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Témoignage: ““Je suis en phase terminale””

Barbara Wesoly

Il y a six mois, Jeanne, 26 ans, a été diagnostiquée d’une tumeur maligne dans l’utérus. Une forme agressive de cancer, dont elle ne guérira pas. Et pourtant, Jeanne veut rester positive et profiter pleinement de chaque jour qu’il lui reste.


“J’avais 26 ans, je profitais de ma vie de célibataire, avec mes amis et ma famille et j’adorais mon boulot d’infirmière. La vie me souriait, jusqu’à ce que le destin me frappe de plein fouet et qu’on me diagnostique une forme très agressive de cancer. J’ai toujours eu un lien très fort avec mes parents et mon frère, Quentin. Je vis encore à la maison et je passe la plupart de mon temps libre en famille. À l’époque, je sortais parfois avec des amis. Mais depuis le début de l’année dernière, je refusais de plus en plus des sorties entre potes, parce que je me sentais fatiguée. Une situation qui n’est pas normale pour une fille de 26 ans. Mais mon travail est assez exigeant et je dois être en pleine forme lorsque je m’y rends. C’est pourquoi j’ai rapidement cherché une explication à ma fatigue. J’avais des problèmes de thyroïde depuis l’enfance et je prenais des médicaments pour ça, mais à part ça, je n’avais jamais eu de problèmes de santé, et je tombais rarement malade.

Quand la fatigue persiste


À l’époque, j’étais déjà célibataire depuis un petit moment, mais ça ne m’empêchait pas d’être très heureuse dans la vie. Seul mon poids me rendait parfois malheureuse. Fin 2016, j’ai donc décidé d’adopter un mode de vie plus sain. J’ai commencé à faire du fitness deux fois par semaine, je me suis inscrite à des cours de Zumba et je me suis mise au régime. En seulement six mois, j’ai perdu 27 kilos: je suis passée de 91 à 64 kilos. Je ne me suis jamais dit que cette perte de poids avait été trop rapide. Je n’y ai vu aucun mal: je profitais de ma nouvelle silhouette, sans me poser de questions. Mais la fatigue continuait à me jouer des tours. J’ai donc pris rendez-vous chez un médecin en juin dernier et je lui ai demandé un test sanguin. Tout semblait en ordre. Même ma glande thyroïde ne montrait aucune valeur anormale. Peu de temps après, j’ai commencé à souffrir de saignements entre mes règles. Mais je venais de me remettre en couple et j’avais recommencé à prendre la pilule, donc je ne me suis pas inquiétée outre mesure.

Peu importe à quel point je me reposais ou je dormais, la fatigue continuait à me terrasser. Je suis donc retournée chez le docteur un mois plus tard. Encore une fois, les résultats n’ont rien révélé d’anormal.


Alors, j’ai continué ma vie, en me forçant à faire du sport et à travailler. Jusqu’à ce que je ressente une douleur intense dans l’aine et dans le bas du dos, à la fin d’octobre de l’année dernière. Même mes jambes ne me répondaient plus. Pour pouvoir assurer au boulot, j’ai pris un antidouleur et j’en ai repris un le soir. Mes glandes étaient super enflées et je ne pouvais plus dormir sur le ventre à cause de la douleur. Le 1er novembre, j’ai commencé à avoir de la fièvre. Pour ma maman, c’en était trop. Elle m’a emmenée chez le médecin de garde, qui m’a simplement diagnostiqué une infection de la vessie et qui nous a renvoyées à la maison avec des antibiotiques.

“Ça y est, j’ai un cancer”


J’ai pris mes médicaments pendant deux jours mais la fièvre n’est pas tombée. En tant qu’infirmière, je savais pertinemment que ce n’était pas normal, et je suis donc retournée chez le médecin. Lui non plus n’était pas à l’aise avec mon cas; il m’a envoyée illico aux urgences. Une fois encore, j’ai fait état des maux desquels je me plaignais depuis des mois. Le médecin qui m’a reçue a alors décidé de m’envoyer réaliser un examen gynécologique approfondi. Et tout est enfin apparu clairement. Il y a avait, dans mon utérus, une tumeur de 5 centimètres de long et d’une forme étrange. Elle se mettait à saigner au moindre contact. Le gynécologue n’a fait aucune déclaration inquiétante à ce moment-là, mais je me suis moi-même souvenue de ce que j’avais appris dans mes cours… Quand ma mère est rentrée dans la pièce, je lui ai dit: ‘Ça y est, j’ai un cancer’. On m’a directement référée à un oncologue, qui a fait réaliser une biopsie et une échographie.

Un tourbillon d’émotions


De retour chez l’oncologue, j’ai été submergée par un immense chagrin. Je n’ai pas pu m’arrêter de pleurer et les pensées les plus sombres m’ont traversé l’esprit. Maman et papa ont essayé de me calmer, en me conseillant d’attendre de voir ce qu’en dirait le médecin. Mais pour moi, la sentence était tombée. Aucun de nous ne savait comment faire face à la situation, alors nous sommes allés discuter avec notre médecin de famille le soir-même… qui a tout de suite été très honnête: il ne ‘le sentait pas’. Le lendemain, je faisais ma première IRM, le jour d’après, je passais sous le scanner. Tout est allé très vite; d’un seul coup, je me suis retrouvée dans un tourbillon d’émotions.

Après le scanner, j’étais directement attendue chez l’oncologue, qui n’a plus pris de gants. ‘Je n’ai pas de bonne nouvelle, a-t-il dit. Nous avons trouvé une tumeur constituée de cellules très malignes. Des cellules qui ont beaucoup de chance de se diviser et de se propager rapidement dans votre corps.’


Il y avait même des métastases dans ma cavité abdominale et sur toute la surface de mes glandes. Cette nouvelle m’a frappée avec la même intensité qu’un coup de poing au visage. J’ai fondu en larmes, et pendant un moment, c’est comme si la lumière s’était échappée de moi…

Opérer ne sert à rien


Pour maman et papa, cette nouvelle a aussi fait l’effet d’une gifle. Seul mon frère Quentin a réussi à rester calme et lucide, et à poser encore quelques questions pertinentes au médecin. Il lui a demandé quel pronostic il suggérait et à quelle stade du cancer j’étais. Mais nous n’avons pas obtenu de réponses concrètes. J’ai d’abord dû passer un PET scan et puis, j’ai pu rentrer à la maison pour le week-end. Le lundi matin, j’étais de retour à l’hôpital, pour que l’on me mette un port-à-cath, afin d’administrer la chimiothérapie. Le même jour, j’ai reçu les résultats du PET scan. Ils étaient clairs… À côté de la cavité abdominale et des glandes, il y avait aussi trois tâches avec des métastases sur mon foie. L’opération pour enlever la tumeur et le traitement par rayons étaient soudain exclus, car ils ne serviraient à rien.  Le lendemain, j’ai commencé mon premier traitement pour le cancer et j’ai subi une chimiothérapie trois jours de suite. Dès la première chimiothérapie, j’ai été malade et prise de nausée. Quelques jours plus tard, j’ai commencé à perdre mes longs cheveux blonds. Ils tombaient par grosses mèches… C’était un sentiment horrible! Mais je ne voulais pas me laisser abattre. À partir de maintenant, je devais me battre pour ma vie.  Dès le lendemain, je me suis rendue chez le coiffeur avec toute ma famille. Il a rasé mes cheveux et j’ai choisi ma première perruque.

Je ne veux pas de pitié


Depuis ce jour, je porte toujours ma perruque. J’ai aussi plusieurs foulards, mais je préfère ne pas les porter à l’extérieur. Quand je sors avec, les gens me regardent avec pitié et je préfère éviter ces regards. Peu de gens me croient quand je leur dis que je ne me sens pas mal ou triste. Et pourtant, c’est le cas.

Même si mes perspectives d’avenir ne sont pas roses, j’essaye de rester aussi optimiste que possible dans la vie. Et j’y parviens grâce au soutien immense de ma famille et de mes proches. Les deux semaines qui ont suivi ma première chimiothérapie, je me suis à nouveau sentie mieux. J’ai pu passer du bon temps en famille. Puisque je n’étais pas autorisée à quitter la maison, nous avons réussi à passer le temps en jouant aux cartes ou en faisant d’autres choses aussi simples que ça. Je suis restée très forte pendant les premières semaines de mon traitement.

Malgré toutes les métastases, je pensais encore pouvoir guérir d’une manière ou d’une autre. Je devais simplement continuer à me battre très fort. Aucun médecin ou infirmière ne m’avait encore appris que j’étais en phase terminale.


Mais un jour, au début de ma deuxième chimiothérapie, je l’ai appris en parlant à cœur ouvert avec un infirmier.  Je lui ai demandé comment je pouvais encore guérir d’un cancer aussi agressif, avec autant de métastases. L’infirmier m’a alors expliqué comment il voyait la situation. Directement après, un médecin est arrivé. S’en est suivi l’une des conversations les plus profondes de ma vie.

Ne plus pouvoir guérir


Le médecin m’a dit très honnêtement que je souffrais d’une forme très rare de cancer du poumon, particulièrement agressive et qui s’était installé dans l’utérus. Il a ajouté qu’il ferait tout pour garder la maladie aussi stable que possible, tout en ajoutant immédiatement qu’elle ne pourrait jamais être guérie. Tôt ou tard, le cancer commencerait à se proliférer dans mon corps. Dans les trois mois? Dans les trois ans? Ils ne le savaient pas, mais si cela arrivait après cinq ans, ça tiendrait du miracle. Directement, le médecin m’a demandé si j’avais déjà pensé aux soins palliatifs. Cette phrase m’a tellement fait de mal que j’ai demandé au médecin de continuer cette conversation avec mes parents. L’infirmier leur a téléphoné et ils sont directement venus à l’hôpital avec mon frère. La nouvelle a également été dure à avaler de leur côté. . C’était une prise de conscience insupportable pour eux. Ce jour-là, nous avons beaucoup pleuré ensemble. Pour la première fois, j’ai vu mon monde s’effondrer complètement. Comment allais-je surmonter ça?

Profiter de chaque moment


J’ai traversé l’enfer pendant deux jours. Mais après une première rencontre avec le personnel des soins palliatifs et une bonne conversation avec mon frère, je suis parvenue à me reprendre. Peu importe la noirceur des nouvelles, me morfondre n’allait m’aider en rien. J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai décidé de profiter autant que possible de la période de Noël qui arrivait. Les jours où je me sentais bien, j’allais faire du shopping et boire des verres avec mes copines ou ma famille.  J’étais encore là et mes proches voulaient profiter de chaque petit moment passé avec moi. Cette attitude positive m’a aussi donné la force de rester heureuse. Aujourd’hui, chaque fois que je subis une chimiothérapie, je me sens extrêmement mal la première semaine. Mais maintenant, je le sais, je m’y suis résignée. À partir de la deuxième semaine, je me réveille à nouveau de bonne humeur le matin. Je me rends ensuite dans la salle de bains et je me prépare pour un autre jour. Me laver et m’habiller me prend beaucoup plus de temps qu’avant. Je ressens vraiment le manque d’énergie. J’y arrive lentement, mais sûrement.

Un partenaire spécial


Chaque voyage, activité ou simple événement d’une journée ordinaire veut aujourd’hui dire deux fois plus à mes yeux. Je les apprécie aussi doublement, grâce au soutien incommensurable de mes parents, de mon frère et des mes amis et grâce au lien spécial qui m’unit depuis peu avec mon parrain. Nous sommes devenus de vrais alliés. Il a été diagnostiqué d’un cancer de la prostate métastatique il y a plusieurs années, il a subi plusieurs chimiothérapies, et suit maintenant un traitement de prolongation de vie. Lorsque mon parrain a appris que j’étais en phase terminale d’un cancer, il a trouvé ça encore pire que pour lui-même. Et c’est un sentiment que je comprends.

Si je ne suis plus là demain, je ne m’en rendrais même  pas compte. Mais mon entourage devra continuer sa vie avec le manque et le chagrin. Et je trouve que c’est le plus difficile. Mais quand je vois le courage et l’optimisme de mes parents, de mon frère, de ma famille et des mes amis, cela me donne la force de continuer à sourire.


Après la deuxième série de chimiothérapie, une première évaluation a suivi et on a appris que le traitement était concluant! Cela m’a aussi donné un coup de boost! Lors de la dernière évaluation, le médecin a même déclaré que le traitement était encore plus efficace que ce qu’il n’avait pensé.

Une bucketlist ultime


La tumeur, qui faisait 5 centimètres à la base, ne fait maintenant plus qu’un centimètre. Les taches sur le foie ne sont plus visibles. Bien sûr, le cancer est toujours là, et nous devons relativiser ces résultats, mais quand nous avons appris cette nouvelle, nous avons versé des larmes de bonheur pour la première fois. Je me rattache maintenant à chaque étincelle d’espoir et chaque résultat positif, je vis au jour le jour et je me lève tous les matins en étant curieuse de ce que cette nouvelle journée va m’apporter. Pour le nouvel an, mon parrain m’a offert le livre The Bucketlist, et nous avons décidé de dresser ensemble la liste des choses que nous voulons faire ensemble, ou seuls, pendant le temps qu’il nous reste à vivre. Par exemple, je voudrais encore sauter en parachute, faire un vol en hélicoptère et un tour en montgolfière.

Pour mon 27e anniversaire, le 9 juin prochain, je vais organiser un grand bal de princesse. Une façon pour moi de vivre le bonheur d’une fête de mariage, car je n’en vivrai jamais de mon vivant…


Et surtout, pour remercier tous mes proches, qui font tant pour moi. Ma famille et mes amis m’organisent aussi régulièrement des surprises. Par exemple, il y a quelques semaines, quand je suis sortie de chez moi, une limousine rose énorme m’attendait devant la porte. J’ai été amenée à la première de la comédie musicale La Belle au bois dormant, comme une vraie star, et j’ai même rencontré le casting. C’est une soirée que je ne suis pas prête d’oublier.

Continuer d’espérer


Vu que la chimiothérapie donnait des bons résultats, les médecins ont décidé de me faire des rayons. Au début, cela m’a donné plus d’énergie, mais j’ai aussi connu des moments plus difficiles. Je souffre parfois du fait que les médecins ne donnent pas de pronostics concrets. Je me sens triste, à certains moments, mais je n’ai jamais été en colère et je n’ai jamais blâmé personne pour ce qui m’arrivait. C’est la faute à pas de chance… Évidemment, j’ai peur de mourir, mais je prends conscience de cette possibilité. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de rencontrer le personnel des soins palliatifs. J’ai aussi déjà ouvertement discuté avec mes parents de la façon dont je veux que se passent mes funérailles. Mais quand je pense à tous les beaux projets que j’ai encore sur ma bucketlist et à toutes les surprises que ma famille et mes amis me réservent, je trouve toujours le moyen de continuer à être heureuse.  Je continue à croire de tout mon cœur à un miracle. C’est la seule façon pour moi de parvenir à faire des projets et à rester aussi positive que possible au jour le jour.”

Texte: Jill De Bont et Justine Rossius. Photos: Leen Van den Meutter.


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