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Blessures affectives enfance - Getty
Blessures affectives enfance - Getty

Et si les blessures affectives de l’enfance influençaient notre façon d’aimer?

Manon de Meersman

Ce que nous vivons dans notre enfance peut avoir un impact significatif sur notre vie adulte. Y compris notre façon d’aimer? Certainement. Pourtant, même si nous sommes tributaires de vécus affectifs, il est possible de poser un regard différent sur ces derniers, en remodelant la conception des sentiments amoureux.

Dans son ouvrage “On aime comme on a été aimé?”, Didier Pleux, psychologue et psychothérapeute, épingle la manière dont surmonter les empreintes affectives de l’enfance pour aimer sereinement. “Certaines blessures vécues dans notre prime enfance ont effectivement une résonance dans notre façon actuelle d’aimer”, explique-t-il, précisant qu’il est tout de même toujours possible de reconstruire cette manière d’aimer. “En dehors des ressentis de notre petite enfance, les empreintes les plus prégnantes sont le plus souvent le fruit de nos amours adolescentes et il est difficile de ne pas rester figé dans nos premières croyances sur le sentiment amoureux.” À travers son livre, l’auteur nous donne les clés “pour apprendre à construire un véritable amour ‘rationnel’ et déjouer tous les déterminismes: savoir aimer l’autre sans rejouer nos manques passés, quitter nos exigences infantiles pour connaître l’empathie véritable, aimer enfin comme un... adulte!”.

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L’impact de l’enfance sur la vie adulte

Pour Didier Pleux, “nous nous réendoctrinons sans cesse avec les ressentis de notre petite enfance et les pensées qui y sont attachées”. Ainsi, si vous avez eu le sentiment de ne pas être digne d’amour, cela se répercutera sur la manière dont vous appréhenderez la façon dont les autres vous aimeront. “Un tout-petit ne peut pas comprendre ou relativiser les attitudes de ses parents: il ressent, donc conclut rapidement sans pouvoir évaluer et penser ce qu’il vit” précise le spécialiste. Et dans ce cadre, ressasser ces “synthèses de vie” qui appartiennent à une autre époque de notre existence, n’est pas bénéfique. “Cette passivité actuelle, même si elle est le fruit d’empreintes passées, n’aboutit à rien” explique-t-il. De cette manière, il faut contester ces premières conclusions.”On peut, à l’âge adulte, changer ses attentes, ses exigences, et se dire: ‘Je sais que certaines personnes sont incapables d’aimer, je n’exige plus qu’elles soient différentes... J’insiste sur ce que je veux, je tente plusieurs pistes et si rien ne se passe, je romps la relation.” L’enfant ne peut pas faire ça... Mais l’adulte, bien.

On change de paradigme en quelques sortes: la relation n’est plus seulement envisagée comme “amour que l’on doit recevoir”, mais bien comme un amour où l’on donne aussi de soi-même. “Attendre que la réalité soit ce qu’on a toujours voulu qu’elle soit n’est qu’une synthèse de vie infantile qui nous rend impuissants car ce n’est pas notre réalité actuelle.” C’est dans cette optique de Didier Pleux reste persuadé que “même si nous engageons des tas d’éléments dans notre mémoire et ce dès le plus jeune âge, surtout lorsqu’il s’agit de nos premières relations affectives, tout peut redevenir rapidement ‘conscient'”. Pour lui, il suffit de ressusciter cette mémoire affective, en la compagnie d’un thérapeute pour accompagner dans ce travail de conscience. Celui-ci sait en effet “dénouer ce qui appartient au monde de l’enfance et ce qui ne correspond plus à une réalité.”

Non, tout n’est pas joué depuis le début

“Notre cerveau émotionnel, s’il a enregistré, inconsciemment, ces blessures affectives, peut se “déconditionner” sous la force de notre prise de conscience et de notre réflexion. Le cortex (le cerveau qui pense) gagne sur le reptilien (le cerveau qui ressent) quand ces conclusions affectives ou ces synthèses de vie de la prime enfance cèdent sous notre nouvelle compréhension de notre nouvelle réalité”, explique Didier Pleux. Ce dernier rappelle d’ailleurs que la vie permet également de nous faire rencontrer des personnes qui vont parvenir à nous aimer sans répéter ce que nous avons éprouvé si nous avons été mal aimés. “Ces ‘tuteurs de résilience’ comme le dit Boris Cyrulnik, nous aident à refermer nos premières cicatrices. [...] C’est le miracle de l’expérience et de ces nouvelles synthèses de vie qui, sans faire table rase du passé, savent dépasser les frustrations et les malheurs.”

Oui, nous sommes le plus souvent victimes de nos expériences affectives précoces, mais ces ’empreintes’ ne sont pas des traumatismes indélébiles. [...] Nous pouvons surtout entrevoir une solution pleine d’optimisme qui est à l’encontre des hypothèses déterministes de tout poil, celles qui nous disent que tout est joué depuis longtemps, que tout est défini.

Pour Didier Pleux, il est alors évidemment possible d’aimer de façon adulte, “en conservant ce qui est bon de ce que nous avons appris dans la toute petite enfance, tout en rejetant et en contestant les empreintes délétères que nous avons en nous.” De cette manière, en étant accompagné·e dans ce travail avec un·e thérapeute, il est vite aisé de comprendre qu’il n’est plus question, passé un certain stade, d’attendre les images aimées lorsque nous étions enfant. Il faut à un certain moment migrer vers un modèle de relation “réaliste”. “Garder ce qu’on aime chez son partenaire tout en s’efforçant de changer ce qui plaît le moins. Plus question d’exiger que l’autre ne soit plus ce qu’il est...” précise le psychologue, ajoutant qu’aimer ne signifie pas obtenir ce qu’on l’on n’a pas obtenu tout-petit.

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L’acceptation de soi va d’ailleurs jouer un rôle important dans ce travail puisqu’elle inclut toute notre personnalité “et nous demande ce que l’on est pour changer ce qu’il est possible de changer et vivre avec ce qui ne peut se modifier.”

Le pouvoir d’agir

En conclusion, nous avons le pouvoir d’agir sur cette manière dont nous avons été aimé: afin de ne pas reproduire des schémas persécuteurs de notre propre personne et d’aimer à l’avenir sans une recherche précise qui comblerait un manque. “Redevenir acteur de sa vie, ce n’est pas refouler les souffrances de son enfance, mais reconstruire ce qui a été détruit, et cela nous appartient.”

“On aime comme on a été aimé? Comment surmonter les empreintes affectives de l’enfance pour aimer sereinement”, Psycho-Love – La Musardine, Didier Pleux.

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