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#MusicToo dévoile l’ampleur des violences sexistes dans le monde de la musique

Kathleen Wuyard

Après avoir donné la parole à Adèle Haenel et mis en lumière les violences sexuelles dans le monde du cinéma, Mediapart s’en prend à l’univers de la musique en relayant les accusations rassemblées par #MusicToo. Des centaines de témoignages qui décrivent une industrie où le sexisme est malheureusement un refrain bien connu.


“Musique: l’industrie qui n’aimait pas les femmes”. Dès le titre de la dernière grande enquête de Mediapart, Lénaïg Bredoux et Donatien Huet annoncent la couleur, et précisent le propos dans le chapeau, entre sexisme banalisé et environnement dangereux pour les femmes, menacées par la précarité mais aussi par une consommation d’alcool banalisée. Pour parvenir à cette conclusion, les journalistes ont pu se plonger dans les centaines de témoignages recueillis sous le cri de ralliement #MusicToo, lancé l’été dernier. À l’aide d’un compte Instagram rassemblant près de 9.000 abonnés ainsi que d’une page Linktree, #MusicToo France rassemble les témoignages accablants, avec pour objectif de mettre fin aux violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la musique. Dans un communiqué diffusé le 1er octobre dernier, le collectif expliquait avoir reçu 302 témoignages depuis l’appel lancé le 18 juillet.

302 témoignages dont certains concordent et nous invitent à poursuivre des enquêtes approfondies. Ces témoignages ont été très éprouvants pour notre collectif. Depuis plusieurs mois, avant même notre lancement, nous avons délibérément, bénévolement, mis une partie de nos projets professionnels et de notre temps libre de côté pour coordonner cette action”.


Une action coordonnée, entre autres, avec Mediapart mais aussi NEON, les deux magazines ayant reçu une quarantaine de témoignages, diffusés avec l’accord des victimes, afin de pouvoir enquêter.

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#MusicToo lève le voile sur les abus en coulisses


Dans sa première enquête, basée sur les témoignages dans leur ensemble, Mediapart tire le constat suivant:  “la précarité des répondantes saute aux yeux : nombre d’entre elles sont stagiaires, services civiques, intermittentes en quête de travail, dans un milieu où la concurrence est rude et où il est difficile de se faire une place. L’épidémie de Covid-19 a encore fragilisé ces professions”. Dans un second article, plus spécifique, les journalistes s’en prennent à Julien Hohl, patron et cofondateur du label strasbourgeois Deaf Rock, accusé de violences sexuelles envers plusieurs femmes.

Des comportements déplacés, voire violents, à caractère sexuel, qui se seraient produits entre 2015 et 2019 : propos sexistes, drague répétée, baisers décrits comme forcés, relations sexuelles où le consentement ferait défaut”.


Et Mediapart de souligner que “leurs noms sont apparus très vite. Quand les animatrices de #MusicToo ont lancé leur appel à témoignages sur les réseaux sociaux en juillet, elles ont rapidement reçu plusieurs messages visant le label de rock strasbourgeois Deaf Rock Records et son cofondateur Julien Hohl”. Dans la foulée de la diffusion des accusations, deux jeunes espoirs du rock français, les groupes Structures et Last Train, ont quitté le labelNous condamnons fermement toutes les violences, qu’elles soient physiques ou morales, et nous associons pleinement aux mouvements Music Too et Change de Disque visant à bâtir une industrie de la musique plus juste, sécurisante et sûre pour toutes et tous” a affirmé Last Train dans son communiqué où le groupe rappelle également “soutenir inconditionnellement toutes les victimes”. De son côté, Julien Hohl n’a pas répondu aux demandes d’interview de Mediapart, mais a annoncé sur Twitter avoir quitté Deaf Rock “pour être libre de ses réponses et ne pas exposer la maison des labels Pegase”.

 

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Alors que les révélations de Mediapart n’exposent qu’une toute petite partie d’un iceberg pour le moins glaçant, du côté de #MusicToo, on revendique de manière éclairée le choix de n’avoir pas diffusé les témoignages au compte-goutte sur les réseaux sociaux.

Pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles, on pense généralement bien faire en partageant de nombreux témoignages de victimes. On constate trois écueils au partage massif de témoignages anonymes: l’accumulation des récits normalise la violence: on baisse notre seuil de tolérance en considérant que “ça fait partie du décor”.


Ensuite, “l’identité des victimes, même anonymes, peut parfois être devinée, en recoupant des détails de leurs récits, ce qui peut les placer dans des situations délicates (pour rappel, 80% des victimes qui osent parler sont amenées à quitter leurs fonctions) et l’anonymat des agresseur.euse.s rend les témoignages inoffensifs, anecdotiques. Confortés dans leur impunité, ils et elles continuent à agir et à afficher une image publique et personnelle intacte”.

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Quid de la diffusion de témoignages qui nomment clairement les personnes à l’origine des agressions alors? ” Nous ne pratiquons pas le call-out sur nos réseaux. Toutes les stratégies sont légitimes, mais dénoncer publiquement ne permettrait pas une protection de notre initiative sur le long terme”. Des considérations dont ne doivent pas s’embarrasser les grands groupes de presse français, ainsi que le démontre l’enquête diffusée par Mediapart ou celle, quelques semaines plus tôt, rédigée par NEON et accusant le chanteur Spleen (The Voice) accusé de viol et d’emprise par plusieurs victimes. Dans la foulée, #MusicToo a publié un formulaire d’enquête complémentaire, permettant aux victimes de Spleen, de Deaf Rock Records ou encore de Retro X (une enquête ayant été lancée à son sujet par Streetpress) de témoigner. Et en Belgique? Après la dénonciation des attouchements commis par Roméo Elvis, la déferlante #MeToo attendue dans le monde de la musique n’a pas (encore) eu lieu. Faute de point de ralliement permettant aux victimes de témoigner en confiance, de manière anonyme? Il est temps que le cri de ralliement #MusicToo résonne au plat pays aussi.

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