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TÉMOIGNAGES: Skye, Merel et Lauren, transgenres, racontent leur transition

Barbara Wesoly

Toutes les personnes transgenres ne souhaitent pas subir de traitements ou de chirurgies, mais pour certaines, ce processus est indispensable. Trois d’entre elles (à différents stades de leur transition), nous expliquent sans détour à quoi ressemble ce chemin qui les mène vers leur véritable moi.

Il y a quatre ans, Skye, 19 ans, a découvert qu’il était né dans le mauvais corps. Depuis l’été 2020, il est sur liste d’attente pour un entretien avec une équipe d’accompagnement.

 À l’âge de 15 ans, un ami transgenre m’a dit qu’il allait commencer à prendre de la testostérone. Il s’est progressivement rendu compte que j’étais dans le même bateau que lui. Quand j’étais enfant, j’avais le sentiment que quelque chose n’allait pas, mais j’étais bien trop jeune pour réaliser ce qu’il se passait. J’étais tout sauf une fille typique et je ne me sentais pas du tout comme une fille, mais je ne le réalisais pas. Ce n’est que lorsque cet ami a mentionné qu’il était trans que j’ai commencé à me poser des questions sur mon identité de genre. Par exemple, j’ai remarqué que je ne parvenais jamais à m’identifier à mes camarades de classe, que je ne me sentais pas à l’aise dans les vêtements que je ­portais et qu’en ­réalité, je ne me ­sentais pas moi-même dans mon corps.

Quand je m’apercevais dans le miroir, l’image ne correspondait pas à la façon dont je me sentais. Au ­début, lorsque les pièces du puzzle ont commencé à se mettre en place, en partie grâce à de nombreuses questions à cet ami et à pas mal ­d’introspection, j’ai eu du mal à ­accepter cette réalité.

Je ne ­m’attendais pas à être trans, même si je ressentais un problème d’identification. Peu de temps après, j’ai contacté un psychologue, mais ce ne fut pas une expérience très agréable, car il ne connaissait pas grand-chose à ce sujet. Jusqu’à ­l’année dernière, je n’osais pas ­m’exprimer en tant que personne transgenre. Certains amis LGBTQ+ étaient au courant, mais devant ma famille, je faisais semblant de rien. Ce n’est qu’en mai 2020 que j’ai annoncé à mes parents que je voulais vivre ma vie d’homme. Ils savent que je me suis inscrit dans un centre d’accompagnement des transidentités l’été dernier, mais ils ont encore besoin de temps pour le digérer.

Une renaissance

À l’école, on s’adresse désormais à moi en utilisant mon nouveau ­prénom. J’ai délibérément choisi un nom neutre même s’il n’apparaît pas encore sur ma carte d’identité. Depuis 2018, il existe une loi permettant aux personnes transgenres de changer plus facilement leur prénom et leur sexe sans avoir à prendre de mesures médicales, mais j’attends que mes parents soient plus en paix avec la situation et d’avoir terminé mon ­processus. Je ne sais pas encore quand l’admission aura lieu, mais des amis m’ont dit que cela pourrait prendre un an et demi, voire plus. Toute cette attente est difficile à vivre, car je ne sais pas quoi faire entre-temps.

La plupart du temps, je vais bien, mais parfois c’est plus ­compliqué moralement. Bien sûr, je comprends que l’attente soit longue, car je réalise que de plus en plus de personnes se découvrent transgenres et cherchent une aide ciblée. ­

Comment je vois ma transition? Tout d’abord, je voudrais obtenir la permission d’entamer un traitement hormonal: la testostérone dans mon cas. Je pense aussi vouloir une ­mastectomie sous-cutanée (retrait des seins, ndlr), puisque cette partie de mon corps est très difficile à porter pour moi. Pour le moment, je ­dissimule ma poitrine avec un binder (brassière compressive, ndlr), mais ça ne peut pas être une solution ­permanente. Je ne sais pas encore si j’opterai pour une chirurgie des ­parties génitales. Il y a des avantages et des inconvénients à une telle ­intervention, c’est quelque chose que je dois envisager à plus long terme. Je ne sais pas ce que l’avenir m’apportera, même si je ­décompte les jours avant de pouvoir décrocher un rendez-vous. J’attends avec impatience ma renaissance, ce jour où je pourrai enfin me sentir moi-même dans mon propre corps.»

Merel, 28 ans, est au milieu de sa transition. Elle aimerait subir quelques procédures supplémentaires avant de pouvoir considérer sa transition terminée.

« Vers l’âge de 17 ans, j’ai commencé à douter de mon identité et de mon genre. Je n’étais pas très précoce, tant sur le plan physique que mental, donc je n’avais pas réfléchi à mon corps ou mon identité avant cet âge-là. Dès que j’ai atteint la puberté, une période déroutante a commencé. Les poils sur mon corps me dégoûtaient, je ­détestais me faire couper les cheveux et j’étais très confuse au sujet de ma sexualité. Les changements physiques que je traversais n’étaient pas cohérents avec la façon dont je me voyais, même si je n’avais aucune idée de ce qui clochait chez moi à l’époque. Je me posais beaucoup de questions, mais il a fallu des années avant que je réalise et que j’accepte que j’étais transgenre. À 19 ans, quand j’ai été en kot, j’ai pu profiter d’une intimité pour la première fois de ma vie. J’en profitais pour porter des ­vêtements de femme chez moi.

Quand je portais ces tenues, je ­sentais que je pouvais être moi-même, et en même temps, je me sentais de plus en plus mal.

J’ai commencé une ­thérapie pour ­dépression. Lors d’une séance avec mon psy, nous avons abordé le sujet de la dysphorie de genre. C’était ­difficile pour moi d’aborder ce sujet, car j’avais honte et peur des ­conséquences d’une ­potentielle ­transition. Personne ne savait ce que je ressentais. Je n’osais en parler à personne, car j’avais le sentiment de faire quelque chose de mal. Dans les années qui ont suivi, je me suis isolée. Chez moi, je vivais comme une femme, et à l’extérieur, comme un homme. Je n’avais aucun projet pour mon avenir. Porter des vêtements pour femmes de temps en temps était la seule issue que j’avais à l’époque. Je n’osais pas mettre de ­vernis à ongles, par exemple, de peur qu’on découvre mon secret. J’ai passé une grande partie de ma vie à me sentir infiniment seule.

Une paix mentale

Chaque jour, je me confrontais à mon image. Je me voyais devenir de plus en plus masculine physiquement alors que c’était ma hantise. J’avais constamment le sentiment que je devais me battre contre le temps qui passe. Chaque jour qui passait était un jour que je perdais pour vivre ma vie de femme. En 2017, j’ai rassemblé tout mon courage et j’ai contacté ­l’hôpital pour entamer une nouvelle thérapie davantage centrée sur mon identité du genre. À partir de ce ­moment-là, j’ai suivi une séance tous les deux mois, pendant une ­période de deux ans. J’ai appris à ­dépasser ma honte et j’ai essayé de m’ouvrir à l’idée de vivre à plein temps ma vie de femme un jour. J’ai franchi cette étape en octobre 2019, après avoir reçu le feu vert pour ­commencer les bloqueurs de ­testostérone et les ­hormones ­féminines. J’ai aussi entamé une ­épilation définitive depuis deux ans, suivi de cours pour féminiser ma voix et je suis sur la liste ­d’attente pour une orchidectomie (l’amputation chirurgicale d’un ou deux testicules, ndlr), ainsi qu’une chirurgie de ­féminisation faciale. La chirurgie mammaire n’est pas nécessaire pour le moment: en tant que femme trans, cela peut prendre des années avant d’avoir une croissance mammaire complète et je suis déjà satisfaite des seins que j’ai obtenus grâce aux hormones.

Ce qui était crucial pour moi, c’était mon changement de nom, que j’ai mis en place en 2020. Déjà dans mon enfance, je détestais mon ancien prénom, qui ne me ­correspondait pas du tout, je suis ­profondément heureuse de pouvoir m’appeler Merel.

Ma transition ­physique n’est pas ­encore terminée, mais la paix mentale que ce ­processus m’a déjà apportée est bien plus importante pour moi que les changements physiques que j’ai ­subis. L’un des plus gros ­inconvénients de cette transition est le fait de devoir être dépendante de médicaments pour le reste de ma vie. Et de devoir subir des contrôles chaque année. Mais c’est pour un mieux. Après tout ce temps, je peux enfin être moi-même et j’ai une ­perspective d’avenir. En ce moment, j’essaye d’être la meilleure version de moi-même et de vivre comme la femme que j’ai ­toujours désiré être.»

Lauren, 26 ans, a terminé sa transition, il y a quelques mois. Le fait qu’elle soit transgenre ne joue plus de rôle dans sa vie quotidienne.

« Quand je repense à mes relations sociales, enfant et adolescente, j’ai toujours été exclue et je me suis ­toujours sentie bizarre. J’étais en paix avec ça, mais ce n’est que des années plus tard que j’ai réalisé que je n’étais en réalité pas à l’aise avec l’idée ­d’interagir en tant qu’homme dans ces relations. Tout au long de mon ­histoire, il y a eu plusieurs indices de dysphorie de genre, mais je n’en ­savais pas assez sur la transidentité
à l’époque.

Le sujet était encore très tabou et même si je me souviens qu’au fond de moi, je voulais être une femme, je ne savais même pas que c’était possible.

Quand je suis entrée dans la puberté, une période plus difficile a commencé. Je n’aimais pas les changements que subissait mon corps, mais je me résignais,car je pensais ne rien ­pouvoir faire d’autre. Dès 16 ans, j’ai passé ­beaucoup de temps sur Tumblr à découvrir la ­communauté LGBTQ+. Me plonger dans cet univers m’a ­permis de me rendre compte que je n’étais pas ­cisgenre (quelqu’un dont l’identité de genre correspond au sexe à la naissance, ndlr), mais ­transgenre et que j’avais envie de ­devenir une femme. Le découvrir a été ­particulièrement libérateur. J’ai ­toujours été timide, mais en ­m’entourant de personnes ­partageant les mêmes idées et en faisant pas mal d’introspection, j’ai pu construire ma propre identité. Depuis cette révélation, je me sens plus à l’aise dans les relations que je développe avec les autres et je suis plus motivée pour atteindre mes
objectifs de vie.

Pas que des avantages

Toutes les personnes transgenres ne souhaitent pas entamer de processus de changements physiques, mais dans mon cas, cette transition a été cruciale. À mes yeux, c’était le seul chemin possible pour ne plus être confrontée aux réalités physiques au quotidien. Je ne voulais pas que ma voix devienne plus grave ou que mes épaules s’élargissent. En mars 2015, j’ai contacté un centre ­d’accompagnement des ­transidentités à l’insu de mes parents. Je voulais les en ­informer une fois que mon entretien d’admission était terminé, mais ils ont fini par le ­découvrir plus tôt. Ma mère n’a pas réagi négativement. Pour mon père, ça a été plus difficile: il lui a fallu deux ans avant de m’appeler par mon nouveau prénom et avant ­d’utiliser les bons pronoms à mon égard, mais ma mère a joué le rôle de médiatrice pendant tout ce temps. Le 11 septembre 2015, j’ai eu mon ­premier rendez-vous avec un ­psychiatre et j’ai commencé un ­traitement hormonal six mois plus tard.

À l’été 2016, j’ai subi une ­réduction de la pomme d’Adam et suivi une ­thérapie vocale. J’ai aussi eu un ­certain nombre de chirurgies ­faciales, ainsi qu’une augmentation mammaire, et il y a deux ans, j’ai subi une chirurgie de réassignation sexuelle.

Certaines corrections ont été encore apportées en 2020, mais je considère maintenant que ma ­transition est ­terminée. Ces ­changements ­physiques ont fait toute la différence. Le fait que mon apparence corresponde maintenant à mon identité de genre m’apporte une paix mentale qui m’est précieuse. Pourtant, il y a aussi des inconvénients. Je ne ­souhaite à personne de connaître les douleurs que j’ai vécues après mon opération de réassignation sexuelle. Heureusement, c’était ­transitoire, mais j’ai eu une perte de sensibilité au niveau de mes seins, une complication qui peut survenir. Aujourd’hui, j’ai davantage confiance en moi sexuellement. Je me dis parfois que j’aurais pu acquérir cette confiance en conservant mes ­organes génitaux, mais je sais que sans chirurgie, ça aurait pris ­beaucoup plus de temps. Je ne dois plus faire attention à dissimuler mon pénis et c’est un vrai changement au ­quotidien. Bref, je ne regrette rien. Le fait que je sois transgenre ne joue plus de rôle dans mon quotidien. C’est un chapitre de ma vie, mais il ne la ­définit pas. »

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