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En Suisse, la Grève des Femmes relance le débat sur les hommes féministes

Kathleen Wuyard

Le 14 juin prochain, les femmes suisses s’en vont en grève contre le patriarcat. Et si les compatriotes prêts à les soutenir ne manquent pas, la mixité du mouvement pose question, et avec elle, le rôle délicat des hommes dans les mouvements féministes.


Un féministe, on en connaît toutes au moins un. Il a un surnom fun en une syllabe (“Jeanch'”, “Ant'”), la parfaite panoplie du hipster version 2014 à Brooklyn (coucou la chemise de bûcheron et les boots en cuir), et il est à fond pour la cause des femmes. D’ailleurs, il a salement balancé les tweets au moment de l’affaire Weinstein, ce qui ne l’empêche toutefois pas de laisser sa copine se charger seule de la contraception du couple, et de légèrement sous-estimer le poids de sa charge mentale. Non mais lui, en fait, il a plutôt un féminisme ancré, profond, que d’actions. La preuve, il a grandi avec une soeur.

Moqueuses, nous? Oui, mais c’est si bon, d’autant qu’au fil des années, le rôle des hommes dans les mouvements féministes a eu tendance à devenir un peu cliché. Le féminisme, comme la plupart des mouvements, se joue aujourd’hui en ligne, sur les réseaux sociaux qui plus est, offrant à tous les Jeanch’ de ce monde une plateforme bien trop vaste pour étaler leurs convictions au demeurant peu soutenues par des actes. Avec pour résultat, pas mal d’agacement au sein du mouvement, mais aussi une délégitimisation totale et bien malheureuse des hommes qui eux, s’engagent véritablement pour l’égalité des sexes et les droits des femmes. Car le féminisme, rappelons-le, ce n’est pas la haine des hommes ni la volonté d’une domination féminine mondiale, ainsi que la définition du Larousse le souligne.

Doctrine qui préconise l’égalité entre l’homme et la femme, et l’extension du rôle de la femme dans la société.


Autrement dit, rien n’empêche un homme de se dire féministe et de rejoindre l’un ou l’autre mouvement destiné à secouer le status quo. Sauf que dans les faits, c’est plus compliqué.

Les ovaires avant les frères


Symptôme de l’ampleur du débat, une brève recherche sur la place des hommes dans le féminisme délivre pas moins de 10 millions de résultats sur Google. Vaste, très vaste débat, donc. Avec, tout de même, un consensus plus ou moins accepté: “homme” et “féministe” sont deux termes qui se contredisent, pour la simple raison qu’ils sont le plus souvent à l’origine des discriminations subies par les femmes. Ce qui ne revient pas à “tous les mettre dans le même panier”, simplement, nos sociétés étant majoritairement patriarcales, les hommes sont “par défaut” dans des positions de pouvoir, de dominance, et même parfois, d’oppression, que cela soit voulu ou pas. Alors forcément, le débat fait rage, et enrage, ainsi que l’a joliment illustré Marine Spaak pour le compte de Femmes Plurielles.

Une méfiance légitime, qui fait que ce 14 juin, le soutien des hommes sera le bienvenu lors de la Grève des Femmes en Suisse, mais selon les règles de ces dernières, comme l’a rappelé Michela Bovolenta, coordinatrice du mouvement.

Notre grève n’est pas contre les hommes, mais contre le patriarcat. Nous invitons les hommes solidaires à nous soutenir, en permettant aux femmes de faire la grève. Elles seront au premier rang, cela me paraît évident.


Sauf que visiblement, ce n’est pas évident pour tout le monde.

Présence nécessaire


Appelés à se cantonner le 14 juin aux rôles d’ordinaire occupés majoritairement par les femmes (courses, enfants, ménage, repassage) afin de laisser à ces dernières le temps nécessaire pour manifester, d’aucun n’ont pas manqué de voir dans la démarche du sexisme inversé. Ainsi que l’a souligné à TV5 Monde Johan Rochel, féministe revendiqué, “le débat sur la participation des hommes ne part pas bien, il est conflictuel. Si le discours n’est pas inclusif, la plupart des hommes ne se sentiront pas concernés”. Or justement, difficile de bousculer le patriarcat si ces Messieurs ne se sentent pas concernés et n’en voient pas la nécessité.

On n’atteindra pas l’égalité sans la contribution masculine (...) On risque de rater une grande opportunité, alors même que les lignes bougent : le vent tourne en faveur de l’égalité.


Le vent tourne, peut-être, mais les féministes, elles, tempêtent. Pour la conseillère communale lausannoise Léonore Porchet, le débat n’a pas lieu d’être: “on en revient toujours à demander quelle place laisser aux hommes (...) Nous menons une révolution pour réclamer une part du gâteau. Des hommes devront renoncer à des privilèges, ce n’est pas un combat main dans la main“.

Et d’ajouter que les hommes qui veulent vraiment soutenir la cause féministe peuvent l’épauler en convaincant d’autres de son bien-fondé. Messieurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

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