a prescrit une dose très faible d’antidépresseurs et d’anxiolytiques, tout en me faisant culpabiliser de les prendre”, dénonce Virginie. Quant au psychologue qui l’a suivie jusqu’en 2021, il l’a accusée d’avoir porté plainte contre un innocent.

“J’ai aussi consulté deux psychiatres. Le premier a décrété que j’étais ridicule avec mes symptômes, le second m’a accusée de ne pas vouloir me faire soigner”, fustige la quadragénaire. Elle a envoyé de nombreux mails pour signaler les maltraitances du milieu médical, mais ceux-ci sont restés lettres mortes.

Je ne trouve pas ça normal que ni le milieu médical, ni le milieu professionnel ne me l’a jamais dit.

Mal informée

Les violences dont Virginie a été victime vont bien au-delà des viols, de ses douleurs, de ses peurs et du manque d’écoute et de compréhension des professionnels de la santé. Les violences qu’elle subit sont aussi financières.

Dans l’incapacité de travailler à cause de ce qui lui est arrivé et du syndrome de stress post-traumatique, Virginie s’est retrouvée au RSA. En France, il s’agit du revenu de solidarité active garantissant aux personnes sans ressources des revenus minimum. Ce n’est qu’au bout de trois ans qu’elle a appris qu’en tant que victime de violences sexuelles, elle avait droit à une reconnaissance de travailleuse handicapée, ainsi qu’à des allocations. “Je ne trouve pas ça normal que ni le milieu médical, ni le milieu professionnel ne me l’a jamais dit”, fustige-t-elle.

“Les institutions sont ignorantes”

Au fil des démarches qu’elle a entreprises depuis 2022, Virginie s’est rendu compte d’une chose: “Les institutions, qu’elles soient juridiques, médicales, ou encore associatives, sont complètement ignorantes de ce qu’est un syndrome de stress post-traumatique. Elles ignorent également les conséquences sur la santé”, fustige-t-elle. D’un point de vue médical, elle trouve cela tout bonnement incompréhensible. Du côté de la justice, elle s’interroge: “Déjà que le taux de classement sans suite explose, je me dis, qu’en cas de procès, la victime a perdu d’avance. Comment peut-elle avoir un procès équitable?”

J’ai besoin d’un lieu humain où nous ne serons pas jugées, regardées de travers, maltraitées par les mots qui nous rajoutent des traumas supplémentaires. Est-ce trop demandé d’être traitée et prise en charge avec un minimum de respect?

Ne confondez pas violences sexuelles et conjugales

Une autre chose qui l’a interpellée, c’est le fait que les victimes de violences sexuelles soient souvent confondues avec les victimes de violences conjugales. “Non, ce n’est pas la même chose, et pas la même prise en charge. Je n’ai pas besoin d’une maison d’accueil d’urgence, j’ai besoin d’un lieu où l’on m’explique mes droits et les démarches qui me sont possibles”, martèle-t-elle. “Un endroit où de véritables psychiatres et psychologues peuvent me prendre en charge. Un endroit où une gynécologue saura nous traiter, nous, les victimes de violences sexuelles, avec bienveillance et en respectant nos blocages. Un lieu humain où nous ne serons pas jugées, regardées de travers, maltraitées par les mots qui nous rajoutent des traumas supplémentaires. Est-ce trop demandé d’être traitée et prise en charge avec un minimum de respect?”, conclut-elle.

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