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© (c) AlexandraBertels/Plan

Témoignage: ““J’ai été victime d’excision””

Justine Rossius
Ce mercredi 6 février a lieu la journée internationale du refus de l’excision, une violation du droit de la femme qui fait encore des millions de victimes chaque année. Madina Bocoum en a été victime. Elle raconte.


 

Le témoignage a été receuilli par l’association Plan Belgique, qui lutte pour le droit des enfants en dénonçant notamment l’excision. Depuis 15 ans maintenant, Madina travaille pour cette association en tant que coordinatrice des projets de lutte contre l’excision au Mali. Un combat qu’elle est bien déterminée à gagner, car elle a elle-même vécu les conséquences physiques mais aussi psychiques de ces atrocités.

 

Une coutume qui allait de soi


Madina ne sait pas à quel âge elle fut elle-même excisée. Bien trop petite pour s’en souvenir. Et quelque chose dont elle n’a jamais pu parler à sa maman. Petite fille, elle a pourtant subi la pire forme de mutilation génitale qui soit: l’infibulation, c’est-à-dire l’ablation, sans anesthésie, du clitoris, des petites lèvres et de l’essentiel des grandes lèvres, puis la couture de ce qui subsiste de ces dernières.

Ma mère n’a jamais voulu me faire de mal. C’était quelque chose qui allait de soi, une coutume à laquelle toutes les filles devaient se plier et dont on ne parlait jamais.


Fait assez exceptionnel pour l’époque, le père de Madina a scolarisé non seulement les fils de la famille mais aussi ses filles. Madina, l’aînée des filles, était consciente de la responsabilité qui pesait sur ses épaules.En travaillant bien à l’école, elle préparerait le terrain pour les autres filles de la famille et ouvrirait la voie de leur scolarisation.

Et puis, à l’école secondaire, elle eut ses premières règles.

C’est alors que je me suis rendue compte à quel point il était effroyable d’être excisée. Chaque mois,  la douleur était si insupportable que je manquais l’école pendant plusieurs jours. Mais j’ai tenu bon, et j’ai pu terminer ma scolarité.


Le jour de son mariage, une femme est venue “opérer” Madina, pour la “rouvrir”, au sens littéral, afin qu’elle puisse avoir des relations sexuelles avec son mari. Cette opération fut elle aussi extrêmement douloureuse. Sa mère était fière de sa fille, arrivée vierge au mariage, en ayant gardé son honneur. Madina, elle, n’éprouvait aucune fierté; elle se sentait misérable:

Je n’ai pas oublié ce que j’ai ressenti. Je l’ai accepté, il n’y avait pas d’autre option. Mais j’étais résolue à combattre cela et à aider un maximum de filles pour qu’elles ne doivent jamais vivre ce que j’ai vécu.


 

Une jeune fille de bonne famille


Quand Madina a commencé à travailler sur ce projet chez Plan, elle n’a pas osé en parler à sa mère pendant six mois. Elle savait que sa famille le prendrait mal. L’excision des fillettes est en effet une coutume profondément enracinée, une tradition. Cela ne se remet pas en question facilement.

Quand la télévision malienne a diffusé une interview de Madina à propos de son travail, sa mère a exprimé colère et déception:

Comment peux-tu, toi, une jeune fille de bonne famille, parler d’une telle chose? Et à la télévision, en plus! Comment as-tu pu faire ça à notre famille? Ma mère n’en mangeait plus et m’implorait désespérément d’arrêter ce travail avec Plan.


 

“Si vous voulez enlever un arbre, commencez par arracher ses racines”


Madfina a poursuivi dans sa voie, bien consciente que l’excision est une coutume plus fortement ancrée dans la société que n’importe quelle autre tradition. Elle est antérieure à toutes les religions. Et y mettre fin n’est pas une mince affaire.

Pour y parvenir, Madina, ses collègues de Plan Mali et leurs parenaires locaux vont de village en village pour informer les gens et les convaincre de ne pas faire exciser leurs filles. Ensemble, ils expliquent aux femmes et aux filles les dangers que ces mutilations représentent pour la santé: la souffrance lors des accouchements, les complications qui peuvent survenir.

Un à un, nous démontons les préjugés et les superstitions, comme la croyance qu’une femme non excisée n’aura pas d’enfants ou qu’elle risque de rendre l’homme impuissant, par exemple.


Et, bien que les hommes estiment que c’est “une affaire de femmes”, Madina remarque qu’après un certain temps, ils viennent eux aussi, timidement, l’écouter. Parallèlement, elle constate de manière générale que beaucoup de femmes prennent de l’assurance, qu’elles parlent plus de leurs sentiments et expriment plus leur opinion dès lors que ce sujet tabou est discuté ouvertement.

Le rôle des exciseuses


Un facteur à ne pas sous-estimer, et une étape cruciale dans le travail de Madina, est l’implication des femmes qui pratiquent ces excisions.

Ces femmes remplissent une fonction sociale importante, elles jouissent d’une grande considération. Au départ, elles sont évidemment récalcitrantes à l’égard du travail de Plan, mais certaines finissent par être convaincues. Elles endossent alors un nouveau rôle, celui de témoin repenti.


 

Découvrez la suite du témoignage de Manida en cliquant ici.

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Le président gambien interdit l’excision dans son pays.

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