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© Hystérie

Pourquoi il faut arrêter de traiter les femmes d’hystériques

Justine Rossius

En réaction à la montée de colère suite à la victoire de Polanski aux Césars, sa femme a dénoncé les « mensonges de folles hystériques » sur son compte Instagram. Une insulte qui revient (trop) souvent pour qualifier les femmes qui l’ouvrent.


 

Emmanuelle Seigner, l’épouse de Roman Polanski, a claqué la porte des réseaux sociaux au lendemain du sacre de son mari aux Césars, après avoir posté une dernière publication, véritable ras-le-bol suite aux critiques envers Polanski:

Je prie à tous d’arrêter de me faire chier. Tout cela est basé sur des mensonges de folles hystériques en mal de célébrité.”


Si l’idée n’est pas de critiquer sa réaction — même si on peut éprouver de la colère face à ce manque total de sororité – ce qui nous fait tiquer ici, c’est qu’encore une fois, on utilise le terme d’hystériques pour parler des meufs qui ne se taisent pas et qui osent critiquer… les hommes.

 

Lire aussi: À LIRE: la tribune de Virginie Despentes à propos de la victoire de Polanski.

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Un terme profondément sexiste


Le terme d’hystérie est utilisé à tort et à travers, sans qu’on sache finalement à quoi il se réfère. Et à vrai dire, il ne se réfère plus à grand-chose puisque le terme a disparu des manuels de psychiatrie et de la classification internationale des maladies. La Larousse en donne encore cette définition: “Structure névrotique de la personnalité, caractérisée par la traduction en symptômes corporels variés de représentations et de sentiments inconscients”. Et cette définition ne dit rien du caractère sexiste du mot. Car disons-le franchement: on ne qualifie que très rarement un mec d’hystérique. C’est logique, puisque la cible féminine est dans l’essence même du mot, qui vient du terme grec «ustera» qui signifie… utérus. Eh oui: pour Hippocrate, l’hystérie venait du déplacement de l’utérus dans le corps. L’utérus était pour lui un animal dans un animal qui faisait vibrer le corps de la femme et affectait ses humeurs (bien glauque tout ça).

 

Les vibromasseurs pour soigner l’hystérie


Les solutions à ses yeux? Les rapports sexuels et la maternité, pour empêcher l’utérus de se balader. En gros, cette maladie affectait les femmes qui n’avaient pas d’enfants et qui abusaient des plaisirs charnels seules. Autant dire que ça en arrangeait certains. Si une femme voulait se masturber, elle était considérée comme hystérique (on vient de loin): la solution était donc de leur prodiguer un massage pelvien jusqu’à ce qu’elle en ait assez.

Selon les travaux de Havelock Ellis, médecin britannique, publiés en 1913, environ 75 % des femmes souffrait d’hystérie, et celle-ci se caractérisait par des maux de tête pouvant aller jusqu’à des crises d’épilepsie et… des paroles grossières. En réalité, tous les comportements s’éloignant des normes du féminin. D’ailleurs, à l’époque victorienne, on pensait que l’hystérie était causée cette fois par… l’éducation des femmes. Le taux d’alphabétisation en hausse des femmes était trop difficile à supporter pour leur cerveau, qui du coup, était frappé d’hystérie.

« C’est qui cette hystérique? »


Et ce cliché a malheureusement la vie lourde : aujourd’hui encore, dès qu’une femme se comporte selon les normes du « masculin », donc en haussant la voix, en essayant de se faire entendre socialement, on la qualifie d’hystérique, car elle ne correspond pas au fameux adage « sois belle et tais-toi ». Mais faire valoir ses opinions n’est en aucun cas pathologique. Traiter une femme d’hystérique, c’est considérer que ses paroles sont uniquement guidées par son “utérus”, soit par ses hormones et donc ses émotions. C’est lui enlever toute caractéristique rationnelle, pour mieux décrédibiliser ses propos, juste parce qu’ils sont dérangeants pour certains. Et comme souvent, le langage qu’on utilise en dit long sur les stéréotypes de genre. Comme l’expression « avoir des couilles » qui laisse penser que le courage si situe dans les testicules ; « femmelette » qui rabaisse n’importe quel homme un peu lâche au rang de femme. Alors, si, contrairement à l’épouse de Polanski, on bannissait une bonne fois pour toute ce gros mot de nos bouches, qu’on ne fermera pas pour autant?

 

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