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Tempête - Getty
Tempête - Getty

Eunice, Franklin, pourquoi donne-t-on des noms aux tempêtes et pas aux tsunamis?

La rédaction

Alors qu’Eunice s’endort et que Franklin continue de faire des dégâts, on s’est interrogées sur les noms donnés aux tempêtes. Pourquoi les autres catastrophes naturelles n’ont-elles pas de nom? Enquête.

L’année a commencé en fanfare avec des vents violents causant beaucoup de dégâts chez nous. La tempête Eunice avait été annoncée à l’avance, suivie de près par Franklin. Comment et pourquoi les noms des phénomènes météorologiques sont-ils choisis?

Cette nomenclature remonte aux années 50. Karla Wege, étudiante de l’Université de Berlin, aurait proposé de donner un nom aux dépressions et anticyclones qui traversent l’Europe pour communiquer avec le public. Tempête, ouragans, cyclones, etc reçoivent donc un prénom dès qu’ils se manifestent. À l’époque, l’Allemagne a établi une liste de noms choisis à l’avance pour les tempêtes futures. Pour davantage de communication entre les différents organismes météorologiques en Europe et avec le public, certaines règles ont été établies. Les noms des tempêtes commencent par une lettre de l’alphabet déterminée par leur position au cours de l’année. La 1ère tempête de l’année portera un nom en “A”, la 2ème en “B” etc. On peut donc facilement conclure qu’Eunice est la 5ème et Franklin la 6ème.

Qui détermine ce nom? Une autre règle exige depuis quelques années que le pays où la dépression a atteint le code orange en premier choisisse son nom. En l’occurrence pour Eunice, ce sont les Britanniques, plus précisément le UK Met office. Autre détail qui a aussi son importance, jusqu’à il y a peu, on ne donnait que des prénoms de femme à ces phénomènes. Heureusement, certains esprits avisés ont réalisé que c’était peut-être un peu sexiste.

Pourquoi cette nomenclature?

Au-delà de la facilité de communication entre pays, nommer une dépression permet aussi de marquer les esprits. Ainsi que le rappelle la magazine Slate dans un article datant de 2016, “au niveau médiatique, les catastrophes naturelles qui ont été baptisées marquent plus l’imagination du public, ce qui permet d’augmenter les mouvements de solidarité à l’égard des zones affectées”. Et de préciser qu’en août de cette année-là, une tempête a fait 13 morts et provoqué 20.000 évacuations d’urgence en Louisiane. Pourtant, les médias ont tardé à en parler parce que la tempête n’avait pas été nommée.

Tous les phénomènes venteux doivent-ils prendre un prénom? Non, nous explique Pierre Gallet de l’IRM, seulement les plus importants: “on a décidé de donner des noms aux dépressions les plus importantes qui arrivent sur les territoires. Pas toutes donc, mais celles qui provoquent des vents forts sur une grande partie de l’Europe comme Eunice ou Franklin par exemple”. Et quand on lui demande si ces noms sont donnés pour sensibiliser les médias à en parler et à avertir la population, il nous répond que c’est probablement le cas mais que ce n’est pas la cause première. Et puis, dès qu’une tempête porte un nom, on sait qu’elle a un caractère dangereux et meurtrier, ce qui implique la mise en place de mesures d’urgence pour protéger les populations susceptibles d’être touchées.

Mais alors, pourquoi les tsunamis, les tremblements de terre ou les autres catastrophes ne prennent-ils pas de nom eux aussi? Puisqu’à nouveau, l’imaginaire collectif réagit davantage et plus rapidement quand c’est le cas? “Ce sont deux phénomènes tout à fait différents” continue Pierre Gallet. “Les tsunamis ne sont pas des phénomènes atmosphériques comme les tempêtes ou les ouragans. Ils sont causés par des tremblements de terre ou des glissements de terrain”. Autrement dit, ils arrivent à un moment précis dans le temps et disparaissent quasi aussitôt, alors qu’une tempête peut durer plusieurs jours et se déplacer.

Une question de temporalité? C’est une hypothèse plausible pour le professeur Eric Deleersnijder de l’UCL qui ajoute que “les tempêtes sont des phénomènes prévisibles au contraire des tsunamis. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont si dévastateurs: on ne peut souvent pas prévenir les populations du danger imminent. On a désigné des régions à risque mais il est encore impossible de prédire le moment et la magnitude de ce phénomène”.

Un exemple frappant? Le tsunami de Fukushima. “La vitesse de propagation d’un tsunami dans l’Océan est de plus ou moins 700km/h. En 2011, quand le tsunami a touché la centrale de Fukushima, les Japonais ont à peine eu le temps d’évacuer en raison de cette vitesse. Par contre, sa traversée du Pacifique qui a causé des répercussions sur l’Amérique du Sud a pris plusieurs heures. Ce mouvement, on a pu le prévoir. Mais ce n’est pas pour autant que le tsunami a été nommé”. Dans la mémoire collective, il restera le tsunami de Fukushima pour la ville de la centrale nucléaire, pas le tsunami Alberto, parce qu’il était le 1er de l’année. Autrement dit, c’est comme ça, un point c’est tout.

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