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Double peine victimes de viol
© Getty Images

Eva, victime double de violences sexuelles: ““J’ai été déshumanisée, humiliée, manipulée””

Sarah Moran Garcia

Elles ont connu l’effroi dans des villes différentes, à des moments et à des âges différents, mais Laura, Céline, Eva et Virginie subissent encore des violences, longtemps après leur agression sexuelle. Médecins, centres d’aide, police, justice, elles se sont heurtées et se heurtent encore quotidiennement à des murs.

Après Céline et Virginie, nous avons discuté avec Eva. Elle a aujourd’hui 42 ans. Son violeur, elle le connaissait très bien, puisqu’il s’agissait de l’homme qui partageait sa vie. Les agressions sexuelles dont elle a été victime a engendré chez elle un stress post-traumatique. “Quand tu es en couple avec la personne, c’est très difficile de se rendre compte”, commente-t-elle.

Je n’étais pas rassurée à l’idée de me retrouver dans un bureau, porte close, avec un homme. Mais j’étais malheureusement trop sous le choc pour exprimer mon ressenti.

Contrairement à certaines victimes, après s’être rendu compte qu’elle avait été violée, Eva a très vite porté plainte. Au commissariat, elle a été auditionnée par un premier policier. Bien qu’il se soit montré à l’écoute et compréhensif, elle a été profondément mal à l’aise. “Je n’étais pas rassurée à l’idée de me retrouver dans un bureau, porte close, avec un homme. Mais j’étais malheureusement trop sous le choc pour exprimer mon ressenti”, se souvient-elle. De plus, il était néerlandophone, elle, est francophone.

Elle a été entendue une seconde fois, toujours par un policier, qui l’a “totalement déshumanisée, humiliée, manipulée et victimisée”. Elle a fini par également porter plainte contre cet homme qui ne l’a pas écoutée et comprise.

Traitement “dégradant et inhumain”

À l’instar de Céline, dont nous vous avions partagé le témoignage il y a quelques jours, son dossier a été classé sans suite. Mais Eva n’a même pas été prévenue. Elle dénonce le laxisme de la justice, qui “n’a jamais ouvert d’enquête digne de ce nom”. D’après elle, l’enquête a seulement consisté en “une analyse superficielle de quelques messages, de deux auditions de [son] agresseur, et de deux auditions [d’elle]”.

Malgré le classement sans suite, elle a continué à se battre. Mais, au bout de quinze mois d’attente, son dossier a une nouvelle fois été classé sans suite, et ce, “sans effectuer les devoirs d’enquête demandés par mon avocate”. Cela fait aujourd’hui près de cinq ans qu’Eva a déposé sa plainte. La façon dont elle a été traitée est pour elle “dégradant et inhumain”, elle ajoute qu’il s’agit “d’une violation de [ses] droits de victime et citoyenne”.

Je ne sais pas à quel point mon viol a eu, et aura encore, des répercussions sur mon fils.

Son fils, une victime collatérale

Nous l’évoquions plus haut, Eva a développé un syndrome de stress post-traumatique. Mais elle n’a pas été crue. Le psychiatre qui l’a suivie ne comprenait pas qu’elle soit “traumatisée à ce point”, puisque l’agresseur était son ex-compagnon. Deux psychologues ont également fait preuve de violences psychologiques à son égard. “L’une se disait formée aux abus sexuels tout en remettant en question ce que j’avais vécu. L’autre m’a dit qu’elle avait l’impression d’avoir à aider une victime de violences conjugales à vivre dans de meilleures conditions avec son bourreau, alors que je n’étais plus avec lui depuis que j’étais sortie de mon black-out”, explique la mère de famille.

Elle n’est pas la seule victime, dans cette histoire. À l’époque des faits, elle avait un petit garçon. Aujourd’hui, il est presque devenu adolescent, et est, bien malgré lui, une victime collatérale “qui grandit avec une mère traumatisée”. Eva a tout fait pour lui épargner son traumatisme, il ne sait d’ailleurs rien de ce qu’il s’est passé avec l’ancien compagnon de sa mère, “mais il y a des choses qui ne passent pas par le rationne, et la parole, et je ne sais pas à quel point cela a eu, et aura encore, des répercussions sur sa personne”.

Mauvaise expérience auprès du CPVS

En Belgique, il existe des centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS). Au nombre de dix, ils offrent gratuitement des soins multidisciplinaires à toutes les victimes d’agression sexuelle, sans distinction de genre, d’âge, d’ethnie, d’orientation. “Le CPVS résulte de la collaboration entre l’hôpital, le parquet et la police, qui sont les trois partenaires primaires du CPVS, sous la coupole de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes”, précise Mélody Peusens, infirmière légiste au centre de Liège.

Après son viol, Eva a approché l’un de ces centres, sur les conseils de l’association SOS Viol. C’est d’ailleurs cette ASBL qui lui a fait découvrir les CPVS. Jusqu’alors, elle ne savait pas conscience que ce type de centre existait en Belgique. Bien que les CPVS aient pour vocation de venir en aide des victimes d’agressions sexuelles, Eva, elle, ne s’est pas du tout sentie écoutée, et pas non plus aidée.

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