Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
afghanes
© DANIEL LEAL/AFP via Getty Images

Amnesty International alerte sur la situation des femmes afghanes

Ana Michelot
Ana Michelot Journaliste

Le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan a bouleversé le quotidien des femmes dans le pays avec des restrictions très strictes qui les empêchent de travailler ou d’aller à l’école. À travers un rapport, Amnesty International alerte la communauté internationale sur le sort des Afghanes.

« Cette répression étouffante contre la population féminine afghane augmente de jour en jour », affirme Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International. Depuis le mois d’août 2021, les talibans sont de nouveau au pouvoir en Afghanistan et exercent un régime de répression contre les droits des femmes. La plupart des Afghanes ne sont plus en mesure d’exercer leur travail. Celles qui ne l’ont pas encore quitté, sont désormais appelées à laisser leur place à un membre masculin de leur famille, comme le rapportaient plusieurs femmes au sein du ministère afghan des Finances auprès du Guardian, il y a quelques semaines. Elles expliquent avoir reçu des appels de chefs talibans leur ordonnant de laisser leurs postes à des hommes de leurs familles respectives. L’une d’entre elles explique que le motif évoqué serait que « la charge de travail au bureau a augmenté et qu’il faudrait donc embaucher un homme à notre place ». Des chercheurs d’Amnesty International ont enquêté sur le traitement réservé aux femmes en Afghanistan en se rendant sur place. Ils ont mené une enquête approfondie de septembre 2021 à juin 2022 et ont récolté les témoignages de 90 femmes et 11 filles vivant dans vingt provinces différentes. Le rapport dénonce ces nouvelles mesures : « Les restrictions des talibans sur le travail ont créé une situation désespérée pour beaucoup de femmes qui étaient la seule source de revenus de leur famille. »

Lire aussi : En Afghanistan, une à deux femmes se suicident chaque jour depuis l’arrivée des Talibans

Des déplacements surveillés et des règles vestimentaires drastiques

Au-delà de 72 kilomètres, les femmes en Afghanistan ne peuvent plus se déplacer seules dans le pays et doivent être accompagnées d’un marham, un chaperon qui peut être leur mari ou un membre masculin de leur famille. Une étudiante a témoigné auprès d’Amnesty International après avoir été arrêtée en raison des restrictions liées au mahram. Elle raconte avoir été battue par les talibans : « Ils ont commencé à me donner des décharges électriques... Sur mon épaule, mon visage, mon cou, partout où ils pouvaient... Ils m’appelaient une prostituée [et] une chienne... Celui qui tenait le pistolet a dit : “Je vais te tuer, et personne ne pourra retrouver ton corps ». Pour les distances plus courtes, les femmes peuvent être seules, mais doivent être entièrement couvertes si elles ne veulent pas subir de sanctions physiques. « Je portais mon manteau habituel. J’ai levé le bras et ma main et mon poignet étaient visibles. Le taliban au checkpoint a dit “pourquoi ta main est comme ça ? C’est à découvert”. Ensuite, il m’a frappé avec une barre de fer », se souvient Mursal, Afghane de 32 ans.

Un accès à l’éducation extrêmement difficile

Dans de nombreuses régions du pays, les filles et les jeunes femmes n’ont pas accès à l’éducation comme le rapporte une enseignante de lycée à Amnesty International : « Ces jeunes filles voulaient juste avoir un avenir, et maintenant elles ne voient plus d’avenir devant elles. » Pour celles qui réussissent encore à aller à l’université, le quotidien est de plus en plus dangereux. Une étudiante de 21 ans témoigne : « [Les] gardes à l’extérieur de l’université nous crient dessus et nous disent : Réparez vos vêtements, votre écharpe… Pourquoi vos pieds sont-ils visibles ? »

« Le chef de notre département est venu dans notre classe et nous a dit : “Soyez prudentes – nous ne pouvons vous protéger que lorsque vous êtes à l’intérieur du bâtiment de la faculté... Si des membres talibans essaient de vous faire du mal ou de vous harceler, nous ne pourrons pas les arrêter. »

Face à ce manque d’accès à l’école, de nombreuses filles afghanes sont victimes de mariages forcés afin qu’elles rapportent de l’argent à leur famille. Stephanie Sinclair, directrice de Too Young to Wed, une organisation qui travaille sur les mariages d’enfants, précoces et forcés, déclare dans le rapport : « En Afghanistan, c’est une tempête parfaite pour le mariage d’enfants. Vous avez un gouvernement patriarcal, la guerre, la pauvreté, la sécheresse, les filles non scolarisées – avec tous ces facteurs combinés… Nous savions que le mariage des enfants allait exploser. » Face à l’ampleur de la situation, plusieurs groupes de femmes décident de protester contre les lois du régime en manifestant. Les talibans font alors usage de la torture pour les dissuader de recommencer.

« [Les gardes talibans] n’arrêtaient pas de venir dans ma chambre et de me montrer des photos de ma famille. Ils n’arrêtaient pas de répéter… « Nous pouvons les tuer, tous, et vous ne pourrez rien faire… Ne pleurez pas, ne faites pas de scène. Après avoir protesté, vous auriez dû vous attendre à des jours comme celui-ci »

Une manifestante détenue pendant plusieurs jours

Une autre détenue dénonce des violences perpétuées par les gardes talibans en prison : « Nous avons été battues sur la poitrine et entre les jambes. Ils nous ont fait ça pour qu’on ne puisse pas le montrer au monde. Un soldat qui marchait à côté de moi m’a frappé à la poitrine et il a dit : « Je peux te tuer tout de suite, et personne ne dirait rien ». Cela arrivait à chaque fois que nous sortions : nous étions insultées – physiquement, verbalement et émotionnellement. »

Amnesty International tire la sonnette d’alarme

Amnesty International appelle à travers ce rapport et ces témoignages poignants, la communauté internationale à imposer des sanctions aux talibans. L’organisation suggère des interdictions de voyage appliquées par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies afin de faire pression sur leur régime. Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, conclut : « Les talibans privent délibérément des millions de femmes et de filles de leurs droits fondamentaux et les soumettent à une discrimination systématique. Si la communauté internationale n’agit pas, elle abandonnera les femmes et les filles en Afghanistan et sapera les droits de l’Homme partout. »

Lire aussi :

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires