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Combattre le cancer en beauté n’est pas futile, c’est une nécessité

Kathleen Wuyard

Parce que l’impact du moral sur le taux de guérison n’est plus à prouver, particuliers et organismes de santé ont enfin décidé de permettre aux femmes qui se battent contre un cancer de le faire en beauté. Franges à clipser, centre dédié au bien-être ou encore cosmétiques adaptés: on fait la peau au cancer tout en se sentant aussi bien que possible dans la sienne.


Une soirée entre copines de la trentaine, toutes jusqu’ici relativement épargnées par de gros soucis de santé. Ça parle de mecs, de boulot, des vêtements sur lesquels on a craqué mais que la raison recommande de ne pas acheter, et puis au bout du 3e verre, la conversation dévie sur les potins, parce que Liège est un village et que tout le monde se connaît. Untel a repris son ex alors que tout le monde sait que c’est un connard infidèle, unetelle a perdu 10 kilos et c’est dingue, on ne la reconnaît pas, et puis “oh, trop fou, j’ai appris que X, mais si tu sais, elle était deux ans en dessous de nous en humanités, et ben elle a un cancer. Je l’ai croisée en ville, elle était méconnaissable, elle n’a plus aucun cheveux sur le crâne, et plus de cils ou de sourcils”. Après les remarques compatissantes, et les “olala, mais WTF, elle est tellement jeune”, une voix s’élève pour dire tout haut ce que beaucoup des filles autour de la table pensent tout bas:

En tout cas, moi, c’est ce qui me fait le plus peur à l’idée d’avoir peut-être un cancer un jour. Je ne sais pas comment je pourrais supporter de me voir entièrement chauve, sans cils, sans sourcils, sans rien.


Pas la chimiothérapie, pas la douleur, pas la peur de mourir, pas les effets secondaires du traitement, non, la perte de cheveux et des sourcils, associés pour elle à une perte de son identité. Futile? Peut-être. Parlé comme quelqu’un qui n’a jamais souffert du cancer, et qui ne sait donc pas de quoi elle parle? Certainement. Sauf que pour bon nombre de femmes qui ont reçu le diagnostic, c’est aussi une des premières pensées qui leur a traversé la tête.

Reprendre confiance


Michèle a aujourd’hui la cinquantaine épanouie, et rien qui indique qu’il y a 20 ans maintenant, elle a failli perdre la vie. Elle n’a que 36 ans quand on lui diagnostique un cancer du sein, et c’est tout son monde qui s’écroule. Très vite, elle perd tous ses cheveux, et il lui faut subir une ablation du sein, et plus que la perte de ce membre, c’est tout son être qui semble lui avoir échappé.

Je me regardais dans le miroir, et je ne savais pas qui était cette personne, je la trouvais horrible. C’était les années 90, et il n’y avait pas tout ce qu’on trouve aujourd’hui. Le seul soutien-gorge que je pouvais porter était un modèle médical, horrible, et j’avais soit le choix entre des perruques cheap et à l’effet tout sauf naturel, soit un foulard. Aujourd’hui, j’ai presque réussi à oublier la douleur des traitements, mais le traumatisme de me voir comme ça me hante encore. J’avais perdu toute confiance en moi.


Or justement, en cas de maladie, qu’elle soit ou non terminale, la confiance en soi et la force mentale sont tout simplement cruciales. Ainsi, une étude réalisée sur 227 femmes atteintes d’un cancer du sein a montré, après 11 ans de suivi, que celles qui avaient bénéficié d’un programme de soutien psychologique, et donc, d’un mental renforcé, avaient eu un risque de mortalité diminué de 56%. De son coté, la psychologue française Anne Ancin Schützenberger souligne l’importance de l’optimisme dans le processus de guérison des patients.

II me paraît fondamental de redonner aux gens, et surtout aux malades d’un cancer, le goût de vivre.Le fait de prendre du plaisir contribue à l’envie de vivre, ce qui change le métabolisme du corps. L’une des difficultés, c’est que les gens sont désespérés d’avoir un cancer. Ils ont peur, cessent de manger et se voient déjà morts. Ils anticipent des souffrances épouvantables, et ne réalisent pas que leur pessimisme risque d’aggraver les choses. S’ils étaient optimistes, quelque chose pourrait changer dans la chimie du corps.


Et pour arriver à voir la vie avec un peu plus d’optimisme, même dans une période sombre, rien de tel que de se voir, soi, et de continuer à se plaire. Fort heureusement, aujourd’hui, de plus en plus de marques l’ont compris.

Force mentale


C’est notamment le cas de Même, une marque de cosmétiques made in France, qui allie les exigences de la dermo-cosmétique à la douceur des produits de beauté. Développés avec des femmes sous traitements, les produits de la marque répondent aux besoins spécifiques des peaux fragilisées par les traitements contre le cancer, qu’il s’agisse de sècheresse, inconfort ou encore d’ongles abîmés. Une mission qui tenait à coeur à Judith, une des co-créatrices de la marque. “Tout a commencé avec l’expérience de ma maman, décédée d’un cancer il y a 8 ans maintenant. Malgré la gravité de sa maladie, maman a vécu son cancer comme une battante, mais aussi… comme une vraie fille !”

Ma mère a toujours adoré les fringues et les cosmétiques, mais jamais autant que pendant sa maladie. Il ne se passait pas 48h sans qu’elle ne se soit acheté un nouveau jean, une nouvelle crème pour le visage ou un nouveau vernis à ongle. Au début, je trouvais cela un peu démesuré et superficiel… et puis j’ai compris.


Ainsi qu’elle l’explique, “ne pas avoir l’air malade, préserver son image et son estime d’elle-même était sa stratégie pour se battre le plus longtemps possible contre cette “sale blague””.

Cela m’a convaincue d’une chose: reconquérir sa féminité tellement altérée par les traitements peut réellement aider à être plus forte psychologiquement pour mieux se battre contre le cancer.


Et elle n’est pas la seule à être convaincue.

Féminité abîmée


Virginie Delepierre, a eu l’idée de fonder Miss Amazone alors qu’elle se remettait d’une ablation du sein. Une opération qui avait modifié son physique, mais aussi son quotidien, Virginie ayant perdu une partie de la mobilité du bras droit. Comment s’habiller quand on peut à peine bouger un bras? Et où s’habiller quand la chimiothérapie rend la peau hypersensible et incapable de supporter certaines matières? Faute de trouver la réponse dans le commerce, Virginie décide de créer sa collection elle-même. “J’ai beaucoup discuté avec ma chirurgienne pour savoir comment faire pour créer des vêtements qui s’adaptent à un maximum de femmes. La morphologie, les cicatrices, ne sont pas toutes les mêmes”. Atteinte d’un cancer du sein en 2010, Cécile Pasquinelli Vu-Hong a tenu à fonder Garance, sa marque de lingerie et maillots de bain adaptés, après avoir “vécu la frustration de toutes ces femmes, qui se retrouvent privées de leurs atouts féminins : sein, cheveux, sourcils, cils…” C’est en vacances dans le Sud, alors qu’elle regarde une autre femme sortir dans la piscine et s’essorer les cheveux pendant qu’elle même barbote dans son maillot fonctionnel, sans mouiller son foulard, que Cécile décidé d’agir.

La révélation de ma féminité abîmée avait réveillé une colère qui grondait en moi. Pourquoi devait-il être si difficile de se sentir femme après un cancer du sein? Pourquoi n’existerait-il pas un maillot dans lequel je me sentirais belle, une jolie collection que je pourrais acheter dans le même magasin qu’elles? J’ai alors décidé qu’aucune femme n’aurait plus jamais à vivre ça.


Dont acte: plus qu’une simple marque de lingerie, Garance se veut être “une aide à la reconquête de la féminité abîmée” grâce à ses modèles adaptés au port d’une prothèse. Mais aussi spécialement conçus pour la radiothérapie, ou pour après la mastectomie. Et parce que la perte des cheveux peut être vécue comme l’amputation d’un membre, les initiatives se multiplient aussi afin d’aider les femmes à passer ce cap en beauté. Et surtout, en confiance.

Accessoires thérapeutiques


C’est le credo de Toujours Belle, l’initiative de 5 femmes spécialisées en soins capillaires et esthétiques, sensibilisées par leur clientèle à l’importance de préserver sa féminité pendant et après une maladie tel que le cancer. “Un parcours du combattant pour ces patientes qui devaient se rendre dans plusieurs commerces et à chaque fois déballer leur histoire à des personnes pas toujours à l’écoute de leur besoins. Il était important de créer un lieu où elles pourraient tout trouver au même endroit, où elles se sentiraient comprises et épaulées”.

Notre plus grand souhait est de les aider à rester féminines, car nous sommes convaincues de l’importance de sentir bien pendant le processus de guérison.


Alors sur le site, on trouve des vêtements, des prothèses mammaires à glisser dans le soutien-gorge, mais aussi des compléments capillaires, parce que “la chute de cheveux causée par la chimiothérapie n’amène pas toujours à une calvitie totale”. Chez les Franjynes, on s’est spécialisé dans la conception de franges évolutives à la repousse du cheveu, associées à des turbans de matières nobles pour que le crâne soit enveloppé de douceur.

Franjynes pour la frange, bien sûr, mais aussi parce que plus qu’un accessoire, Julie, la créatrice de la marque, a tenu à offrir aux femmes “des soeurs de combat”. Parce qu’elle sait d’expérience à quel point c’est nécessaire. “J’ai eu un cancer du sein de grade III à l’âge de 27 ans. Oui, je sais, j’avais presque autant de chance qu’une météorite me tombe sur la tête! J’ai donc eu droit à un an et demi de traitements (24 chimios, 2 opérations et 40 séances de radiothérapie)”. Sans jamais parvenir à s’habituer à une perruque.

Quand j’ai perdu mes cheveux, j’ai acheté une perruque mais je n’ai pas réussi à la porter. J’avais l’impression chaque matin d’enfiler un bonnet, et ce qui me manquait, c’était me coiffer tout simplement. Du coup, j’ai commencé à nouer des turbans que j’accessoirisais d’une fausse frange. Effet garanti, personne ne se doutait que j’étais chauve en dessous. Depuis, j’ai répertorié 7 nouages différents, un pour chaque jours de la semaine. En faisant mon nouage, je retrouvais cette sensation de me coiffer. Les nouages ont été pour moi thérapeutiques.  Grâce à ça, j’ai moins souffert de la perte de mes cheveux.


La beauté, un élément essentiel du traitement contre le cancer? L’équipe médicale du CHR de la Citadelle, à Liège, en est convaincue, et elle vient d’annoncer l’ouverture de son espace bien-être dédié aux patients atteints d’un cancer en post traitement. De son côté, Oli, la fondatrice de Belles contre le cancer, souligne à quel point il était important pour elle de “conserver sa féminité et de ne pas paraître malade”. Parce que bien-être et paraître sont intrinsèquement liés.

Charlotte, une styliste française de 32 ans, a pris son diagnostic de cancer comme un catalyseur pour lancer sa marque bienveillante et engagée, Mister K, qui propose des vêtements brodés de mantras encourageants, et dont 5% des ventes sont reversés à à la recherche contre tous Cancers à l’hôpital Gustave Roussy. Appelés Hope, Ose, Never Give Up ou Together Stronger, ses vêtements insufflent aux femmes la force de se battre contre la maladie en beauté, vaincre les périls, et triompher glorieusement.

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