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Lettre ouverte à vous, chasseurs, qui vous imaginez protecteurs de la nature

Barbara Wesoly

Hantée depuis ce week-end par ces images d’un cerf épuisé et fou de terreur, se réfugiant en plein Compiègne au Nord de Paris pour tenter d’échapper à ceux qui le traquent, j’ai eu envie de vous écrire, à vous, chasseurs, qui pratiquez fièrement ce que vous appelez “l’écologie punitive” et la “régulation des espèces”, mais qui ne portent en réalité que la marque d’une profonde barbarie.


“Chers chasseurs,

On s’est déjà croisés à plusieurs reprises. De près. Vous brandissiez fièrement votre fusil, à défaut de pouvoir déjà exposer vos prises de guerre, le front haut et victorieux, partant en conquérants accomplir votre passion, profiter d’un moment d’adrénaline et de sport.

De loin aussi, alors qu’en forêt, j’entendais un écho étouffé de coups de feu, jeu de tir en pleine nature. Paintball à balles réelles, bien plus létales que de la peinture. Mon cœur se mettait alors à battre trop fort, me sentant traquée malgré moi. Je me voyais courir, trébuchant entre les branches pour fuir, sachant que vous ne renonceriez pas. Pour les humains que nous sommes, ce genre de scénario s’apparente à une scène d’un oppressant film d’horreur. Pour les animaux qui vous croisent, à la mort aveugle et souveraine, gonflée de la joie de tuer pour le simple fait d’avoir le pouvoir de le faire.

Au-delà des principes de conscience animale, de cruauté gratuite et de tradition sanguinaire, une question me taraude. Comment en vient-on un jour à se dire: “Quand je serai grand, je serai chasseur?”. Quand arrête-t-on de serrer ses peluches pour imaginer les dépecer et les exposer ensuite comme trophée? En vient-on un jour, après que papa et maman nous aient embrassé pour nous dire bonne nuit, à rêver de traquer les animaux de nos berceuses et de nos histoires du soir?

Au-delà du plaisir de débusquer sa proie, de jouer à cache-cache avec un ennemi bien trop faible et de partager un moment de fraternité scellée dans le sang, parvenez-vous vraiment à vous croire garant de la nature, porteur de la mission de réguler les espèces? Devant être célébrés et encensés pour votre soutien à l’écologie, certes de manière punitive, mais après tout n’est-ce pas la loi de la jungle? Manger ou être mangé? Et peu importe d’avoir quitté celle-ci depuis longtemps pour lui préférer le confort d’une société moderne et de n’avoir jamais dû braver les éléments pour survivre.

Au-delà du fait de se considérer comme persécutés par des gouvernements souhaitant réguler voire totalement interdire votre vision brutale du “sport” et des citoyens ne comprenant pas l’esthétique sublime d’afficher une tête de cerf en guise de décoration, dormez-vous mieux en vous imaginant être les plus à plaindre des deux camps? Nourrissez-vous vraiment la certitude d’être martyrs de la cruauté des végétariens adorateurs fanatiques de légumes? Vous estimez-vous tout autant victime que cet oiseau abattu en plein vol ou que cette biche se traînant dans son sang, dans un dernier sursaut pour survivre?

Lorsque vous voyez les images de ce cerf écroulé en pleine ville, la respiration étouffée par l’épuisement et la terreur, ayant fui jusqu’aux derniers retranchements possibles pour vivre quelques minutes de plus, votre “passion” vous semble-t-elle toujours aussi légitime? Face à ses yeux fous d’angoisse et de désespoir, cela vous donne-t-il le désir ardent d’aller saisir votre arme pour faire la peau à tous ses congénères? Doit-on vous remercier chaleureusement pour avoir gracié cet animal, comme s’il avait accompli un tel record qu’il méritait de recevoir sa vie en médaille pour son succès?

J’aimerais qu’on m’explique. Comment on en vient à se dire qu’on irait bien verser le sang plutôt que de lire un bouquin. Comment on en vient à s’imaginer porter un cadavre sur ses épaules comme chouette activité du week-end. Comment on rêve d’être celui qui sèmera la mort sur son passage.

Alors non, je ne vous souhaite pas de bien dormir la nuit.”

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