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TÉMOIGNAGE: À cause de douleurs chroniques, faire l’amour est devenu un enfer pour Emma

La rédaction

Emma, 29 ans, jouissait d’une vie sexuelle parfaitement normale, jusqu’à ce qu’elle se mette à souffrir de douleurs chroniques.

“J’avais 16 ans lorsque j’ai vécu ma première fois. Arthur, mon copain de l’époque, avait 3 ans de plus que moi. Pour moi, c’était la bonne personne avec qui partager ce moment spécial. Même si on a rompu après 8 mois de relation, ma première fois reste un bon souvenir. J’ai tout de suite aimé le sexe (les préliminaires comme l’acte) et ­développé une forte libido. Au fil des ans, j’ai enchaîné les partenaires. Quand j’étais célibataire, je ramenais un homme différent chez moi presque tous les week-ends, simplement parce que j’avais une libido élevée et que je voulais obtenir ce que je voulais.

Pendant longtemps, le sexe était quelque chose dont je ne pouvais pas me passer, ce qui contraste fortement avec la façon dont je le vis aujourd’hui.

Charles et moi sommes en couple depuis décembre 2014. Depuis le début de notre relation, sa libido est moins grande que la mienne. Je suis presque toujours l’initiatrice de nos ébats, bien que cela n’ait ­jamais été un obstacle, tellement on était connectés au lit, et dans la vie. Après 9 mois, nous avons voulu un enfant pour sceller notre amour. Je suis tombée enceinte après seulement un mois, pour notre plus grand bonheur. Bébé était prévu pour l’été 2016. Cette date, nous ­l’attendions avec ­impatience, bien que ma grossesse n’ait pas été un long fleuve tranquille. Je souffrais beaucoup de constipation, ce qui m’obligeait parfois à utiliser des laxatifs pour me soulager. C’était très difficile, surtout pour quelqu’un qui souffre du syndrome du côlon ­irritable depuis des années. Et contre toute attente, le problème ne s’est pas arrêté à la naissance de notre fille…

Dans une impasse

Je suis restée constipée pendant 6 mois après la naissance de ma fille, malgré tous les laxatifs possibles et trois selles par semaine pendant 3 mois. On aurait dit que j’étais à nouveau enceinte, mais c’était ­simplement mon corps qui ne parvenait pas à évacuer. Après ­plusieurs examens médicaux, il s’est avéré que mon côlon n’exerçait plus aucune pression. Les mouvements typiques des intestins ne se produisaient plus chez moi. C’est pourquoi on a décidé de retirer mon côlon. C’était une lourde opération, mais les médecins ont insisté sur le fait que mon intestin grêle prendrait le relais du côlon. ­Malheureusement, il y a eu des complications pendant l’opération. Une fuite est survenue au niveau de la jonction de mon intestin grêle et de mon rectum, avec toutes les conséquences que cela suppose. C’est là que le cauchemar a vraiment commencé. À cause de cette fuite, des matières fécales se sont déversées dans mon abdomen, ce qui a provoqué une sérieuse ­inflammation et des douleurs ­insupportables.

C’est simple, j’étais plus souvent à l’hôpital qu’à la maison. Le seul fait de regarder mon ventre était déjà douloureux, alors faire l’amour était vraiment la dernière chose à ­laquelle je pensais.

Quatre mois plus tard, je me suis à nouveau fait opérer, mais cette intervention s’est à nouveau soldée par un échec. C’est devenu si grave qu’en mai 2018, j’ai subi deux ­opérations d’urgence parce que ma vie ne tenait plus qu’à un fil. Lors de la ­dernière intervention, on m’a placé une stomie, que j’ai gardée pendant un an. Depuis je souffre de douleurs ­chroniques et je vis avec un intestin grêle réduit au minimum. À cause de toutes les opérations, j’ai beaucoup d’adhérences ; des sortes de cicatrices intérieures qui rendent les rapports sexuels ­extrêmement douloureux.

L’espoir d’une amélioration

En raison de ma situation médicale, notre vie sexuelle s’est complètement arrêtée, et Charles et moi n’avons pas fait l’amour pendant deux ans. À cause de la douleur permanente, j’ai aussi eu beaucoup de mal à donner du plaisir à Charles autrement. On s’embrasse et on se câline beaucoup, mais ça s’arrête là, surtout parce que je ne veux pas lui ­donner de faux espoirs. Lorsque j’ai été confrontée à la dépression après toutes ces opérations, ma libido est descendue en dessous de zéro. Mentalement, ça va mieux, mais j’ai l’impression que ma ­libido a définitivement disparu. Je ne prends plus aucune initiative, alors qu’avant, j’aimais attendre Charles en lingerie sexy.

Cela fait moins d’un an que nous avons à nouveau des relations sexuelles, mais seulement les jours où j’ovule, parce que nous rêvons d’un ­deuxième bébé. Le sexe spontané ne fait plus partie de notre vocabulaire.

C’est devenu un rituel planifié, de préférence le plus rapide possible, uniquement dans le but de concevoir un bébé. Chaque va-et-vient provoque en moi une douleur lancinante. Je n’ai jamais été poignardée, mais je pense que la douleur doit être comparable à la mienne. Chaque jour, je prends de la morphine pour soulager la douleur, bien qu’il soit arrivé plusieurs fois que je perde conscience pendant les rapports sexuels. J’ai de la chance que Charles m’accepte comme je suis et qu’il gère la situation avec beaucoup de sagesse. À côté de cela, nous sommes heureux en ménage et nous nous sommes tous deux réconciliés avec le fait que le sexe ne va plus de soi, même si nous allons bientôt faire appel à un sexologue, afin de donner une autre dimension à notre vie sexuelle. Je n’espère plus que la ­douleur disparaisse, mais qu’elle ­s’atténue avec le temps, afin que le sexe devienne plus tolérable et que je puisse à nouveau en profiter.”

Quand le sexe devient un obstacle

“Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le sexe peut devenir un ­obstacle”, explique la sexologue Kaat Bollen. “Une différence de libido, le ­vaginisme (qui rend souvent les rapports sexuels douloureux, voire impossibles), un dysfonctionnement érectile... Une faible estime de soi, l’épuisement ­professionnel et la dépression peuvent aussi freiner votre sexualité.

Presque tous les problèmes psychologiques ou physiques ont généralement un impact sur votre vie sexuelle. Si le sexe ne va pas (ou plus) de soi, il peut avoir un impact considérable sur la relation avec votre partenaire, surtout si votre moitié ­attache beaucoup d’importance aux rapports sexuels.

Dans une telle situation, il est très important de continuer à communiquer ouvertement à ce sujet. Dans la pratique, je remarque que les gens essaient d’éviter le sujet, précisément parce qu’il s’agit souvent de conversations difficiles qui entraînent de la frustration ou parce qu’elles sont très émotionnelles. Au début, ils essaient, mais dès qu’ils ont l’impression que de telles conversations ne font que provoquer plus de négativité, le sexe devient au fil du temps l’éléphant dans la pièce que les deux partenaires voient, mais dont ils ne disent mot. À partir de là, cela devient souvent ­problématique. C’est pourquoi il est essentiel de poursuivre la conversation. Si vous ne pouvez pas gérer la situation, faites appel à un professionnel.

La pénétration ne fait pas tout
Dans notre société, l’accent est mis sur la pénétration, mais ce n’est qu’une partie de votre vie sexuelle. Il existe une centaine de façons différentes de faire l’amour. N’essayez donc pas de vous concentrer sur ce que vous ne pouvez pas faire, mais examinez les possibilités dont vous disposez. Je remarque souvent que lorsqu’il n’y a plus pénétration à cause de certaines circonstances, l’intimité quotidienne diminue aussi progressivement. La femme pense alors : je ne vais plus ­l’embrasser, parce qu’il pourrait avoir certaines attentes et je devrai le repousser à nouveau. Mais à cause de cela, la relation s’affaiblit et, non seulement la pénétration, mais aussi une grande partie de l’intimité disparaît. Restez donc attentifs aux autres façons d’être intimes et osez être créatifs.

Être en paix avec le sexe
Pour la plupart des couples, le sexe est très important. Si ça marche sur le plan sexuel, ça ne détermine jamais que 5 % de votre relation. Mais si ce n’est pas le cas, cela peut monter jusqu’à 50 %. À quoi ressemble une vie sexuelle ‘normale’ ? Nous pensons toujours que la plupart des couples font l’amour au moins deux fois par semaine, mais en réalité, nous faisons l’amour en moyenne deux à trois fois par mois. Je suis convaincue que les relations peuvent être maintenues si le sexe devient une réflexion après coup, si vous et votre partenaire êtes tous deux en paix avec cet aspect. Est-il problématique de n’avoir des relations sexuelles que pour faire plaisir à son partenaire ou avoir des enfants ? Je n’oserais pas dire ça, bien que ce soit possible si c’est la seule motivation. Il est important de continuer à en profiter soi-même. En faire un rituel peut être agréable en soi. Je ne suis pas contre le sexe planifié, mais je suis contre si la spontanéité n’est plus jamais de mise et que vous savez à l’avance à quoi ressemblera votre prochain rapport sexuel.

Un bon conseil pour une expérience sexuelle positive : assurez-vous d’avoir une bonne relation sexuelle avec vous-même. Il est important que vous puissiez vous donner du plaisir et connaître votre corps.

Cela permet d’avoir une bonne confiance en soi sur le plan sexuel, ce qui constitue le meilleur point de ­départ possible.”

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