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© Woman hunter, looking for birds

““Retrouvez votre vraie nature””, quand la chasse cible les femmes (et se plante)

Kathleen Wuyard

Si la chasse évoque rarement l’image de la Parisienne élégante qui papote entre copines dans son appart’, c’est pourtant le pari adopté par la Fédération nationale des chasseurs français dans sa dernière campagne de pub. Une campagne WTF largement moquée sur les réseaux sociaux, mais dont l’objectif est néanmoins atteint: depuis 48h, le Chasseur Français fait le buzz.


À gauche, Marie, un peu pâlotte dans son pull en laine brodé, épuisée par son job prenant, et d’autant plus flagada qu’elle sort d’une “détox verveine”. À droite, sa bonne copine, pétillante et lookée, qui lui fait remarquer d’un air narquois que c’est normal enfin qu’elle n’ait pas la forme, “on ne se nourrit pas d’eau chaude pendant un mois”. Mais de quoi se nourrit-elle, elle, alors? Et bien, de manière équilibrée: “des légumes bio, un peu de poisson, de la viande”. Et puis son secret vitalité? Aller à la chasse tous les week-ends. Et l’incrédulité de sa pauvre pote noyée dans la verveine de faire un effet miroir à celle des plus de 181 000 personnes qui ont vu la campagne à l’heure d’écrire ces lignes. Une campagne qui vise à rajeunir et féminiser la chasse, quitte à se positionner droit dans le viseur des railleurs du web.

https://www.youtube.com/watch?v=9wRd44yompo

https://www.youtube.com/watch?v=D0WxoHus9Zo

“Tu vis des sensations de ouf à la chasse”


C’est qu’entre le slogan, “avec la chasse, retrouvez votre vraie nature”, le jeu d’acteurs aussi subtil qu’un lapin dans les phares d’une voiture et les répliques cliché à souhait (“j’avais le coeur qui battait plus vite que celui d’Usain Bolt! Un sanglier mon frère!”) tout semble avoir été fait pour s’offrir le maximum de viralité. Car sous couvert de s’en moquer, les internautes diffusent tout de même à grande échelle la campagne, et la presse s’en empare aussi, dont acte avec cet article.

L’important, c’est de bien bander (...) Non mais ce que je suis en train de te dire, c’est que j’aime chasser à l’arc”.


https://www.youtube.com/watch?v=BTtaWuG2rkc

 

Et si la Fédération nationale des chasseurs crée ainsi le buzz avec des pubs dont on moque le contenu, il ne faut pas y voir une campagne idiote, au contraire, car elle permet de dévier la conversation en France, où la pratique de la chasse est plus controversée que jamais. Dans une interview accordée à CNews à l’occasion de la sortie de son livre, “Un chasseur en campagne”, Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs, jetait un pavé dans la mare. “Est-ce que j’ai du plaisir à aller à la chasse, à traquer un animal et à le tuer ? La réponse est oui” affirmait-il, alors que de son côté, le journaliste en croisade Hugo Clément est devenu un des fers de lance des “anti-chasse”, dénonçant notamment la vénerie sous terre, une pratique consistant à déterrer des bébés renards, les tuer à l’aide d’une pince puis les enterrer dans leur terrier. Et de citer il y a quelques jours les résultats du Référendum pour les animaux, un sondage IFOP réalisé pour la Fondation Brigitte Bardot, où 64,4% des Français se sont dit en faveur de l’interdiction de la chasse.

Toutes chasseresses?


Le timing de la diffusion de la campagne vidéo de la Fédération nationale des chasseurs semble donc tout sauf anodin, tout comme son parti pris de cibler les jeunes femmes dans ses vidéos. Ainsi que l’a décodé le socio-anthropologue Christophe Baticle pour Libé, l’idée sous-jacente serait de redorer le blason de la chasse en se servant de l’image des femmes, et en envoyant le message que “si même les femmes s’y mettent, vous aussi”. “Quand je suis avec la meute, je suis une machine, je suis inarrêtable. Vraiment je kiffe ça, la chasse à courre” affirme ainsi une des jeunes femmes mises en avant dans la campagne. Une figure de chasseresse qui peine à convaincre s’il faut en croire les commentaires mi-moqueurs mi-amusés diffusés sur les réseaux sociaux.

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