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BABYSTORY: ““J’ai perdu mon fils de 15 mois alors que j’étais enceinte de mon troisième enfant““

Du désir d’enfant à la maternité, mettre un petit être au monde peut parfois s’apparenter à des montagnes russes. Vinciane a vécu l’innommable. En septembre 2019, son petit Charly est décédé d’une méningite foudroyante alors qu’elle était enceinte de son troisième enfant. Elle raconte son histoire de maman désenfantée qui a trouvé le courage de continuer à avancer.

Vinciane a 35 ans et habite Wezembeek-Oppem. Elle travaille avec son mari Ludovic dans leur boutique de lunettes sur-mesure de luxe (Lunetier Ludovic) à Bruxelles. En parallèle, elle a créé Créadeuil qui propose des signes à offrir à des personnes endeuillées pour les soutenir dans le temps et Créasens, des ateliers créatifs pour donner du sens à nos émotions. Elle est maman de trois garçons: Félix, Charly* et César.

Lire aussi: Créadeuil aide les proches des personnes endeuillées à témoigner de leur soutien

Une famille de garçons

“J’ai toujours su que je serais un jour maman. Quand j’ai rencontré Ludovic, je savais qu’il était le père de mes futurs enfants. Avant même de se connaître, mon mari et moi voulions tous les deux appeler notre fils Charly. On adorait ce prénom. Sauf que la naissance de notre premier enfant est arrivée au moment des événements Charlie Hebdo. Nous avons alors décidé de l’appeler Félix.”

Trois ans après, notre deuxième garçon, Charly, est arrivé. Avec Ludovic, on savait qu’on voulait un troisième enfant mais disons que la troisième grossesse est arrivée un peu plus vite que prévue (rires). Je suis tombée enceinte alors que Charly n’avait que 7 mois.

Un bébé en parfaite santé

“Charly était un petit garçon qui n’avait aucun problème de santé. On ne s’est jamais inquiété pour lui, il était rarement malade… Étant enceinte de mon troisième, on a dû trouver une nouvelle crèche car Charly était dans une crèche privée.”

Trois jours

“Le mardi 17 septembre 2019, cela faisait deux semaines que Charly, alors âgé de 15 mois, était dans sa nouvelle crèche. Sa crèche m’a appelée quand j’étais au travail pour m’informer que mon fils faisait de la fièvre. J’ai été le rechercher. Il a passé l’après-midi avec moi, il jouait, il avait l’air d’aller bien. Le lendemain, 18 septembre, je me suis quand même rendue chez ma généraliste car il avait vomi le matin et n’avait pas l’air très en forme. Lors de ce rendez-vous, cette dernière m’a rassurée en me disant qu’il avait sûrement attrapé un microbe ou que sa fièvre était probablement due à ses récents vaccins. Finalement, Charly est venu avec moi au magasin. Comme c’était un mercredi après-midi, je suis allée chez mes parents afin de récupérer Félix. Je n’ai pas sorti Charly de la voiture et je me rappelle avoir dit à ma maman qu’il n’était pas bien mais que ‘ça va, il respirait toujours’. Avec le recul, je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Une fois à la maison, j’ai déposé Charly sur sa table à langer et j’ai vu qu’il n’allait vraiment pas bien, il était très froid. J’ai pris sa température et j’ai rappelé la médecin.”

Elle me conseille de lui donner un bain chaud mais je décide de foncer aux urgences. Là, en voyant son état, les médecins se pressent de me le prendre des bras. Il a fait une crise cardiaque devant mes yeux.

L’indicible

“J’ai appelé mon mari qui était au travail. Il m’a rejoint à l’hôpital, ma maman est venue récupérer Félix qui était encore avec moi. Pendant tout un temps, on ne nous a rien dit, on savait juste qu’il était en train d’être ranimé. Vers 20 heures, un cardiologue est venu à notre rencontre et nous a expliqué que Charly avait fait une crise cardiaque mais qu’il ne connaissait pas encore la raison. On a pu aller le voir. Vers 22 heures, on m’a conseillée d’aller me reposer car j’étais enceinte de 8 mois et que l’hospitalisation de Charly allait probablement durer encore longtemps. On est rentrés chez nous. Je n’ai pas dormi de la nuit, j’ai rappelé plusieurs fois le service des urgences pour prendre des nouvelles de mon fils. Le lendemain matin, nous sommes allés manger chez mes parents en attendant de pouvoir retourner le voir. À ce moment-là, on se disait que notre fils était entre de bonnes mains et que tout irait bien. À 10 heures, je me suis rendue à l’hôpital avec Félix, mon mari était parti à une conférence de presse. C’est là qu’on m’a annoncé l’horreur.”

Les médecins m’ont dit qu’ils ne savaient toujours pas, que Charly n’allait pas bien, qu’il ne réagissait plus, qu’il souffrait de diabète insipide et qu’on allait devoir lui dire au revoir.

Dire au revoir

“J’étais seule avec cinq médecins devant moi. Je n’ai pas compris. Je n’ai plus aucun souvenir, ce moment est anesthésié, je me rappelle juste avoir hurlé. Ma maman a appelé mon mari et la famille. Une heure plus tard, nous étions tous là, dans cette pièce, autour de lui. Les résultats sont tombés: Charly avait contracté le méningocoque W., son cerveau ne répondait plus. Tout a été très vite. Un prêtre est venu pour le baptiser, ce fut un beau moment. J’étais encore pleine d’espoir car on attendait les résultats du dernier encéphalogramme. À 14 heures, on m’a annoncé qu’il n’y avait plus de réaction, que Charly était dans un état de mort cérébrale et qu’il fallait le débrancher. Je me suis tordue de douleur, j’ai cru que j’étais entrain d’accoucher.”

Je suis montée en maternité. J’étais là, entre le service de la mort et de la vie. Mais fausse alerte. Vers 20 heures, après que tout le monde lui ait dit au revoir, on est restés là tous les trois, on a pris quelques photos, on lui a parlé calmement, on l’a rassuré en lui disant que tout irait bien. Et Charly est parti le jeudi 19 septembre 2019.

L’après

“De retour à la maison, je me rappelle avoir été dans un état de flottement, assise dans le fauteuil, le soleil qui rayonnait à travers les fenêtres. La famille était là pour nous. Mes sœurs étaient à mes côtés. Les lessives tournaient toutes seules, le lave-vaisselle se vidait, on était tellement bien entourés. On se laissait porter. On a préparé l’enterrement. Je n’ai pas dormi pendant un mois, je ne pouvais rien prendre car j’étais enceinte.”

Ce mois-là est un brouillard, j’en garde peu de souvenirs. Je me rappelle de Félix nous demandant quand on allait arrêter de faire des fêtes à la maison car il y avait tout le temps du monde.

L’arrivée du troisième enfant

“Je ne voulais pas accoucher, je ne voulais pas d’un autre enfant. Pourtant ce troisième enfant, on l’a voulu, on avait tout préparé pour son arrivée. Le jour de l’accouchement, la péridurale n’a pas fonctionné, mais mon fils est arrivé sans que je doive pousser. Nous l’avons appelé César. Ma maman est restée à mes côtés durant la première nuit à l’hôpital. J’ai demandé un somnifère, je voulais dormir, enfin. Une sage-femme est venue à la maison pour s’occuper des nuits de son premier mois de vie. Au bout d’un mois, j’ai réussi à m’occuper de lui. J’avais l’impression de faire un film de 1 an et demi et de tout recommencer à zéro.”

Rester dans les mêmes murs, les mêmes meubles, c’était compliqué alors on a décidé de faire des travaux dans la maison et d’aller vivre chez mes parents en attendant.

Il est avec nous

“Aujourd’hui Charly repose dans un cimetière, il a la plus belle pierre tombale de la terre. Un artisan a gravé son prénom dans la même typographie que celle de son faire-part, ainsi qu’une étoile avec une feuille d’or. L’endroit est reposant et joli. Mais pour moi, il n’est pas là, il est partout. Je m’y rends le jour de son anniversaire, de son décès et je passe quand je suis seule et que j’en ressens le besoin. À la maison, on a rangé petit à petit ses affaires. On a gardé une belle photo, une bougie et une magnifique sculpture qui le représente sur son tricycle. J’aime me lever le matin et voir que sa bougie est allumée.”

Aude Mermilliod
Où qu’il soit, Charly est avec nous. J’ai également demandé à différents illustrateurs de dessiner notre famille car je n’ai pas de photo de nous cinq. J’ai accroché ces cadres un peu partout dans notre maison.

Vivre avec

“Comment on fait pour vivre avec? Je pense qu’on ne vit pas, mais on survit, on apprend à vivre différemment. Je ressens de l’injustice et de la colère, j’essaie de la transformer du mieux que je peux. Pourquoi moi? Je ne me suis jamais posée de questions par rapport aux vaccins, je n’ai jamais été pour ou contre, Charly a reçu tous les vaccins conseillés par l’ONE. Le lundi avant son décès, il avait reçu un vaccin contre le méningocoque A ou B, je ne m’en rappelle plus. Le vaccin contre le méningocoque W existe.”

Si je l’avais su, j’aurais fait vacciner mon fils. Pourquoi ce vaccin n’est toujours pas inscrit dans les fiches de l’ONE alors qu’il est obligatoire en Angleterre ou encore aux Pays-Bas?

La famille et les amis

“Perdre un enfant, ça fait le tri dans les amis. Tout à coup, on n’est plus invités aux dîners, car la mort d’un enfant ça fait peur, les gens ne savent pas quoi dire ni comment réagir. Mais le plus important c’est qu’on garde les amis précieux qui nous ont soutenu depuis le début. Ces amis et notre famille, c’est le cœur de ma vie. Je n’ai pas besoin de plus. “

Une famille différente

“On est une famille différente de celle qu’on a espérée, voulue. On a une superbe étoile au-dessus de nous. Quand on me demande si j’ai des enfants, je réponds toujours que j’ai trois beaux garçons. Si on me demande leurs âges et que je me sens en confiance je réponds ‘Félix, 7 ans et demi, Charly 1 an et demi au ciel et César sur ses trois ans.’ “

Xavier Fresnoy
Depuis que j’ai perdu Charly, j’ai changé. J’ai perdu mon insouciance, je fais preuve davantage de patience, je les gâte beaucoup trop, je suis dans le présent avec eux, j’écoute leurs émotions et les miennes aussi. Je me redécouvre. Je ne dis pas que sa mort a du sens mais j’ai créé le sens de sa mort.

Des nouveaux projets qui ont du sens

“Trois ans après le décès de Charly, je sens combien il me donne de l’énergie. J’ai mis en place plusieurs projets comme Créadeuil et Créasens qui mettent du sens dans ma vie car je peux venir en aide à d’autres personnes endeuillées. Aujourd’hui je prends le temps, je ne me presse plus. Le temps s’est arrêté le 19 septembre 2019. Dans chaque joie que je vis avec mes deux garçons, il y a la douleur de son absence.”

Aujourd’hui, je me sens beaucoup mieux, il a fallu que je retrouve mon équilibre familial et professionnel. Je prends des médicaments qui me permettent de rester stable. Ce sont mes béquilles et je ne suis pas encore prête de les lâcher.

Pour plus d’informations sur la vaccination contre les différentes formes de méningocoques, rendez-vous ici.

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