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© Alex Moiseev @ Unsplash

Jusqu’à quel point notre prénom influence-t-il la personne que nous sommes?

Barbara Wesoly

Il nous colle à la peau. Nous définit, souvent avant même que l’on soit venu•e au monde. Notre prénom est ce fil rouge qui nous relie à nos origines et à nos parents et pose les premières bases de la personne que nous serons. Mais se grave-t-il dans le marbre de notre être ou est-il au contraire aussi volatile que des lettres écrites dans le sable et effacées à la première marée?


Il y a notre prénom, le premier mot que l’on apprend à écrire. Celui de notre amoureux(se), chuchoté en secret. Celui de notre héros de dessin animé. De cet acteur qu’on admire. De papa, maman, des copains de classe. Celui qu’on donne à notre enfant. Des milliers de prénoms traversent nos existences. Associés à des visages, des souvenirs, de la tendresse ou de la peine. À des identités.

Car, c’est bien de cela qu’il s’agit fondamentalement, notre prénom est cette part de notre être qu’on nous impose, dès les semaines ou mois précédents notre naissance. Si son choix est conditionné par l’amour de nos parents, il l’est aussi par leurs goûts, leurs références, leurs origines et tout le spectre d’imaginaire qu’ils lui apposent. Par la symbolique sociale aussi. Ultra-féminin, courageux, androgyne, noble, osé, ancien, tiré d’un roman ou d’une chanson.

Et qu’on l’aime ou qu’on le déteste au contraire, on ne peut s’empêcher de s’y sentir associé. De lui accorder le pouvoir de raconter en partie qui nous sommes. On a déjà tous regardé la signification qui lui était donnée, ou lu des articles censés l’analyser. Comme si toutes les “Marie” pouvaient être douces ou les “Arthur” aventureux. Avec en arrière plan cette question qui surgit: et si je m’étais appelé•e autrement, aurais-je été quelqu’un d’autre?

Un vaste domaine d’étude


Il existe en psychologie, de nombreuses études cliniques et théoriques basées sur la science des prénoms et son influence présumée sur notre personnalité et nos choix. Depuis plus de cinquante ans, psychologues et psychiatres se penchent sur ce thème. Le lien entre image de soi et nom était d’ailleurs évoqué dès les débuts de la psychanalyse.

“Dès la naissance, le prénom contribue de façon déterminante à la structuration des images du corps” écrivait la pédopsychiatre Françoise Dolto. Un principe à mettre en lien direct avec les propos du psychiatre Jacques Lacan pour qui “l’être humain est un « parlêtre », naissant dans un bain de langage”. Et de fait, si en psychologie on estime que la conscience de soi apparaît véritablement vers l’âge de deux ans, lorsque l’enfant se découvre dans le miroir, le prénom est la première barrière de langage entre lui et les autres. Celle par laquelle on lui donne le droit à posséder une identité propre.

Par la suite, le prénom demeure cette balise qui nous représente au sein d’un groupe, d’une communauté, d’une sphère sociale. Notre nom est bien souvent la première chose que l’on dit à inconnu, une fois passé les formules de politesse. Une carte de visite de notre être, loin d’être anodine. Et qui en dit bien plus sur nous qu’un simple assemblage alphabétique.

Prénom et estime de soi


Car tout dans ces quelques lettres est affaire de sentiments, inconscients ou non. Le regard que les autres portent sur nous d’abord. Qu’il s’agisse de cas particuliers, comme ce prénom qui évoque une personne adorée ou haïe, ou d’interprétation culturelle et sociale. Un prénom peut ainsi être source de discrimination ou associé à des stéréotypes, même inconscients. Une étude de 1976 a ainsi démontré que des enfants de 10 ans dont le prénom est évalué de manière positive par leur pairs, avaient une estime d’eux-mêmes plus élevée que ceux dont le prénom était dénigré. Un principe confirmé par Nicolas Guéguen, professeur de psychologie sociale spécialisé dans l’influence des noms pour qui “des recherches ont par ailleurs prouvé que la popularité ou non d’un prénom avantagerait ou handicaperait profondémment celui qui le porte dans ses interactions avec les autres. ”

D’autant que bien souvent le choix du prénom que l’on destine à un enfant, écrit déjà une part de son histoire. De ce nom original qu’on lui donne pour qu’il brille par sa créativité, à cette version old school, laissant transparaître une culture familiale élevée. En passant par cette préférence pour un nom anglo-saxon, qui fait bien plus rêver dans notre inconscient nourri à la culture US et britannique, à l’envie d’un hommage, à une cousine, un frère ou un parent aimé. Pour le psychanalyste Juan Eduardo Tesone, “Il se noue autour du prénom une maille symbolique, tantôt aérée et libératrice qui laisse l’enfant respirer, tantôt serrée et étouffante, orientant le cours de sa vie à son insu”. Son importance est telle qu’il serait notre “essence” même, inséparable de notre être.”

Mais même si l’on ne choisit pas son prénom, on peut décider de la resonnance qu’on lui donne. Et ce, même si on préfèrerait le barrer de son acte de naissance. En apprenant à l’apprivoiser comme on le ferait d’un complexe physique, jusqu’à le transformer en force. En lui préférant un surnom ou un diminutif aussi, petit mot d’amour donné par ses proches et qui effacera ces lettres dans lequelles on ne se reconnait pas. Ou en le combattant, comme un souvenir douloureux, qu’on exorcise avec le temps. Car s’il écrit les premiers mots de notre histoire, il ne tient qu’à nous de définir le fil de celle-ci.

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