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““Je n’ai pas le temps””: le surmenage est-il synonyme de succès?

Manon de Meersman

Notre génération semble penser que le fait d’être “occupé” en permanence fait de nous quelqu’un d’important. Les semaines sans fin, les heures supp’, c’est même plutôt bien vu. Mais, comment se libérer de ce besoin de toujours vouloir faire plus?


Selon le psychologue Thjis Launspach, “il y a plusieurs façons d’expliquer ce besoin d’être constamment occupé. Nos vies n’ont jamais été aussi remplies qu’à notre époque. Nous travaillons plus, notre job occupe la majeure partie de nos pensées. Et, durant notre temps libre, nous cherchons aussi à être occupés. Un tas d’activités s’offrent à nous et, le but, c’est d’en tester un maximum en un minimum de temps”.

#surmenée


Dans notre tête aussi, c’est la pagaille. Nos amis anglo-saxons parlent du phénomène de FOMO (Fear Of Missing Out, la peur de manquer quelque chose). Et nous sommes obsédés par la quête du bonheur absolu. C’est ce que le psychiatre Dirk De Wachter explique : “Nous vivons dans l’illusion que chaque journée doit être emplie de bonheur et, dès que quelque chose va de travers, on a tendance à croire qu’on a raté notre vie. À côté de ça, nous devons faire face aux évolutions technologiques.

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Nous sommes toujours connectés, on reçoit des messages et des mails non-stop. On a le sentiment de devoir toujours être joignables, de devoir penser à notre boulot constamment. Et, comme si ce n’était déjà pas assez, il faut aussi qu’on prenne le temps de s’afficher sur des plateformes comme LinkedIn ou Instagram. On trouve ça cool de dire “qu’on n’a pas le temps”. Ça prouve qu’on a de la valeur, des responsabilités. C’est assez paradoxal car, quand on dit qu’on n’a pas le temps, ça signifie en fait qu’on a trop de travail, qu’on n’en voit pas le bout. Et ça n’a rien de positif! Tony Crabbe, psychologue du travail, ajoute:

Être surmené n’a rien d’admirable et, pourtant, on aime dire qu’on est accablés par le travail, comme si ça nous rendait important aux yeux des autres.”

Accro aux occupations


Et parfois, c’est tellement chouette de pouvoir passer d’une activité à une autre, non? Et ça, c’est lié au “circuit de la récompense” de votre cerveau. “À chaque fois que vous regardez un mail ou lisez un message qui apparaît sur votre téléphone, vous libérez une petite quantité de dopamine: l’une

des substances chimiques qui sert de neurotransmetteur dans le cerveau et qui est aussi appelée la molécule du plaisir. Dès que vous réalisez une tâche, vous vous sentez bien pendant quelques secondes. C’est très court. Et, pour retrouver cette sensation, vous avez envie d’accomplir une autre tâche. C’est un cycle sans fin”.

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On peut faire un parallèle avec le rêve américain: avant, c’était la classe sociale qui déterminait, ou limitait, vos possibilités de carrière dans la vie. Aujourd’hui, on a l’impression que tout le monde peut atteindre le top à partir du moment où il fait preuve d’assez de dévouement et travaille assez dur. C’est un mythe qu’entretiennent de nombreux entrepreneurs qui ont réussi en partant de nulle part. On pense, par exemple, à Gary Vaynerchuk, star de YouTube et millionnaire, qui écrit:

Chaque minute de votre vie compte, si vous voulez atteindre vos objectifs. La clé, c’est le

sacrifice. Il faut pouvoir mettre de côté nos moments de plaisir si l’on veut réussir à long terme.”


Mouais... Ou le patron de Tesla, Elon Musk, qui dit que “personne n’a jamais changé le monde

en travaillant 40 heures par semaine.” Pour augmenter ses chances de réussir, il faudrait faire comme lui et travailler entre 80 et 100 heures par semaine. C’est ce genre de dicton qui nous fait penser que, dire haut et fort qu’on est “super occupé” est synonyme de réussite.

Nouvelle culture du travail


“Pour le dire clairement, avant, on allait travailler dans le but de gagner de l’argent. Aujourd’hui, on cherche un job qui a du sens, qui nous permet d’éprouver de la satisfaction, d’avoir un impact sur le monde. Avant, un patron devait motiver ses employés pour qu’ils travaillent davantage, aujourd’hui, les directeurs d’entreprise calment parfois les ardeurs de leur personnel qui a la fâcheuse tendance à vouloir se noyer dans le travail. On pense qu’on a été envoyé sur Terre pour travailler. Et, si le travail est bien fait, on gagne en confiance en soi”.

Selon les chiffres d’une étude d’une banque américaine, l’année dernière, 64 % des millenials affirmaient mener plusieurs carrières de front. En Belgique, le nombre de personnes qui cumulent plusieurs jobs est en hausse. Leur motivation est avant tout financière. Les jeunes expliquent avoir du mal à joindre les deux bouts, être incapables de s’acheter un bien immobilier avec un seul salaire et avouent ne pas toujours trouver un boulot à temps plein. Mais, c’est aussi dû au fait, qu’on est animés par ce besoin d’occuper son temps à tout prix en mettant en place des choses qui ont du sens.”

 

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