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Témoignage: ““Je suis bourrée de tics””

Barbara Wesoly

Jour après jour, elle doit se battre contre les symptômes de sa maladie, mais aussi contre les préjugés qu’elle génère: Maggy, 33 ans, nous raconte sa vie avec le syndrome Gilles de la Tourette.


“Dès l’enfance, j’ai développé une multitude de tics. À 7 ans, j’appuyais tout le temps sur mon nez et je me cognais la tête contre les murs quand j’avais peur du noir. J’étais aussi hyperactive, je répétais sans cesse les mêmes choses et j’avais très mauvais caractère. Mes parents ont vu beaucoup de médecins, des neurologues et des psychiatres, mais comme je n’avais pas un langage grossier et que je souffrais d’une forme assez légère de la maladie, ils n’ont pas d’emblée diagnostiqué un syndrome de Tourette. J’ai tout simplement été étiquetée ‘enfant difficile’…

Enfin des réponses


Avec l’âge, j’ai aussi développé des compulsions: je devais tout toucher, tout le temps, pour répondre à mes tics. Aux alentours de 16 ans, un médecin a pensé que j’avais un trouble obsessionnel compulsif et a prescrit des médicaments pour que je puisse garder mes tics sous contrôle. Puis, un jour, ma mère a vu un documentaire sur les personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette à la télé et elle a fait le lien. Peu de temps après, vers 18 ans, le diagnostic est tombé.

Une fille bizarre et difficile


Pendant les périodes d’examen, où le stress est très intense et où je devais me tenir tranquille, la maladie montait en force. Pendant toutes mes études secondaires, j’ai énormément souffert de mon syndrome de la Tourette, et j’étais souvent ridiculisée à cause de mes tics. J’ai eu beaucoup de mal à en parler pendant mon adolescence, ce qui a contribué à faire de moi une fille bizarre ou difficile. Cela m’attirait pas mal de problèmes à l’école. Même en-dehors de l’école, on m’imitait souvent et on se moquait de moi. Extérieurement, je faisais comme si ça ne me blessait pas et je me prêtais parfois moi-même au jeu pour ne pas paraître vulnérable. Mais au fond de moi, j’étais très triste.

Ma scolarité a été chaotique. Comme peu de professeurs comprenaient ma maladie, j’ai été souvent obligée de changer d’école.


Et chaque nouvelle école me mettait dans un tel état de stress que j’avais les muscles bloqués dès le premier jour, au point de devoir suivre des séances de kiné pour mon dos et mon cou. Je suis allée jusqu’à faire semblant d’être malade pour ne pas être obligée d’aller aux cours. En classe, je faisais de mon mieux pour contrôler mes tics et quand je sentais que je n’en pouvais plus, je courais m’enfermer aux toilettes pour les laisser s’exprimer, ce qui me laissait ensuite quelques heures de répit. Heureusement, j’avais une super amie, sur qui je pouvais compter.

Des études très compliquées

Plus je grandissais, plus je me renfermais sur moi-même. J’osais à peine approcher les autres jeunes, de peur de lire le dégoût dans leurs yeux quand ils remarqueraient les tics de mon visage.


À 16 ans, on m’a prescrit un médicament dont j’ai très vite ressenti les effets négatifs. J’avais l’impression d’être un zombie, coincée dans un monde à part. En plus des médicaments, j’ai commencé à voir un psychologue pour apprendre à contrôler mes crises d’angoisse, de colère, et mes phobies. Depuis toute petite, je rêvais de devenir esthéticienne, mais ma maladie a rendu mes études très compliquées. J’ai finalement obtenu mon diplôme via une formation pour adultes et j’ai mis pas mal de temps à trouver un emploi.

Peu de possibilités de carrière


Pendant cinq ans, j’ai exercé avec grand plaisir le métier de masseuse, puis j’ai touché un peu à tout et je me suis vite rendu compte que mon syndrome ne me permettait pas d’exercer certains métiers. Par exemple, je ne peux pas travailler à la chaîne dans une usine à cause de mes tics. Parfois, je disais dès l’entretien d’embauche que j’avais le syndrome de Gilles de la Tourette, et je recevais automatiquement une lettre de refus. Mais j’en recevais aussi quand je ne disais rien, du coup j’ai fini par ne plus savoir que faire et par sombrer dans la déprime.

Une incertitude permanente


Comme l’utilisation prolongée du médicament que je prenais peut provoquer la maladie de Parkinson et d’autres effets secondaires, j’ai arrêté de le prendre à partir de 18 ans. Mes tics sont donc un peu plus prononcés, mais je me sens mieux sans traitement. À 33 ans, j’ai déjà vécu pas mal de choses et ça n’a pas été simple. Ma personnalité a été façonnée par le syndrome de Gilles de la Tourette et je ne me débarrasserai sans doute jamais du manque de confiance en moi que j’ai développé à cause de ça. Mais aujourd’hui, tout semble se stabiliser progressivement. Entretemps, j’ai trouvé un job de masseuse dans un spa: c’est quelque chose que j’aime faire.

Enfin du positif


Et j’ai finalement trouvé le bonheur en amour aussi… Mon copain et moi, on s’est rencontrés sur Tinder et on s’est tout de suite plu. Au moment de notre première rencontre, je n’ai pas parlé de ma maladie, c’est au troisième rendez-vous que le sujet est arrivé sur le tapis. Il m’a demandé à brûle-pourpoint d’où venaient mes tics – il avait peur qu’ils soient dus à la consommation de drogues… Moi, j’étais persuadée que j’avais complètement réussi à cacher mes tics jusque là, et j’ai réalisé que c’était complètement faux! Il l’avait remarqué dès la première fois, mais n’avait pas osé y faire allusion…

Petite, je devais faire face aux moqueries et aux rires, mais aujourd’hui je suis encore régulièrement confrontée à l’incompréhension.


l’autre jour, je me suis fait interpeller par une dame à la caisse parce que je n’arrêtais pas de renifler… Mais cela peut aussi être drôle parfois: comme la fois où je suis allée en boîte avec ma sœur et où le serveur s’est empressé de remplir notre pot de cacahuètes, parce que j’avais frappé plusieurs fois la table avec le pot vide à cause de mes tics.

Une maladie héréditaire?


Même si je suis aujourd’hui très heureuse dans mon couple, nous ne pensons pas avoir des enfants. Peut-être est-ce le fait que ma maladie peut être héréditaire qui m’empêche d’avoir envie de fonder une famille? Je ne sais pas. La maladie est présente dans la famille du côté de mon père, donc je pourrais très bien la transmettre, moi aussi. Et même si je n’ai qu’une forme légère du syndrome de la Tourette et que je peux vivre sans médicaments, je ne voudrais pas que mes enfants aient à subir ce que j’ai subi moi, petite. Mon copain et moi, on est très heureux à deux…”

Texte: Jill De Bont et Julie Rouffiange. Photo: Tim De Backer.


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