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© Getty Images

Témoignage: Soumia a été ménopausée à l’âge de 21 ans

Barbara Wesoly

Une grande maison, un jardin, un labrador et plein d’enfants… Comme beaucoup de jeunes filles, Soumia, 25 ans, s’y voyait déjà. Jusqu’à ce que tout s’écroule et qu’on lui annonce à l’âge de 21 ans, qu’elle souffrait d’une ménopause précoce.


“J’ai eu mes règles pour la première fois vers 12 ans. Mon cycle a toujours été très normal et régulier. Jusqu’à l’âge de 19 ans, je n’avais jamais eu la moindre inquiétude à propos de mes règles. Puis, sans raison, elles ont soudainement commencé à devenir très irrégulières. Le médecin m’a prescrit la pilule qui, à ­première vue, semblait la solution idéale. Mes règles sont redevenues ­régulières. Mais prendre la pilule avait aussi ses désavantages. Mon humeur en a pris un coup. Moi qui suis de nature enjouée et enthousiaste, je suis devenue aigrie. Comme si j’étais constamment en colère. J’avais des sautes d’humeur et je ne me sentais vraiment pas bien dans mes baskets. C’est pourquoi j’ai décidé, vers 20 ans, d’arrêter de prendre la ­pilule. Et ­immédiatement mes règles sont ­redevenues très irrégulières. Ma mère a commencé à s’inquiéter et m’a ­emmenée chez le gynécologue. Elle a vu ces symptômes comme quelque chose de réellement anormal, alors que moi, je pensais qu’un cycle irrégulier était dans ma nature, que les sautes d’humeur ­faisaient partie de ma personnalité.

Un diagnostic difficile


Le gynécologue m’a fait une prise de sang ainsi qu’une échographie. J’ai ­ensuite dû attendre quelques jours avant d’avoir les résultats. Comme ma mère avait été ménopausée à 30 ans, elle a ­directement envisagé une ménopause précoce. Et sa crainte a malheureusement été confirmée. Lorsque j’ai appelé pour avoir mes résultats quelques jours plus tard, on m’a demandé de passer au cabinet. Nous avons appris la terrible nouvelle.

Je n’avais que 21 ans, mais le verdict était sans appel, j’étais ­ménopausée. À cet instant, le sol s’est dérobé sous mes pieds. Et ­immédiatement, j’ai compris que je ne pourrais ­jamais avoir d’enfant. Cette nouvelle est tombée comme une bombe.


J’étais ­littéralement en état de choc. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas voulu ­subir d’autres examens dans la foulée. J’avais besoin de me retrouver. Mon ­cycle est devenu de plus en plus ­irrégulier et la période de règles était de plus en plus courte d’un mois à l’autre, avant de finalement disparaître. J’ai eu mes règles encore 3 ou 4 fois après cela. En parallèle, dans le cadre de mes études, j’ai dû faire un stage dans une maison de retraite qui propose aussides soins à domicile. Je travaillais en ­binôme avec mon collègue Youri. Dès notre première visite à domicile à deux, ça a matché entre nous. Nous pouvions discuter pendant des heures et je dois admettre qu’en sa compagnie, les pauses déjeuner étaient très agréables. Youri était employé, plus âgé que moi et ne se voyait pas du tout commencer une relation avec une stagiaire. Nous avons gardé nos sentiments respectifs bien ­cachés au fond de nous. Mais un mois après la fin de mon stage, nous avons repris contact.

Confession intime


J’ai rapidement dit à Youri que j’étais déjà ménopausée et qu’il n’y avait pas de traitement possible pour arranger ça. Ça a été très difficile pour moi de le lui ­annoncer. J’avais peur qu’il me quitte en ­apprenant que je ne pourrais ­jamais lui donner d’enfants. Mais il a été adorable, il m’a ­soutenue et m’a acceptée dès la ­première seconde. Mais cela ne signifie pas qu’il n’était pas triste à l’idée de ne jamais être père. J’ai donc commencé à me renseigner sur les options qui ­s’offraient à nous. Nous sommes allés à l’hôpital universitaire, où j’ai subi un nombre incalculable d’examens ­médicaux, de prises de sang, d’examens de la glande thyroïde. Malheureusement, rien n’y faisait, j’avais bel et bien hérité de la ménopause précoce de ma mère. J’avais beau déjà le savoir, au fond de moi, je gardais un minuscule espoir qu’un petit miracle se produise. Nous avions bien compris le diagnostic initial mais, inconsciemment, nous ne ­l’acceptions pas.

Nous étions plein ­d’espoir à chaque consultation, et à chaque fois, nous ressortions dépités. C’était écrit noir sur blanc, il était ­quasiment impossible pour moi de ­tomber enceinte.


J’avais moins de 5 % de chances d’avoir une grossesse ­naturelle et seulement 10 % avec une ­fécondation in vitro. Cela m’a rendue très triste, car je mettais mes derniers espoirs dans la FIV. Étant donné que les traitements sont très lourds et ­contraignants et compte tenu de la très faible chance de succès, nous avons ­décidé avec mon compagnon de ne pas essayer. Aujourd’hui, nous essayons d’accepter le fait que nous ne fonderons probablement jamais de famille.

Pourquoi elles et pas moi ?


Un jour, j’arrive à accepter mon destin, mais le lendemain, lorsque je suis confrontée à de jeunes enfants ou à des bébés, je dois me retenir pour ne pas me rendre à l’hôpital et dire : commençons le traitement de fertilité. Youri et moi sommes tous les deux des enfants uniques. Il est donc aussi très difficile pour nos parents de se faire à l’idée qu’ils n’auront jamais de petits-enfants. Depuis peu, une de mes meilleures amies est enceinte. Et même si je lui souhaite ce bonheur de tout mon cœur, je me suis mise à pleurer en apprenant la nouvelle.

Je ne peux pas m’empêcher de me poser la question: ‘Pourquoi ont-elles droit à ce bonheur et pas moi ?’


Heureusement, Youri et moi, nous nous soutenons mutuellement. Je vais aussi voir régulièrement un psychologue ­spécialisé dans l’infertilité et j’ai quelques contacts avec d’autres jeunes femmes dans le même cas que moi. Elles me font beaucoup de bien. Quand je pense à l’avenir, je continue d’espérer au plus profond de moi ­pouvoir vivre un jour une grossesse, même si je sais que c’est impossible. Avec Youri, nous ­parlons parfois ­d’adoption. Mais nous ne sommes pas encore prêts pour cela. Parfois, j’essaie de me convaincre que nous pourrions être très heureux à nous deux, avec notre chien et sans enfants. Nous ­verrons bien ce que l’avenir nous ­apportera.”

En quoi consiste la ménopause précoce ?


Il s’agit de l’arrêt définitif des règles avant l’âge habituel (situé dans la ­cinquantaine), qui surviendrait chez environ 1 % des femmes entre 40 et 45 ans, et 0,1 % des moins de 30 ans (d’après doctissimo.fr). Dr Marrou L’Khattabi, ­spécialiste de la ménopause à l’UZ à Gand “Chaque femme naît avec un nombre fixe d’ovocytes, qui mûrissent tous les mois et produisent des ­œstrogènes. Une fois que cette réserve est ­épuisée, la femme est ménopausée. Dans des circonstances normales, en Belgique une femme entame sa ­ménopause vers 52 ans. Mais dans certaines cas, une ­ménopause ­précoce peut survenir chez des femmes plus jeunes: ­lorsqu’on a hérité du gène ­prédisposant, après un ­traitement contre le cancer ou une ­intervention sur les ­organes repro­ducteurs. La ­ménopause précoce se produit ­souvent vers 40 ans. Il est ­possible, mais rare, que ce ­phénomène arrive avant 30 ans.”

L’importance du suivi

“Lorsqu’une femme est ménopausée (précocement ou pas), il est ­important d’avoir un bon suivi. Car le manque d’œstrogènes comporte un certain nombre de conséquences. Vous êtes alors plus sujette à ­l’ostéoporose, à des problèmes de cœur ou de ­vaisseaux sanguins, à un taux de ­cholestérol élevé, au ­vieillissement de la peau ou encore à des problèmes de mémoire. Vous pouvez souffrir de sautes d’humeur. Les femmes ­ménopausées souffrent aussi de ­sécheresse vaginale pouvant ­entraîner des ­douleurs lors des ­rapports sexuels.” Des conséquences qui peuvent ­heureusement être ­atténuées par un traitement adéquat.

Texte : Jill de Bont et Amandine de Harlez.


 

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