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La peur de grandir: ce blocage qui nous empêche de nous épanouir

Justine Rossius


Dans son livre “Les quatres peurs qui nous empêchent de vivre” (éd. Albin Michel), le psychologue Eudes Séméria revient notamment sur la peur de grandir, que nous serions nombreux•ses à éprouver. Comment savoir si vous en souffrez et comment en sortir ? On vous explique tout !


Rassurez-vous : tout le monde a peur, et les peurs sont même utiles, mais certaines angoisses nous empêchent de vivre notre vie pleinement et c’est spécifiquement ces peurs qu’il faut alors traiter. Selon Eudes Séméria, psychologue clinicien, psychothérapeute existentiel et auteur du livre Les quatre peurs qui nous empêchent de vivre et d’après ses nombreuses observations cliniques en thérapie, il existerait quatre grandes peurs fondamentales :

La peur de grandir (ou d’assumer réellement son statut d’adulte), la peur de s’affirmer ou peur de se définir (et donc la sensation d’être un imposteur ou d’être nul), la peur d’agir ou de prendre des décisions et enfin la peur de se séparer ou avec, sous-jacente, la peur de l’abandon.


Selon l’expert, ces peurs fondamentales regrouperaient en fait toutes les peurs que nous rencontrons dans la vie quotidienne. Heureusement, il serait possible de sortir de ces peurs irraisonnées qui nous empoisonnent la vie. Pour cet article, nous avons décidé de nous concentrer sur la peur de grandir, mais on vous invite à lire le livre en entier (qui est absolument passionnant!) pour en savoir plus sur les autres peurs fondamentales qui vous hantent peut-être inconsciemment.

Devenir adulte ; une étape effrayante


Beaucoup d’entre nous ne se sentent pas adultes, alors que nous sommes majeurs, en âge de procréer et d’assumer des responsabilités sociales et professionnelles. Mais finalement, c’est quoi être adulte ? Pour l’expert, il s’agirait d’apprendre à reconnaître les limites de la condition humaine. On apprend au fil des années qu’on ne peut pas tout savoir, que nous sommes seul·e·s finalement, que nous devons aussi parfois renoncer à des choses en posant des choix. Mais qui dit limites, dit angoisses... Alors, on préfère se voiler la face! On s’imagine immortel·le·s, on pense le moins possible à la mort, on s’entoure d’amis pour ne pas être confronté·e à sa solitude, on délègue nos responsabilités aux institutions… « Or, idéalement, nous devrions peu à peu abandonner le monde magique de l’enfance pour admettre, avec lucidité, notre condition limitée. Pourquoi ? Parce que sans cela, nous n’aurons que peu de prise sur la réalité et donc sur notre vie” explique Eudes Séméria.

Comment savoir si vous avez peur de grandir?

Vous refusez de dormir


Selon le spécialiste, les troubles du sommeil seraient en grande partie liés à la peur de grandir. Ainsi, tout comme les enfants qu’ils ont été, les adultes insomniaques ne feraient pas leur nuit. Et cela viendrait de plusieurs raisons, à commencer par la peur du noir, cette peur qui nous a tant taraudés quand on était enfants. Désormais, « ce sont la télévision ou l’ordinateur qui font office de veilleuse ». Les personnes refusant de grandir auraient tendance à vouloir annuler la nuit, comme pour sauter directement au lendemain. « C’est le vieux rêve de l’enfant qui voudrait que ce soit tout de suite le matin. (…) Pour lui, comme pour nombre d’adultes, dormir et mourir, c’est implicitement la même chose. » Autrement dit encore : pour grandir, il faut accepter de mourir un petit peu tous les soirs.

Vous possédez un objet transitionnel


L’objet transitionnel, c’est le doudou, si important pour l’enfant, puisqu’il l’accompagne dans son ouverture au monde extérieur tout en le protégeant contre l’angoisse que peut provoquer l’éloignement de ses proches. Puis, l’enfant, petit à petit, apprend à se passer de son doudou et autres jouets. Mais à y regarder de plus près, certains adultes continueraient à avoir des objets transitionnels soit des objets qui auraient un symbole de protection à leurs yeux, comme un objet fétiche ou un porte-bonheur. Si vous avez ce genre d’objets dont il vous est impossible de vous séparer, vous souffrez peut-être de la peur de grandir…

Vous mangez n’importe comment


Les personnes qui ont peur de grandir ont tendance à manger très librement, tout ce dont ils ont envie, détestant faire les courses et cuisiner. « En fait, leur mode d’alimentation ressemble à celui qu’elles ont connu dans l’enfance : elles veulent que les aliments soient prêts à consommer, qu’il y en ait à profusion (toujours trop), et elles ont l’habitude de terminer leur repas en se répétant : ‘j’ai encore trop mangé !’. (…) Or si manger sans limite est un problème auquel nous sommes quotidiennement confrontés en tant qu’adultes, alors cela ne peut signifier qu’une chose : nous n’avons pas grandi, en tout cas pas suffisamment, pas complètement. Ce réflexe inné de grossir sans limite aurait dû s’apaiser, s’éteindre progressivement au fil de la croissance. Pourtant, nous en sommes peut-être encore à agir comme s’il en allait de notre vie.

Comme chez le petit enfant, manger est un moyen d’évacuer nos angoisses et tout particulièrement nos angoisses de mort, de séparation, d’abandon et de solitude.

Vous rejetez vos caractéristiques adultes


Notamment vos attributs physiques. Quand leur corps change, les adolescent·e·s peuvent éprouver une certaine honte et culpabilité, qui peut persister à l’âge adulte, à travers le choix de vêtements amples et unisexes notamment. Les femmes pourront montrer une certaine aversion pour le maquillage, les talons hauts, les vêtements exprimant une féminité trop franches. En parlant de cela, l’auteur du livre explique aussi que les personnes qui peinent à quitter l’enfance ont dû mal à se déclarer  « homme » ou « femme » en étant super à l’aise avec ces termes. La peur de la sexualité est également liée, avec comme conséquence, une tendance à séduire sans aller plus loin. Soit jouer avec le feu sans aucune intention de s’engager véritablement dans une relation amoureuse. « Ils séduisent en général sur le mode de l’enfant joyeux, plein de vie. Ils font preuve de gentillesse, de gaieté, d’attention » explique l’auteur. « Non pas que la sexualité ne les intéresse pas, mais ils en ont trop peur pour s’y abandonner. » Le livre revient sur d’autres notions très intéressantes liées à la sexualité, mais on vous invite à le lire pour en savoir plus !

Vous avez peur de vous affranchir de vos parents


Vous avez encore du mal à ‘désobéir’ à vos parents ? Les interdits parentaux sont encore trop présents dans votre vie ? Vous pourriez souffrir de la peur de grandir. Et cette peur est exacerbée par des parents dits toxiques, comme un parent dépressif ou dépendant, qui exigera qu’un enfant le répare ou lui serve de pansement.

L’enfant sera alors submergé par des attentes qui le dépassent tandis que jamais ses mérites ne seront reconnus. Il devra toujours obéir, apporter son soutien, se sacrifier, renoncer à lui-même et même pire que ça, il devra se montrer reconnaissant à l’égard de ses parents !


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Effacement fusionnel et toute-puissance héroïque

L’auteur va plus loin dans la description des « grands enfants », expliquant qu’ils ont tendance à avoir des comportements compulsifs, à remettre leur travail à plus tard, à vivre dans le désordre et même… à se cogner dans les murs et les meubles sans faire exprès.


Ils auraient également tendance à être hypocondriaques et à exagérer leurs maux, pour des raisons que l’expert explique longuement dans son livre.

Selon le psychothérapeute — c’est ici que ça se complique — il s’agirait d’une espèce de force irrésistible agissant à l’intérieur d’eux. Cette force trahirait des phénomènes de défense psychiques caractéristiques du petit enfant : l’effacement fusionnel et la toute-puissance héroïque. L’effacement fusionnel consiste à s’effacer en fusionnant avec les autres, avec, comme conséquences une difficulté à faire des choix et prendre des décisions, à assumer des responsabilités, à dire non de peur de perdre l’estime d’autrui, tendance à la dépendance affective, peur de la séparation, besoin de l’approbation des autres, manque d’estime de soi, et sentiment d’être inférieur aux autres. Si vous vous reconnaissez dans beaucoup de ses traits, alors votre peur de grandir s’exprime donc par l’effacement fusionnel.

Un autre aspect caractéristique de l’enfance est la toute-puissance héroïque qui consiste à se distinguer en dépassant voire en transgressant les limites, et dont les traits caractéristiques sont les suivants : une tendance à prendre des décisions irréfléchies, le besoin d’assumer des responsabilités même si celles-ci dépassent ses capacités ou ses compétences, une estime de soi excessive, un besoin d’indépendance et d’être au centre de l’attention.

 

Comment sortir de l’enfance ?


Dans son livre, Séméria revient en détails sur le processus thérapeutique nécessaire pour sortir de l’enfance et accepter son statut d’adulte. Parmi les nombreux conseils prodigués et émaillés d’exemples pratiques, nous avons dégagé quelques premières pistes…

Écrivez une biographie schématique


Aussi étrange que cela puisse paraître, les « grands enfants » ont dû mal à se rappeler de leur passé, un peu comme s’il était resté dans un mode ‘passif’, tel un enfant que l’on trimballe d’un endroit à l’autre sans qu’il ne sache réellement où il va. Séméria recommande alors de créer une biographie schématique pour redevenir actif de sa vie et de son passé: inscrivez à gauche d’une feuille chaque année de votre vie depuis l’année 1 jusqu’à l’année actuelle et en face de chaque année, inscrivez les souvenirs qui reviendront, les lieux, les événements significatifs, quitte à devoir, pour cela, interroger vos proches et vos albums photos. Cet exercice permet de sortir du temps clos de l’enfance. « Mieux voir le chemin parcouru permet de considérer le paysage immense qui s’ouvre devant vous » souligne l’auteur. Sans oublier que se réapproprier son histoire personnelle permet de se distancier de celle des ses parents, étape indispensable pour devenir adulte.

Changez de place


« Imaginez un échiquier. Vous êtes l’une des pièces posées sur cet échiquier. Votre «place» est définie par l’ensemble des relations que vous entretenez avec toutes les autres pièces. Plus précisément encore, la place est ici l’ensemble des règles qui régissent, consciemment ou pas, vos relations à autrui et au monde qui vous entoure ». Par exemple ? « Je dois être serviable », « je dois m’oublier au profit des autres », « je dois faciliter la vie de mes parents » ou encore « je dois être au centre de l’attention », « je dois être celui qui décide », « je dois être le plus fort », etc. Une fois que vous êtes conscient·e de votre place d’enfant face à vos parents, essayez d’opérer un changement de place. Ça peut consister en plein de choses! Par exemple : allez un peu moins souvent chez vos parents, en passant parfois le relais à vos frères et sœurs. Prendre plus de temps pour vous aussi, en vous inscrivant à un cours de théâtre ou de cuisine, si vous avez toujours rêvé de ça, mais que vous n’avez jamais osé faire passer vos désirs en premier.

Envie d’en savoir plus sur ces quatre peurs? Lisez “Les quatre peurs qui nous empêchent de vivre” de Eudes Séméria, aux Editions Albin Michel, à paraître en mars 2021. Prix: 20 euros.



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