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Identités de genre - Getty

FAUT QU’ON PARLE: les identités de genre ne sont pas un sujet de débat

Manon de Meersman

Ce samedi 15 octobre, France 2 proposait sa traditionnelle émission désormais appelée “Quelle époque!”, au cours de laquelle a eu lieu, cette fois-ci, un débat sur... Les identités de genre.

Sur le plateau de cette émission, plusieurs personnes: tout d’abord, Léa Salamé, la journaliste et animatrice de “Quelle époque!”. Ensuite, Dora Moutot, blogueuse militante féministe, connue pour son compte Instagram “T’as joui?” suivi par plus de 500 000 personnes. Nous retrouvons également Marie Cau, la première maire transgenre de France, et comptons également Jeremy Ferrari, humoriste et comédien. Le sujet du débat? Les identités de genre, ni plus ni moins. Et déjà là, on sait que ça va coincer...

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Une transphobie masquée par le féminisme

Au cours de ce débat, le ton monte, jusqu’à l’explosion, lorsque Dora Moutot affirme: “Pour moi, Marie Cau, c’est un homme”, avant de compléter sa réflexion: “C’est un homme trans féminin (ndlr: spoil alert: ce terme ne veut en réalité rien dire du tout). Une personne qui est biologiquement un homme, ça, on ne peut pas dire le contraire, mais qui a des goûts qui correspondent au genre femme.” Des propos violents, qui transpirent la transphobie, et traduisent un cruel manque de connaissances terminologiques en la matière. Cela vaut à Dora Moutot que nous la taxions, illico presto et à raison, de TERF. De quoi, au juste? Trans-Exclusionary Radical Feminist, soit ces personnes, à l’instar de la détentrice du compte “T’as joui?”, qui défendent assurément une conception du féminisme qui exclut les personnes trans. Ces personnes se servent en réalité du discours féministe pour desservir, voire pire, diaboliser, les femmes transgenres.

Si madame Moutot considère qu’être une femme, c’est avoir un utérus, je respecte. Mais malheureusement, la majorité des femmes ne veulent pas être réduites à une vision anatomique.

déclare Marie Cau. “Vous êtes transphobe, et ça fait des années que vous insultez les femmes trans” a-t-elle ajouté. “Il y a une identification sexuée qui détermine si vous vous sentez homme ou femme. Et après, le genre se construit par rapport à votre environnement, votre éducation, votre parcours de vie, votre sensibilité… Et pour moi, être une femme, ce n’est pas se limiter simplement à une anatomie. Sinon on ne serait que des animaux intelligents” a-t-elle conclu.

Le genre comme construit socio-culturel, et non donnée naturelle

Il y a dans ce débat plusieurs problèmes sous-jacents. Tout d’abord, il tourne autour d’un sujet: les identités de genre. Commençons par une séquence définition. Les identités de genre désignent le genre auquel une personne s’identifie. Elles sont plurielles (cisgenre, transgenre, agenre...) et peuvent tout à fait fluctuer dans le temps et la durée; il s’agit là d’un continuum qui peut évoluer. Abordons ensuite également la question de l’expression de genre, soit la manière dont cette personne va utiliser la pléthore de codes sociaux et corporels assignés à un genre. Pour autant, même si cela peut bien entendu souvent être le cas, l’expression de genre n’implique pas forcément une corrélation directe à l’identité de genre. “Tout ou partie de l’expression de genre peut, si elle ne correspond pas au genre assigné à la naissance ou au genre perçu, être considérée comme une transgression des normes de genre binaires régissant l’ordre social occidental, et réprimée, y compris chez les personnes se définissant comme cisgenres” ajoute Genres Pluriels, l’ASBL pour la visibilité des personnes trans aux genres fluides, trans et intersexes.

Très vite, vous voyez dès lors où nous voulons en venir: l’identité de genre d’une personne est purement et simplement légitime, ce qui n’en fait pas un sujet de débat, et encore moins un topic sur lequel tout un chacun·e a le droit de donner son opinion.

En effet, le genre est, en réalité, considéré, à tort, comme une donnée naturelle. Or il s’agit là d’un construit socio-culturel, pour reprendre les termes exacts de Genres Pluriels. À ce propos, sexe et genre sont la plupart du temps confondus, et utilisés, une nouvelle fois à tort, de manière interchangeable. Pour rappel, le sexe renvoie à la série d’attributs biologiques que l’on retrouve chez les humains et les animaux, inscrits comme tels essentiellement par le biais de caractéristiques physiques et physiologiques. Le genre, quant à lui, renvoie aux rôles, ainsi qu’aux comportements et aux expressions assignées par la société pour qualifier les hommes, les femmes, ainsi que les personnes de sexes divers. “Le genre relève ainsi d’une identité psycho-sociale au départ imposée en vertu de normes binaires, sur base exclusive du sexe biologique : par exemple, un mâle (sexe) sera dès la naissance considéré et éduqué comme un garçon-homme (genre), ce qui se traduit, tout au long de la vie, par une série d’attentes et d’injonctions différenciées, notamment au niveau comportemental, tout écart par rapport à la norme étant plus ou moins lourdement sanctionné” précise Genres Pluriels.

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La société et sa conception étroite de l’Homme

Comme vous pouvez le constater: le sujet est complexe. Et il le devient, de facto, encore plus lorsque des personnes se l’approprient pour en faire un sujet de débat, qui plus est, en abordant uniquement le thème dans le cadre de la transidentité. Parce que là se trouve le second problème du débat porté par France 2 à l’écran le 15 octobre dernier: pourquoi au juste cette question de légitimité d’identité de genre ne s’adresse qu’aux personnes trans? La réponse réside en réalité au sein même de la question... La société n’a qu’une conception à la bouche: l’Homme est hétérosexuel et cisgenre. La norme dominante n’est autre que celle-ci, et ce qui sort du moule façonné par une société genrée se transforme comme par magie en sujet sur lequel tout un chacun·e aurait le droit de s’exprimer. Un discours comme celui de Dora Moutot nous prouve que la cause trans – qui, rappelons-le, ne devrait pas en être une, la transidentité devrait avoir le droit d’exister sans être questionnée – a encore et toujours besoin d’être défendue, et que certaines causes nobles, comme le féminisme, présentent, elles aussi, des extrêmes malveillants.

Alors France 2, et toutes ces personnes qui s’expriment sur des sujets qui ne les concernent pas, et qui n’en comprennent, au passage, qu’un mot sur deux, au lieu de questionner l’identité de genre, pourquoi ne pas plutôt s’atteler à décortiquer la transphobie qui découle des discours autour de cette dite remise en question? Parce que pour rappel, “la transphobie est une attitude négative pouvant mener au rejet et à la discrimination à l’égard d’une personne qui exprime son identité de genre ou manifeste une expression de genre différente de celle qui lui a été assigné à la naissance” précise Genres Pluriels. Là, nous avons un véritable débat: celui de comprendre pourquoi une telle discrimination existe, alors qu’elle ne devrait pas, et comment il est possible de s’y attaquer...

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