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© 160906 - FLAIR - STOTTEREN - STEFANIE

Témoignage: ““Je bégaie. Parler a longtemps été une épreuve, mais plus maintenant.””

Pendant longtemps, Maïté, 20 ans, n’osait pas ouvrir la bouche, par crainte des moqueries des enfants de sa classe. Aujourd’hui, même si elle bégaie encore, elle est bien décidée à se faire entendre.


“Je déteste quand les gens se sentent obligés de terminer mes phrases ou qu’ils détournent le regard dès que je bégaie. Il n’y a rien de plus frustrant que de passer sa vie à chercher des synonymes ou des mots faciles à prononcer. Pourtant, c’est mon quotidien. C’est à l’école primaire, simplement parce que je portais des lunettes, que mon bégaiement s’est déclenché. Dans la cour de récré, les enfants pariaient sur le temps qu’il leur faudrait pour me faire pleurer. Ma confiance en moi en a forcément pris un coup. Pendant des années, au lieu d’extérioriser mon mal-être, j’ai tout gardé en moi. Conséquence: mon bégaiement n’a fait que s’accentuer.

Des tics bizarres


En primaires, je souffrais de me sentir différente des autres enfants. J’aurais aimé parler avec la même aisance qu’eux. Pendant la récré, je restais généralement près de l’institutrice. Comme mon problème de bégaiement s’aggravait, on m’a envoyée chez une thérapeute. Sans grand succès. Après quelques séances, quand je tentais de prononcer certains sons ou mots, j’ai même attrapé des tics bizarres. Toutes les techniques que j’ai testées n’ont rien donné.

Ce dont j’avais besoin, en fait, c’était d’un nouveau départ. Nous avons choisi une école secondaire où je ne connaissais personne. Je n’oublierai jamais le tout premier jour. À chaque nouvelle heure de cours, je devais me présenter devant tout le monde. J’étais ultra nerveuse. Du coup, je bégayais encore plus que d’habitude. Par chance, les autres élèves ont super bien réagi. Personne ne se moquait de moi ou me regardait de travers. Dès le début de l’année, les profs m’ont demandé comment ils pouvaient m’aider. Du coup, en classe, je ne manquais jamais de lever la main pour donner mon avis. Pour moi, c’était un vrai progrès. À 14 ans, j’ai pu échanger mes lunettes contre des lentilles. Ce qui m’a donné encore plus confiance en moi. Mais même si j’ai déjà fait de gros progrès, je ne suis pas encore délivrée de mes angoisses. Lors d’une discussion, par exemple, je choisis chacun de mes mots.

Lorsque je sors boire un verre, je commande quelque chose dont je suis certaine de pouvoir prononcer le nom. J’ai souvent l’impression que des inconnus – la caissière du supermarché, par exemple – à qui je ne dis pas bonjour, me trouvent impolie.


Pour une personne bègue, les choses les plus anodines font souvent figure de montagnes insurmontables. Même si on tente de les banaliser, on y pense tout le temps. J’ai aussi le sentiment de devoir renoncer à certains rêves. Depuis que j’ai fini les secondaires, j’aimerais travailler avec des enfants, mais jusqu’ici, je n’ai encore envoyé aucune lettre de candidature. Lorsque je chercherai du travail, je sais que mon bégaiement risque de me porter préjudice et ça m’angoisse. Il ne faut pas se voiler la face: face à un employeur, les troubles du langage sont forcément un handicap. Récemment, j’ai lu le témoignage d’une jeune femme bègue qui avait entamé des études de Logopédie. Certains chanteurs ou comédiens célèbres souffraient eux aussi de bégaiement lorsqu’ils étaient petits. J’admire ces gens. Leurs histoires me donnent de l’espoir. Ils sont la preuve que les bègues peuvent réussir dans la vie.”

Infos, ateliers, liste de thérapeutes et groupes d’entraide,… sur le site www.begayer.be


 

Texte: Marijke Clabots et Marie Honnay. Photos: Tim De Backer.


 

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