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L’amour, une drogue dure dont il est difficile de se défaire

Manon de Meersman


“Tu es comme une drogue pour moi, c’est comme si tu étais ma propre marque d’héroïne”, soufflait Edward Cullen à Bella dans premier chapitre de Twilight. Ivresse, passion, accoutumance, sevrage... Le lexique de l’amour emprunte bien souvent les termes de l’addiction. Et pour cause: l’amour est une drogue, qui utilise le circuit du plaisir, à l’image de la cocaïne.


L’humain aime le plaisir et son corps se base un système de récompense naturel, poussant à toujours rechercher ce qui lui fait du bien. L’amour, à l’image de la drogue, apporte cette satisfaction à travers des doses chimiques sécrétées par l’organisme, de la dopamine à l’ocytocine, en passant par la vasopressine. “L’amour peut être considéré comme une drogue car les premiers mois d’une relation, le cerveau développe énormément d’endorphines, comme quand on fait du sport et qu’on se sent bien après, ou comme quand on fait l’amour, explique Shana Lyès, fondatrice et coach-astro à Astrolya. Les premiers mois d’une relation stimulent vraiment le cerveau et les sensations: on se sent boosté et plein d’énergie, comme si on avait avalé un shot de protéines”. C’est cette sensation de bien-être qui explique que certaines personnes deviennent accro à l’amour.

Elles ont besoin de ressentir cette endorphine sans cesse et de sentir en continu ces papillons dans le ventre. Un sentiment de bien-être et de bonheur absolu”.


détaille la spécialiste.

Lire aussi: Comment faire la différence entre l’amour et la dépendance affective?

L’amour comme miroir de soi


Certaines personnes n’envisagent leur vie qu’à travers l’amour, plaçant ce dernier au coeur de leur existence. “Depuis que je suis toute petite, j’envisage l’amour comme le but de ma vie. Je vis dans une famille remplie d’amour avec des parents amoureux et des grands-parents ensemble depuis toujours. Je n’ai que de l’amour autour de moi, raconte Élisa*. Depuis que je suis gamine, j’ai l’impression que c’est ça que je dois avoir. Je dois fonder une famille et m’entourer d’amour”. L’amour prend alors le contrôle de la vie. On ne jure plus que par lui. Il insuffle un rythme à nos journées. Il dicte nos comportements, nos faits, nos gestes, nos paroles. “Dans la société dans laquelle on vit, les gens ont du mal à trouver leur bonheur. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui recherchent un sentiment de connexion à l’autre: des connexions émotionnelles, mais aussi spirituelles, afin de partager les mêmes valeurs, les même croyances”, détaille Shana Lyès. Le problème, c’est que l’amour s’incarne via l’autre. Il n’existe pas seul et a besoin de quelqu’un pour être palpable, rendant ce quelqu’un comme notre monde à part entière. On se met à vivre à travers cette personne, laissant notre être se nourrir uniquement des compliments, du regard, du jugement et de l’affection qu’elle nous accorde. “Petite j’ai eu des amoureux, même si très vite, je me suis rendu compte que j’aimais les filles, explique Élisa. Même si je n’aimais pas les personnes avec qui j’étais, je sentais que je devais être avec quelqu’un”. Pour Léa*, c’était la même chose: l’amour devait être présent dans sa vie et ce, peu importe comment. “Quand j’ai commencé à avoir des relations, je recherchais l’homme parfait. Je n’étais pas amoureuse, je le savais très vite et j’enchaînais les personnes car je recherchais l’amour. C’était un besoin. Mes parents ont divorcé et je me devais de trouver la personne parfaite pour qui je ressens des sentiments forts”, explique-t-elle.

Cette conception de l’amour rend souvent le premier amour intense et passionnel, donnant l’impression qu’il est invincible et qu’on n’aimera plus jamais comme ça. “La première fois que j’ai su que j’aimais une fille, j’avais 14 ans et c’était ma première copine. Toute ma vie tournait autour d’elle: elle était le sens de ma vie. Je me voyais avec elle pour tout” explique Élisa. Pour Léa, l’amour n’a eu de sens aussi qu’à partir du moment où elle a rencontré son premier amour. “Quand je suis tombée amoureuse, pour moi, c’était l’homme de ma vie et j’ai ressenti une explosion d’amour. Quand cet amour s’est terminé, ça m’a brisé le coeur, c’était comme si c’était impossible de vivre sans l’amour car pour moi, l’amour, c’était lui”, explique-t-elle. Tant Élisa que Léa ont alors cherché à compenser la douleur en remplaçant l’être aimé par une autre personne. “Après elle, il fallait que je trouve quelqu’un d’autre pour l’oublier”, explique Élisa. Si ça n’allait plus avec la personne, il fallait que je trouve une autre à aimer. J’avais vraiment ce besoin d’aimer”, rajoute-t-elle. “En étant plus avec cette personne, je me suis rendu compte que ce qui me manquait le plus, c’était le sentiment d’amour et c’est pourquoi j’ai très vite rencontré quelqu’un d’autre. Au départ, cette personne, je ne l’aimais pas, mais j’avais quelqu’un à mes côtés et j’aimais ça, explique Léa.

J’avais besoin de me dire que cette case d’amour était remplie, même si je n’aimais pas cette personne.”


avoue-t-elle. C’est ce qu’on appelle l’amour pansement. La rupture est si douloureuse que la guérison du coeur paraît impossible. C’est comme si le temps s’arrêtait et que nous étions vides de sens. Combler ce trou dans notre poitrine semble alors la seule issue possible. Une rupture n’est pas uniquement synonyme de séparation avec l’autre: il s’agit également d’un adieu au couple, aux habitudes, à la tendresse et tout ce qui s’y rattachait. “La personne que l’on rencontre après une rupture douloureuse, cette personne pansement, va nous permettre de protéger cette plaie ouverte après la séparation, de cicatriser plus facilement”, explique Fabienne Kraemer, psychanalyste, au magazine Psychologies. Cette personne va alors redonner confiance, booster à nouveau l’égo blessé et réaffirmer un pouvoir de séduction qui avait été ébranlé... Jusqu’à ce que l’amour nous retombe dessus. “Quand je suis retombée amoureuse après mon premier amour. C’était incroyable: je retrouvais ces sensations d’amour. C’était une “nouvelle moi”, explique Léa. En fait, c’est comme si à chaque fois que tu as un amour qui fane, tu as un nouveau toi qui renaît”.

Quand tu aimes, j’ai l’impression que tu te « dés-amour » de toi-même car tu mets le focus sur cet amour si intense, si fort, si beau que tu en oublies que toi-même tu peux t’apporter des choses.”


avoue Léa, pour qui l’amour peut être littéralement destructeur.

L’amour destructeur, le flirt avec la dangerosité


L’amour destructeur, Juliette* en connaît quelque chose. “Tout a commencé il y a deux ans par un match Tinder. On s’est rapidement vus et cet homme avait tout pour me plaire: célibataire, jamais marié, sans enfant, nous aimions la même musique, nous avions la même passion pour la cuisine et nous avions la même vision du couple, explique-t-elle. Je me suis directement dit qu’il était fait pour moi et que ce n’était pas un hasard si le destin l’avait mis sur mon chemin”. Mais très vite, la situation a dégénéré et cet homme a commencé à la faire souffrir, en la traitant comme une moins que rien. “Il m’a mis à la porte sous prétexte que j’étais chiante. De là, j’ai essayé de me reconstruire, seule et sans personne. Je suis partie à l’étranger car j’avais besoin de prendre l’air. Je suis revenue plus forte et confiante que jamais, mais à peine rentrée, il a débarqué à nouveau dans ma vie. Et lorsqu’il m’a proposé d’aller boire un verre, j’ai directement accepté”.

Pour Shana Lyès, cette réaction est légitime. “Je vois que cette addiction à l’amour est dangereuse lorsque je tombe face à des femmes qui n’acceptent pas que la relation soit terminée. Certaines vont sans cesse retourner vers cette personne qui leur a donné ce sentiment de bien-être, peu importe la souffrance. Elles sont addict à la personne: elles ne parviennent pas à ne plus la voir, à ne plus lui parler, même quand ça leur fait du mal. Pourquoi? Car elles cherchent le plaisir qu’elles ont trouvé en début de relation”. L’amour peut être vicieux et nous brouiller la réalité. “J’ai replongé avec ce gars lors d’un festival, avoue Juliette. Tout était parfait. C’est à ce moment précis que je suis tombée amoureuse. J’ai commencé par ne plus pouvoir me passer de ses messages, de sa présence. Je planifiais mes activités, mon boulot, ma vie en fonction en lui. L’amour m’aveuglait totalement!”. Après avoir vécu des évènements traumatisants avec cet homme, Juliette décide de le bannir à tout jamais de sa vie. “J’ai alors rencontré quelqu’un d’autre qui m’a fait “oublier” toute cette histoire, mais ce fut bref. Après 4 mois, j’ai mis un terme à cette relation car je n’aimais pas cet homme. Et évidemment, je suis retournée vers mon bourreau. À la seconde où je l’ai vu, tous mes sentiments ont refait surface, malgré tout le mal qu’il avait déjà causé”, regrette Juliette.

Je le vois comme une drogue, je sais qu’il est nocif, mais j’y vais quand même. C’est bien plus fort que moi”.

Lors de ses consultations astro face à des femmes sous perfusion d’amour, Shana Lyès métaphorise toujours les choses. “Quand je fais face à une femme dans cette situation, je fais toujours le parallèle avec mes mains où je montre que mes deux mains sont libres l’une de l’autre, et ce même si elles s’entraident. Souvent, dans les relations toxiques, de dépendance affective – qui font penser à de la drogue – tu as une des mains posées sur l’autre et si on bouge cette main, l’autre s’écroule, car elle n’a plus son soutien. C’est ça qui est dangereux: c’est d’être brisé”.


Le manque de confiance en soi, la racine de l’addiction à l’amour


Shana Lyès explique que le principal problème derrière cette addiction à l’amour est le manque de confiance en soi. En consultation astro, elle se rend compte qu’énormément de femmes font face à cette difficulté. “Ce sont des femmes qui ont beaucoup de mal à s’isoler du regard des autres et à voir ce qu’elles accomplissent à elles seules en tant que femme. Elles sont dépendantes du regard des autres et certaines développent même des troubles psycho-dépressifs à cause de ça. Elles sont alors dans l’incapacité de se valoriser par elles-mêmes”. Shana Lyès conseille aux femmes qui se retrouvent dans cette situation de bosser sur leur confiance en elles. “Généralement je leur donne des outils pour se valoriser, à travers leurs actions et ce qu’elles sont capables de réaliser par elles-mêmes, sans le regard de l’autre. Qu’elles renouent avec leur créativité, que ce soit artistique, dans l’écriture, dans la danse, dans le théâtre… Des choses qu’elles peuvent faire par elles-mêmes pour qu’elles se rendent compte que c’est gratifiant et valorisant. Le sport est aussi une bonne chose, car il fait ressortir les émotions enfouies et qui ne sortent pas”, explique-t-elle.

Souvent, ce qui se passe avec la fierté, en regard de notre société, c’est qu’on garde le négatif pour soi sans jamais l’extérioriser. Pourtant, il faut travailler sur ce côté: ‘je ne fais qu’un avec mes émotions'”.


détaille-t-elle. Ce travail sur soi, Élisa l’a effectué, bouleversant littéralement ses habitudes de vie, où l’amour était roi. “Aujourd’hui, je ne pense plus être dans cette addiction. Si maintenant, je ne suis plus avec la personne avec qui je sors, j’aurai besoin d’être seule, explique-t-elle. Le déclic qui m’a fait prendre conscience que je n’avais pas besoin de quelqu’un pour exister, c’est lorsqu’une ex m’a brisé le coeur et que j’ai trouvé un autre sens à mon existence: je me suis découvert une passion pour la coiffure. J’avais jusque-là un but: aimer. Mais après ça, j’ai trouvé autre chose, par moi-même. Et je n’avais jamais connu ça”, avoue-t-elle. En faisant face à ses émotions, Élisa a su se concentrer sur elle et sur ce qui lui apporte du bonheur, sans l’aide de quiconque. “Accepte d’embrasser ses émotions n’est pas simple, mais il faut faire le pas, conseille Shana Lyès. Je parle aussi d’écriture intuitive où j’écris une lettre à cette personne-là qui m’a fait tant de mal et pourquoi je veux m’en défaire. J’arrive à faire le lien entre le fait qu’il y a moi, le couple et l’autre. C’est ça qui est important: voir que l’on peut vivre sans l’autre”, détaille-t-elle. Juliette a conscience de ce besoin d’indépendance et d’émancipation vis-à-vis de l’autre et de l’amour, mais elle n’y arrive pas. “Je sais que mon corps ne supporte plus toutes les émotions montantes et descendantes que me procurent cette relation. Je sais aussi que je fais du mal à mon petit frère, qui me regarde, impuissante, retomber à chaque fois. Il est la seule force que je vais pouvoir trouver pour m’en sortir une bonne fois pour toute...”, conclut-elle.

Le coeur est fort et finit TOUJOURS par se relever


Jamais l’amour ne devrait dicter une vie. Pas de cette façon-là qui fait souffrir et qui détruit. Pas de cette manière qui bousille un coeur et le réduit en mille et une miettes. “L’amour, je le dis toujours, ça doit être la cerise sur la gâteau: c’est un plus qui te booste, mais si tu ne l’as pas, tu es quand même bien dans ta peau. Ce n’est pas ce qui décide du bonheur. Il faut être bien dans sa peau avant d’aller vers l’autre”, explique Shana Lyès. Léa a lutté contre elle-même durant des années avant d’accepter que l’amour soit, en effet, cette cherry on the cake. “J’ai toujours, depuis mes 16 ans, été en couple car je cherchais cet amour, cette affection et j’avais cette image de l’amour avec un grand A qu’il fallait trouver à tout prix. Alors que l’amour, il n’est pas uniquement dans le couple, en réalité. Il faut apprendre à s’aimer soi-même”, exprime-t-elle.

La plus belle des drogues, c’est l’amour, mais la plus belle, c’est aussi et surtout l’amour que tu peux avoir pour toi. Là tu gagnes tout, sans tomber dans le narcissisme évidemment. Mais on devrait tous être accro à l’amour pour soi.”


conseille-t-elle, tout en expliquant qu’elle a décroché de l’amour avec un grand A. “J’ai compris que je devais reconquérir d’abord mon propre coeur à moi. À certains moments, il faut savoir accepter d’être seule et oser arracher le sparadrap. Je suis en voie d’être indépendante de ce côté-là”, confie-t-elle avec émotion. À toutes ces personnes qui souffrent de l’addiction à l’amour, Shana Lyès rappelle que “le coeur est fort et il y a toujours un moment donné où il se relève et parvient à aimer quelqu’un d’autre; peut-être avec moins de papillons, peut-être avec moins de complicité, mais avec une compréhension mutuelle, où la passion fulgurante n’est plus le but recherché”.

 

* témoignages anonymes, noms d’emprunt.



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