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Témoignage: ““Je suis cobaye médical””

Barbara Wesoly

Tester des médicaments sur des sujets humains, une pratique qui effraye, mais qui demeure indispensable avant toute commercialisation sur le marché pharmaceutique. Et un acte ordinaire pour Xena, 23 ans et étudiante en journalisme, qui participe fréquemment à des essais cliniques.


“J’ai un jour appris par ma mère que mon neveu participait à un essai clinique. Cela a directement éveillé mon intérêt, d’autant qu’on ne va pas se mentir, ce genre de tests permet de gagner de l’argent facilement. Bien plus qu’un job étudiant toute l’année! Je me suis donc inscrite sur le site d’un centre spécialisé. Si l’on est intéressé par l’étude proposée, on peut poser sa candidature pour y participer. Et des tests préliminaires déterminent si l’on est apte ou pas à y prendre part.

Un énorme petit-déjeuner


J’ai participé à bien plus d’enquêtes préliminaires qu’aux études elles-mêmes. J’étais trop mince, l’essai était soudainement annulé,… quand ce n’étaient pas les données qui n’étaient finalement pas publiées. Il m’a fallu attendre 2015 pour rejoindre mon premier essai clinique. Il s’agissait de prendre des médicaments contre le VIH pour observer leur réaction en combinaison avec différents types d’aliments.

Pour cela, j’ai dû réaliser deux séjours de cinq jours à l’hôpital. Il me fallait prendre le médicament, puis donner mon sang presque toutes les heures et manger tous les repas qu’on me donnait, dans un certain timing.


Et c’était loin d’être une partie de plaisir. Les portions étaient géantes mais de la qualité des repas servis en hôpital… J’ai ainsi dû, par exemple, engloutir un petit-déjeuner horriblement copieux et gras en seulement 20 minutes! Je n’ai jamais très faim le matin, donc c’était un vrai challenge. Mes intestins m’ont causé quelques soucis durant l’étude, mais j’ai gagné 1750 euros.

Perfusion contre l’obésité


Au total, j’ai passé dix jours en clinique. C’était très long et je ne réitèrerai pas l’expérience. Je pouvais m’occuper mais c’était d’un ennui mortel. Heureusement, l’essai clinique auquel je vais bientôt participer ne demande que trois jours d’hospitalisation. Je devrai ensuite me représenter neuf fois durant trois mois pour étudier l’évolution du traitement. A l’hôpital, je recevrai une perfusion contenant un médicament contre l’obésité. Les tests suivant viseront à voir si j’ai maigris. Cette étude me rapportera 1600 euros.

Je ne crains pas les possibles effets secondaires. Je sais que les tests sont réalisés en toute sécurité et que l’on ne pratiquerait jamais des essais sur des humains si d’autres procédures minutieuses ne les avaient pas précédés.


Certaines personnes continuent à croire que c’est dangereux mais c’est parce qu’ils ne savent pas comment cela se déroule. Mes proches n’ont, eux, aucun problème avec l’idée que je prête mon corps à la science. J’ai juste évité d’en parler à ma grand-mère car je sais qu’elle risquerait de s’inquiéter.

Pas cupide


En participant à ces études cliniques, je gagne de l’argent, mais j’apprécie également l’idée d’aider la médecine à progresser. Je n’ai pas le sentiment d’agir de manière cupide mais plutôt de poser un petit geste pour l’humanité. Il est essentiel que de nouveaux médicaments soient développés et que chaque personne malade puisse avoir accès à un traitement adapté. Tant que ce sera possible, je participerai donc à un maximum d’essais cliniques. S’il m’est possible de les combiner avec mes études ou mon travail et de gagner plus d’argent en aidant la science, pourquoi hésiterais-je?”

Les essais cliniques sont-ils vraiment sans risques?


Nous avons demandé de plus amples informations sur ces pratiques au professeur de Hoon, chef du Centre de pharmacologie clinique de l’UZ Louvain.

Environ 3000 volontaires participent chaque année à des essais cliniques en Belgique. Nous ne faisons pas face à une pénurie, mais il nous faut malgré tout parfois batailler pour obtenir un nombre suffisant de testeurs. Ils sont toujours nombreux au moment des essais préliminaires, mais nous perdons environ la moitié d’entre eux en cours de route, car ils ne répondent pas aux critères nécessaires. Et, vu que les études sont une étape obligatoire pour le développement de nouveaux médicaments, il faut constamment des participants pour celles-ci.”

Les critères et conditions sont souvent défavorables aux femmes. Dans nombre d’études, elles ne sont admises que si elles sont ménopausées ou qu’elles se sont faites ligaturer les trompes. Une majorité des participants sont donc des hommes. Les femmes en âge de procréer sont toujours susceptibles d’être enceintes. Et nous voulons à tout prix éviter que l’une d’elles prenne sans le savoir des médicaments pouvant avoir un effet néfaste sur le fœtus.


Effets indésirables

“Lors d’une étude clinique, nous testons les réactions d’un nouveau médicament sur l’être humain: s’il est bien toléré, à quel point il est sûr, en quelle dose il doit être administré… Avant l’essai à proprement parler, tous les volontaires participent donc à une batterie d’examens préliminaires pour vérifier qu’ils répondent aux critères de participation et sont en bonne santé : électrocardiogramme, test d’urine, de sang… Si toutes les conditions sont remplies, ils ont alors le droit de rejoindre l’étude et se voient administrer le médicament. Durant l’essai, de nouveaux examens sont réalisés et le moindre effet secondaire est étroitement surveillé.”

Pas que pour l’argent

“L’un des avantages majeurs à participer à des essais cliniques est la possibilité d’aider les malades en contribuant au développement de nouveaux traitements. Mais l’aspect financier est, bien entendu, également l’une des raisons qui poussent les volontaires à s’inscrire. Il s’agit parfois de montants élevés. Mais ceux-ci ne sont aucunement proportionnels aux risques encourus. Ils visent seulement à compenser le temps et les efforts que les participants devront fournir. Si l’étude prend du retard et se prolonge, les montants sont aussi augmentés. Mais heureusement, certains ne se lancent dans l’aventure que pour l’argent mais également pour faire progresser la science. Nous rencontrons aussi des gens dont un membre de la famille est malade et qui désirent dès lors donner d’eux-mêmes pour tenter de faire avancer plus vite la recherche.”

5 morts en 50 ans

“Participer à une étude clinique présente-t-il des risques? Bien-sûr, comme pour tout dans la vie. Mais ceux-ci sont limités au maximum. Et il existe une réglementation internationale très stricte. Dès lors que celle-ci est bien respectée, le volontaire est vraiment en sécurité.


Il y a bien sûr fréquemment de légers effets secondaires, sans quoi il ne faudrait pas réaliser d’études. Mais si ceux-ci se présentent, nous adaptons les doses ou arrêtons totalement le traitement. Sur une période de 50 ans d’essais cliniques de par le monde auxquels ont participés entre deux et cinq millions de personnes, nous ne déplorons que cinq morts. C’est bien-sûr déjà trop, mais il s’agit d’un quota de 1 sur 500 000 ce qui demeure donc minime. Et ici, à Louvain où j’exerce depuis près de 20 ans, nous n’avons jamais connu d’incidents graves.” 

Un travail vital

“Les études scientifiques sont essentielles. Sans elles, aucun nouveau médicament ne peut être commercialisé. En tant que malade, on est tellement soulagé à l’idée que des solutions existent ou que l’on en cherche de nouvelles. Et refuser les risques mineurs signifierait refuser de développer des traitements et de soigner les gens.”

Texte: Annelin Marien et Barbara Wesoly. Photo: Thomas Legrève.


 

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