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© LIMA, PERU - 2021/01/09: Feminists group in red skirts wearing black scarves as a sign of mourning when hundreds of activists and victims of police violence took to the streets to demand punishment for those responsible for the deaths registered in the latest citizen protests. (Photo by Carlos Garcia Granthon/Fotoholica Press/LightRocket via Getty Images)

Viols, féminicides, stérilisation forcée: le Pérou, le pays qui n’aimait pas les femmes

Kathleen Wuyard

Du Pérou, on a l’image éculée du lama et des locaux souriants en tenues bariolées posant sur fond de Macchu Picchu. Idyllique? Le cliché, oui, mais certainement pas la réalité: disparitions, violences, viols, stérilisations forcées -bienvenue au pays qui n’aimait pas les femmes.


L’exercice est vertigineux. Tapez les mots “Pérou” et “femmes” dans votre moteur de recherche et les articles aux titres anxiogènes se multiplient. “Pendant le confinement, au Pérou, toutes les trois heures une femme disparaissait” (Le Monde), “Pérou: plus de 5500 femmes portées disparues en 2020” (BFMTV), “Pérou: un ancien président poursuivi pour stérilisations forcées” (Ecofin)... Vertige d’une violence genrée qui s’est invitée dans tous les débats de la dernière campagne électorale, mais que le pays semble avoir bien du mal à endiguer. Selon un rapport du bureau péruvien du Défenseur des droits, plus de 5500 femmes, parmi lesquelles 3835 mineures, auraient disparu au cours de l’année dernière.

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Le Pérou gangrené par la violence des hommes


Au plus fort du confinement, appliqué de manière stricte au Pérou entre la mi-mars et fin juin 2020, 915 femmes ont ainsi disparu, dont 606 mineures, et ce, alors qu’il était virtuellement interdit de sortir de chez soi. Interrogée par le média d’investigation “Convocar”, Eliana Revollar, adjointe aux droits des femmes du Défenseur du peuple, Walter Gutierrez, avait alors dénoncé une situation incompréhensible: “comment peuvent-elles être portées disparues alors que tout l’espace public a été occupé par la police et l’armée ? Il n’y avait ni aéroport en service, ni transport. La police ne nous a donné aucune explication“. Les chiffres avaient également poussé Patricia Sarmiento, en charge de la défense des femmes au bureau du Défenseur des droits, à affirmer qu’il n’était plus possible de croire que ces femmes disparaissent pour raisons personnelles.

On est face à des disparitions causées par la violence, la traite des êtres humains ou les féminicides”


Un sujet particulièrement épineux au Pérou: en 2019, 166 féminicides ont ainsi été enregistrés dans le pays, 10% d’entre eux ayant dans un premier temps été traités comme une disparition par la police. En 2020, le Pérou a enregistré plus de 200.000 plaintes pour violences, dont 90 % concernant des femmes, victimes de viols ou de féminicides ou disparues. Selon les statistiques, 65 % des Péruviennes auraient déjà subi des violences physiques, psychologiques ou sexuelles. De quoi pousser la ministre péruvienne de la Femme, Rosario Fernandéz, à qualifier son pays natal de « pays de violeurs ». Un commentaire controversé qui a toutefois le bénéfice de dénoter une prise de conscience aux plus hautes sphères du pouvoir de la violence genrée systémique, dans un pays dont l’ancien président est désormais accusé d’avoir ordonné des stérilisations forcées.

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“La justice est refusée aux femmes”


Alberto Fujimori, président du Pérou de 1990 à 2000 et déjà condamné à 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité après avoir participé à des tueries sous prétexte de contre-guérilla, est accusé cette fois d’avoir ordonné la stérilisation de masse forcée de milliers de femmes indigènes entre 1996 et 2000. Une approche eugéniste du contrôle de la population, qui ciblait les femmes amérindiennes et issues des classes les plus pauvres de la société péruvienne.

De la famille au gouvernement, la violence envers les femmes concerne tous les niveaux du pouvoir au Pérou, et ne vise pas que les autochtones. Sur le site des Affaires Etrangères belges, une mise en garde est adressée à l’encontre des voyageuses féminines. “Les dernières années on a connu quelques cas de viols de voyageurs féminins dans la région de Cusco et Arequipa, mais aussi à Huancayo, Pucallpa, Mancora et Iquitos”.

De ce fait les femmes doivent être extra prudentes dans les environs de stations de bus, en empruntant un taxi et éviter de se déplacer seule la nuit. Il est très difficile de porter plainte auprès des autorités locales et les plaintes pour viol sont souvent classées sans suite”.


Une mise en garde secondée par les médias, Slate ayant ainsi rédigé en 2018 un article prévenant que “Si vous êtes victime d’agression sexuelle au Pérou, ne comptez pas sur la justice”. Et de citer le témoignage d’Arlette Contreras, victime d’un viol capturé en partie par des caméras de surveillance et dont l’agresseur a pourtant été acquitté: “les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires de l’État ne contribuent pas de manière efficace à la lutte contre la violence sexiste: la justice est refusée aux femmes”. Une image à mille lieues de l’Amérindienne en laine colorée souriant sur fond de Macchu Picchu. Au Pérou, le sommet le plus élevé semblerait plutôt être celui qu’il reste à franchir avant que les femmes s’y sentent en sécurité.

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