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© MADRID, SPAIN - 2018/02/03: A woman with a placard that reads "200 million victims" protesting against female genital mutilation. (Photo by Marcos del Mazo/LightRocket via Getty Images)

En 2020, l’excision est toujours légale dans ces 7 pays d’Afrique et d’Asie

Kathleen Wuyard


La nouvelle a été accueillie comme une victoire: malgré leur prévalence au nom de la tradition, le Soudan a voté une loi interdisant formellement les mutilations génitales féminines. Un pas en avant, même si d’autres pays restent obstinément en arrière: en 2020, l’excision reste en effet légale en Indonésie, en Irak, au Liberia, au Mali, en Ouganda, en Sierra Leone et en Somalie.



Sept pays répartis sur deux continents, allant de l’Afrique Noire à l’Asie en passant par le Moyen-Orient, avec des religions et des traditions qui diffèrent, mais une même conviction: il s’agit de continuer la pratique de l’excision. Une pratique douloureuse et archaïque, qui consiste en l’ablation partielle ou totale des organes sexuels de la femme, qui n’est souvent qu’une fillette quand “l’opération” est réalisée. La majorité du temps, sans anesthésie ni véritable désinfection des outils, causant des séquelles graves aux femmes dont l’intimité a déjà été mutilée.

Si selon les régions et les pays, les raisons évoquées pour la pratiquer oscillent en fonction des croyances culturelles et religieuses, il s’agit avant tout de se conformer à une norme sociale très sévère. Si, sur le terrain, les activistes réalisent un travail de sensibilisation important, les familles qui font tout de même subir des mutilations génitales à leurs filles le font parce que les éventuelles répercussions physiques et mentales sont moins graves à leurs yeux que le jugement social qui s’abattrait sur eux s’ils ne se conformaient pas à la tradition.

Une “étape nécessaire”


En 2010, l’UNICEF avait réalisé un rapport d’envergure consacré à la dynamique du changement social et l’abandon de l’excision dans cinq pays du continent africain. Dans celui-ci, qui se concentrait sur l’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya, le Sénégal et le Soudan, les experts tentaient d’apporter une explication à la perpétuation d’une coutume cruelle, dont on sait qu’elle peut causer des douleurs intenses, la propagation du VIH si les instruments n’ont pas été stérilisés correctement, des problèmes urinaires ainsi qu’un plaisir sexuel inexistant, sans parler de l’impact psychologique.

Dans les communautés où elle est pratiquée, l’E/MGF n’est considérée ni comme dangereuse, ni comme une violation des droits humains. Elle constitue une étape nécessaire dans la bonne éducation d’une fille, une façon de la protéger et, dans de nombreux cas, de lui permettre de se marier. Les parents font exciser leurs filles afin de leur garantir le meilleur futur possible”.




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Une pratique qui transcende religions et frontières


Meilleur futur? Du côté de l’association “Excision, parlons-en”, on y va plus franchement, et on évoque notamment une volonté de maintenir une domination masculine en contrôlant la sexualité des femmes: l’excision, en prévenant le désir sexuel, empêcherait les expériences sexuelles prénuptiales et ensuite les relations adultérines. Quant à l’argument religieux, il ne convainc pas: aucun texte religieux ne préconise cette pratique, “qui a d’ailleurs précédé l’apparition des grandes religions monothéistes”, et transcende les différentes religions. En Indonésie, plus grand pays musulman d’Asie, l’excision est très répandue, grâce à une position ambigüe des autorités, qui, pour “contrôler” les mutilations génitales féminines, encouragent leur pratique médicalisée. Selon une étude réalisée en 2003 par Population Council dans le pays, entre 86 et 100 % des filles âgées de 15 à 18 ans auraient subi une forme ou une autre de mutilations génitales féminines. En Sierra Leone, pays également majoritairement musulman, 94% (!) des femmes âgées de 15 à 49 ans auraient subi une forme d’excision selon l’OMS (chiffres 2008), mais la pratique est également répandue chez les Coptes, des chrétiens d’Egypte (où elle est pourtant illégale depuis 1997), ces mutilations étant également pratiquées par certains animistes ainsi que les juifs felashas. Des mutilations qui transcendent les religions... Et les frontières.

En Belgique aussi


En Belgique, pas d’équivoque possible: une loi relative à l’interdiction des mutilations féminines a été votée en 2001. Et pourtant, en 2010, une étude du SPF Santé Publique révélait que plus de 6 000 femmes excisées ainsi que près de de 2 000 fillettes risquant de l’être vivaient en Belgique. L’étude dévoilait également qu’à Liège, 45% des sages-femmes avaient déjà rencontré un ou plusieurs cas de mutilations génitales féminines au cours des 7 dernières années (source 2003). Rappel nécessaire que s’il est important de pointer du doigt les pays où ces mutilations sont toujours légales, il y a encore du travail à faire chez nous aussi.



Oui mais quoi? En Belgique francophone, un kit de prévention des MGF est diffusé depuis mai 2014, et différentes campagnes de sensibilisation et de formation ont été dirigées vers les acteurs de la santé, afin qu’ils signalent toute mutilation. Vous craignez une excision pour vous ou quelqu’un de votre entourage?

Vous pouvez contacter le Groupe pour l’Abolition des mutilations sexuelles féminines (GAMS), dédié à la lutte contre les mutilations génitales, présent à:

  • Bruxelles (02 219 43 40)
  • Namur (0493 49 29 50)
  • Liège (0479 586 946)
  • Anvers (0495 93 93 18).


À Liège, le Centre de planning FPS a développé un projet spécifique de prise en charge et de prévention à la problématique des Mutilations Génitales Féminines, tandis que les équipes du service Ecoute Enfants 103 ont été formées à la problématique des mutilations génitales et féminines. À Bruxelles, le CHU St Pierre a également ouvert le CeMAVIE, un centre dédié aux victimes d’excision (11-13 Rue des Alexiens, consultations tous les mardis après-midi).

Envie de contribuer à la lutte contre l’excision? Vous pouvez notamment faire un don au GAMS, à l’ONG internationale 28 Too Many ou encore signer cette pétition demandant la qualification de l’excision comme crime contre l’humanité. Tout, sauf rester sans rien faire, car ainsi que le rappelait avec justice la top somalienne excisée Waris Dirie, dont la vie a été adaptée en film (“Fleur du désert”), “il n’y a pas de raison à la mutilation de millions de petites filles chaque année, sinon l’ignorance et la superstition. Par contre, la douleur, la souffrance et la mort qui en résultent sont des raisons plus que suffisantes pour que cette pratique disparaisse”.



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