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Souffrez-vous d’ambivalence affective, l’amour-haine pour votre partenaire?

Manon de Meersman


Imaginez un quotidien où vous éprouvez des sentiments opposés pour une seule et même personne. Un quotidien où cohabitent ensemble haine et amour. Un quotidien où vous espérez que le temps arrangera les choses. Ce phénomène porte un nom, celui de l’ambivalence affective. Kathleen Lambert, psychologue spécialisée dans les relations affectives et sexuelles, nous éclaire sur le sujet.


“Entre subir et dompter les épreuves de la vie, il n’y a qu’un pas. Encore faut-il trouver la direction dans laquelle poser le pied”. Kathleen Lambert est spécialiste des relations affectives et sexuelles. “Mon rôle est de faire émerger une réflexion apaisante et constructive à propos des rapports intimes”. Grâce à son expertise, elle nous explique le phénomène complexe qu’est celui de l’ambivalence affective, cet état de conflit dans lequel s’entremêlent des émotions contradictoires à l’égard d’un proche. “En consultation, les personnes concernées par cette problématique décrivent la sensation d’être prises au piège, déchirées entre le sentiment que la relation va droit dans le mur et l’incapacité d’envisager une séparation”, rapporte-t-elle.



Amour, haine, tristesse, joie, colère... L’ambivalence affective voit vivre en son sein contradictions et tensions en permanence. Cette personne en face de nous, on l’aime, mais on éprouve également de la rancoeur pour elle. Cette personne en face de nous, on l’aime, mais la relation nous fait du mal. N’importe qui peut, à un moment dans sa vie, souffrir d’ambivalence affective et c’est en cela qu’il est d’autant plus intéressant d’en parler.

La complexité de nos émotions intérieures


Pour illustrer ce mal-être permanent, Kathleen Lambert nous parle de Marie*, l’une de ses patientes souffrant d’ambivalence affective. Marie se confiait notamment au sujet de son couple: “Je cherche le courage de jeter l’éponge et, dans le même temps, je m’accroche à l’espoir de retrouver les sentiments fougueux des premiers jours, expliquait-elle à Kathleen Lambert. Je déteste ce plouc égocentrique aussi fort que je tiens à lui. J’aspire à voir notre complicité renaître de ses cendres, tel un phénix, par je ne sais quel miracle… Dois-je me résoudre à faire mes valises?”, s’interroge-t-elle alors. Expliquer d’où vient cette ambivalence affective n’est pas simple et demande bien des ressources pour en comprendre le mécanisme complet. Pourquoi? Car elle implique nos émotions.

Cette confusion reflète toute la complexité de nos émotions. En réalité, un vécu émotionnel intense affiche souvent un pattern de réponses cognitives et comportementales très proche de celui présenté par une émotion tout opposée”,


développe Kathleen Lambert. “Voyez à quel point les expressions crispées de votre visage se ressemblent lorsque vous partez en fou rire ou en crise de larmes. Voyez comme vos réactions physiologiques sont sensiblement similaires entre l’angoisse et le désir sexuel : le souffle court, les muscles en tension, une sensation de chaleur, le ventre noué et le cœur qui bat la chamade. N’avez-vous jamais trouvé un enfant tellement mignon qu’il vous est venu l’envie de le croquer ? N’avez-vous jamais eu l’impression que votre enthousiasme vous poussait à resserrer une étreinte jusqu’à l’étouffement ? N’avez-vous jamais autant désiré un amant qu’au moment où vous étiez sur le point de le perdre ?”, questionne la spécialiste. Un rapprochement qui fait sens lorsqu’on pense au fameux dicton: “De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas”, ou lorsqu’on se remémore ces moments de panique où nous sommes divisés entre l’envie de rire ou de pleurer, par exemple. “L’ambivalence affective est le propre de toute situation dont les enjeux sont importants à nos yeux. L’amour et la haine sont tous deux gouvernés par une passion intense et puissante. Rien de plus normal que de ressentir une confusion entre ces sentiments extrêmes”, nous rassure malgré tout Kathleen Lambert.

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En cela, le facteur temps occupe une place importante dans l’ambivalence affective. En effet, au fur et à mesure que les mois ou les années passent, le temps peut nous éloigner de l’élu.e de notre coeur. On repense aux débuts, aux premiers émois et aux papillons dans le ventre à l’heure des premiers baisers. La vision sur l’autre évolue et l’ambivalence affective se façonne alors avec le temps. La dualité apparaît, petit à petit. Une envie de moins s’investir, un besoin de discuter qui s’efface, les conflits qui se rangent dans le parti de la taciturnité... Un éloignement s’installe et laisse place à un déchirement entre l’amour d’un côté, et la haine de l’autre.

Une tendance à vouloir minimiser en permanence


Mais pour quelles raisons une personne souffre-t-elle d’ambivalence affective? Où cette dernière puise-t-elle ses racines? Pour Kathleen Lambert, le problème se pose car le cerveau rationnel a besoin de cohérence, cherchant sans cesse à tendre vers une logique en “tout ou rien” et ce, afin de mettre un terme à cette dissonance entre les éléments que nous adorons et ceux qui nous rebutent. “Nous négocions perpétuellement notre point de vue pour parvenir à minimiser à l’une ou l’autre émotion : « Je fais peut-être une montagne pour pas grand-chose », « Je ne suis pas facile à vivre », « Il est vrai que j’ai toujours besoin d’avoir le dernier mot » versus « Comment ai-je fait pour le supporter ? », « Quel horrible personnage », « Qui voudrait d’une telle vie? »...”, explique-t-elle. De ce fait, elle ajoute que la souffrance nous vient du refus d’accepter cette ambivalence comme un tout, mais également de la résistance à considérer la personne ou la relation qui nous préoccupe dans sa globalité imparfaite, “ce qui revient à vous débattre au milieu d’un sable mouvant”, illustre-t-elle.

Le stress émotionnel généré par cette ambivalence peut devenir à ce point éprouvant qu’il détériore votre santé (trouble du sommeil, troubles sexuels, troubles digestifs, troubles cardio-vasculaires, infections, etc.), sans parler des répercussions sur l’estime de soi et la confiance en soi”,


ajoute-t-elle. L’ambivalence affective n’est, en effet, pas sans conséquence, puisqu’elle active une situation de souffrance, entravant l’épanouissement personnel de la personne en question, que ce soit dans sa vie privée ou professionnelle. Ayant un impact sur l’estime et la confiance en soi, l’ambivalence affective peut mener la personne à s’éteindre, petit à petit, et ce, bien avant qu’elle ne se rende compte réellement qu’elle se trouve les deux pieds joints dans cette spirale. L’ambivalence affective rogne sur l’énergie, et l’usure qu’elle cause chez la personne qui en souffre est énorme.

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4 conseils d’or pour se libérer de l’ambivalence affective


Sortir de cette tourmente qu’est l’ambivalence affective est loin d’être simple. Là où les personnes qui ne connaissent pas ce sentiment vous diront simplement: “Il faut prendre une décision”, les autres sauront pertinemment que tout n’est pas noir ou blanc. Se séparer d’une personne à qui l’on tient implique d’écorcher son coeur, même s’il s’agit d’une décision importante pour notre bien-être et notre épanouissement personnel. Et pourtant, ce sont ces deux derniers points qu’il faut garder en ligne de mire pour la simple et bonne raison que notre santé mentale importe plus que tout. Pour parvenir à se libérer de cette spirale infernale, Kathleen Lambert nous explique qu’il faut garder en tête quelques conseils lorsqu’on souffre de cette ambivalence affective.

Accepter ses émotions


“Créer un lien profond avec une personne implique fatalement prendre le risque de souffrir de sa perte. Vos émotions sont légitimes, elles signifient que l’enjeu est important à vos yeux ! Prêtez-y attention”, conseille tout d’abord Kathleen Lambert.

Gagner en conscience de soi


“S’interroger : « Pourquoi cette situation me touche particulièrement ? », « Qu’est-ce que je veux profondément ? », « Quels sont mes besoins fondamentaux ? », « Comment ma relation rejoint-elle mes valeurs essentielles ? », « De quelle manière puis-je les faire respecter ? », « Qu’est-ce que cette relation me coûte ? », « Suis-je en train de tolérer l’intolérable ? »”, poursuit la spécialiste.

Identifier ses croyances limitantes


Kathleen Lambert nous explique que “notre manière d’envisager la relation, ce qu’elle devrait nous apporter, ce que nous devrions y ressentir, alimente parfois des attentes irréalistes. Typiquement, on a tendance à s’attendre à ce que l’autre devine nos pensées et nos besoins, sans avoir à les exprimer directement. Plus nos exigences sont élevées, plus nous nous exposons aux frustrations et aux déceptions.

Apprenez à cerner et relativiser ces idées préconçues qui augmentent votre détresse.

 

Trancher, sans se retourner


Kathleen Lambert attire notre attention sur l’importance de renforcer son engagement ou admettre que la relation se trouve dans une impasse. “La frontière entre ces deux trajectoires est de toute manière l’endroit où nos souffrances sont les plus vives. Il n’y a pas de ‘’bonne’’ décision, mais votre décision sera bonne car elle vous libèrera de cette tourmente. Votre énergie pourra enfin être déployée vers une construction, une évolution et un mieux-être”.

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Ces conseils ont pour but de diriger la personne souffrant d’ambivalence affective vers ce qu’elle désire le plus profondément. Et si cela passe souvent par la séparation de la personne avec qui elle se trouve, cela demande également du temps, de la réflexion et surtout, un moment d’acceptation dont on ne peut mesurer la prise de conscience. Dans tous les cas, l’ambivalence affective pousse à un moment ou l’autre à comprendre la réalité de sa complexité et ouvre la porte à la prise de décision au moment jugé le plus opportun par la personne qui en souffre. Pourquoi? Car ce mal-être est propre à notre cerveau et ce dernier a besoin d’apaisement pour évacuer la contradiction. Et ce, peu importe le temps que cela prendra, tant que l’épanouissement personnel et la santé mentale de la personne restent la préoccupation principale de la personne qui souffre. Le bien-être avant tout...

*prénom modifié pour des raisons de confidentialité.

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