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© Getty Images

Pourquoi on ne peut pas s’empêcher de critiquer après un dîner?

Ana Michelot
Ana Michelot Journaliste

Avouez-le, après un repas entre amis ou en famille, il est fréquent que l’on se mette à débriefer la soirée en critiquant les personnes avec qui on vient de la passer. Pourtant, si nous nous sommes rendus à ce dîner c’est bien parce que nous apprécions leur compagnie. Pourquoi avons-nous ce réflexe de critiquer à peine la portière de voiture fermée ? 

Si vous vous êtes reconnu·e dans le titre de cet article, pas de panique, vous n’êtes pas seul·e ! C’est justement parce que la rédac’ s’est posée cette question qu’on a décidé d’élucider ce mystère. Parce que nous aussi, après avoir passé une super soirée autour de bons petits plats et de quelques verres entre amis ou en famille, une fois sur le retour on se met à critiquer. Que ce soit avec notre chéri·e en rentrant à la maison, avec notre ami·e qui nous raccompagne ou avec un membre de notre famille qui nous dépose chez nous, on se sent obligé·e de reparler du dîner en assénant au moins une critique. Parfois sur le repas, la nourriture, le déroulé de la soirée ou bien sur l’attitude de quelqu’un, une phrase précise qui a été prononcée…Puis une fois chez nous, on se sent mal d’avoir critiqué les gens qu’on venait de quitter et avec qui on a tout de même passé un bon moment. Mais pourquoi avons-nous cette habitude ?

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Un moyen de se rassurer 

En critiquant l’autre ou ce qu’il fait ou dit, inconsciemment, vous vous valorisez vous-même. Il faut imaginer être sur une vieille balance. Si vous critiquez l’autre vous lui ajoutez du poids, il va s’abaisser, tandis que vous allez vous élever vers le haut. C’est un peu la même chose qui se produit dans notre cerveau lorsque l’on critique quelqu’un. Cela nous permet de nous rassurer sur nos propres choix, notre propre vie. C’est une logique humaine qu’explique Marie-Agnès Chauvin, psychologue et hypnothérapeute dans un entretien pour Europe 1. La spécialiste s’est intéressée de très près à cette question de la critique de l’autre puisqu’elle est l’auteure du livre « Continuons à penser du mal des autres ». Dans cet ouvrage, elle explique que ce réflexe de critiquer est humain et qu’il n’y a pas que du négatif dans cette habitude. En effet, elle déclare :

Les humains ont ceci de plus que les animaux.

En désignant la capacité de juger et de critiquer. Contrairement à l’espèce animale, nous sommes capables d’émettre un jugement sur nous-mêmes et sur les autres, en somme de critiquer. Cette critique nous permettrait de s’adapter dans notre société et de se sentir bien. La psychologue affirme qu’en critiquant, on se conforte dans notre situation de vie. On critique une posture différente pour se conforter inconsciemment dans la nôtre afin de se protéger des doutes. Pour ramener cette théorie à notre question de base, on critiquerait après un dîner, pour se rassurer sur notre propre accueil, notre propre cuisine ou encore notre propre façon de penser ou de se comporter. 

Critiquer ensemble renforce votre lien

Dans une étude publiée en 2019 dans le Journal of Social Psychological and Personality Science, il est prouvé que l’on passerait 52 minutes chaque jour à parler sur les autres, notamment en les critiquant. Si cela nous rassure sur nous-mêmes, critiquer a aussi une fonction sociale comme le montre l’étude. Tout d’abord si lors de ce dîner vous ne connaissiez que très peu de personne. Par exemple, une amie vous a invité à manger avec son groupe d’amis que vous n’aviez jamais rencontré. Puis à la fin de la soirée vous rentrez avec elle et deux autres de ses amis. Si ces derniers se mettent à critiquer les autres personnes du dîner ou le déroulé de celui-ci, vous allez probablement avoir envie de prendre part à la discussion en critiquant aussi ou en validant leurs critiques. Pourquoi, si vous ne connaissez ces gens que depuis quelques heures ? Pour vous intégrer dans le groupe. En effet, les critiques fédèrent. Parler mal des autres vous permet de devenir proches. Vous confortez vos interlocuteurs dans leurs opinions en critiquant avec eux et surtout, vous partagez ensemble une confidence, quelque chose qui restera entre vous, ce qui vous lie un peu plus. 

Parler mal des autres vous permet de devenir proches.

Ce mécanisme de renforcement des liens sociaux vaut aussi avec des personnes que vous connaissez depuis longtemps. Critiquer ensemble en échangeant des informations sur les autres va renforcer votre complicité. Vous vous sentirez plus proches encore. L’étude analyse ces critiques dans le dos des autres comme un instinct de survie en société. En critiquant les autres ensemble, vous vous assurez que vous pouvez compter sur ces personnes avec qui vous critiquez, que vous pouvez leur faire confiance.

Enfin, critiquer ensemble d’autres personnes peut créer une forme d’intimité entre vous, comme l’explique les professeurs en psychologie du Knox College à Galesburg, Frank T. Mc andrew et Cornelia H. Dudley auprès de NBC News. Mais attention, construire une relation avec quelqu’un uniquement sur les critiques que vous formulez sur les autres n’est pas sain. En critiquant les autres, vous pouvez renvoyer à vos amis l’idée que vous êtes potentiellement capable de les critiquer eux aussi avec d’autres personnes.

La preuve qu’on manque de confiance en soi

Critiquer les autres est souvent perçu comme un vilain défaut, quelque chose de négatif et ça l’est, bien que cela fasse aussi partie de la nature humaine comme l’a rappelé la psychologue Marie-Agnès Chauvin dans son livre. Si l’on critique pour se rassurer, au fond cela témoigne d’un manque de confiance en soi. On utilise la critique pour combler ce manque de confiance. Samuel Lepastier, psychanalyste et chercheur associé du CNRS en France, affirme à l’entreprise de coaching Coaching Square : « Si nous prenons plaisir à rabaisser les autres, c’est parce que dénigrer permet de se valoriser. D’autre part, dire du mal de quelqu’un, c’est aussi projeter sur lui ce que nous n’aimons pas en nous. L’autre devient le réceptacle de notre mal-être et de nos craintes. »

Une façon de se sentir mieux

Peut-être qu’inconsciemment, on a souvent peur de décevoir nos convives lorsqu’on les invite chez nous, c’est pourquoi on critique nos hôtes afin de se rassurer. Ou bien, on craint d’être critiqués pour notre comportement lors de la soirée ou quelque chose que l’on a dit, ce qui nous pousse à critiquer de notre côté pour se sentir mieux. Les études scientifiques montrent que les personnes qui critiquent beaucoup les autres, sont aussi très critiques avec elles-mêmes, ce qui illustre ce manque de confiance en soi. Critiquer avec quelqu’un est un moyen d’obtenir la validation des autres. Susan Kulakoswki experte en sciences sociales et management assure : 

On obtient la validation de nos propres opinions lorsque l’autre personne avec qui on critique, est d’accord avec nous.

S’il nous arrive trop souvent de critiquer les autres, il faudrait parfois tenter de se remettre en question soi-même: pourquoi est-ce que je pense ceci ou cela de cette personne ? Pourquoi ai-je envie de dire cette phrase sur elle ? De cette façon, vous vous raviserez peut-être de partager certaines de vos impressions négatives après un dîner. Sachez qu’il est aussi possible que vous critiquiez les personnes présentes pendant la soirée, parce que vous ne savez pas de quoi parler. Après avoir passé plusieurs heures à table avec les mêmes personnes, en rentrant, vous n’avez peut-être plus de sujets de conversation. Il apparaît dans ce cas plus simple de se mettre à parler de ce que vous venez juste de vivre. La prochaine fois, essayez de vous concentrer sur le positif que ce moment vous a apporté afin d’échanger sur ces points-là lors de votre retour ! Vous vous sentirez encore mieux une fois chez vous !

À retenir 

Il n’y a pas une seule cause à nos critiques d’après-dîner, qu’ils soient familiaux ou amicaux, mais plusieurs. Critiquer des personnes que vous appréciez après une soirée ne fait pas de vous une mauvaise personne, mais seulement un·e humain·e. Cela est probablement déjà arrivé à tout le monde. L’important est d’en avoir conscience et d’essayer de travailler sur ce mécanisme.

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