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Témoignage: ““J’ai été harcelée sexuellement au travail””

Barbara Wesoly

Depuis l’affaire Harvey Weinstein, tous les yeux sont tournés vers les victimes, jusqu’ici trop souvent taxées de menteuses. Pourtant, il ne se passe pas un jour sans que des patrons usent de leur pouvoir pour abuser sexuellement leurs employé(e)s. Cela a été le cas de Caroline,25 ans, harcelée par le chef du restaurant où elle travaillait.


“À l’âge de 16 ans, j’ai commencé à travailler dans un restaurant étoilé appartenant à ma famille. C’est là que j’ai découvert à quel point l’attitude de certains clients riches pouvait être déplacée. Une petite tape sur les fesses quand je passais entre les tables ou une remarque cochonne, l’air de rien... On aurait dit que sous prétexte qu’ils payaient une addition salée, ils pouvaient tout se permettre. Lorsque je me suis installée dans mon kot, j’ai cherché un restaurant dans les environs de l’université. Avec l’aide de ma famille, j’ai trouvé une place chez un chef que mes parents connaissaient. J’étais très reconnaissante qu’il soit d’accord de m’engager.  Lorsque j’ai signé, j’étais loin d’imaginer que ce chef avait une sale réputation. On disait de lui qu’il avait les mains baladeuses. Et pas qu’un peu. Comme il était beaucoup plus âgé que moi, je ne pensais qu’il se permettrait un jour de me faire des avances et de me harceler sexuellement.

Un voyeur


Le restaurant était assez petit. J’étais à la fois la seule étudiante, mais aussi l’unique fille parmi tout le personnel. D’emblée j’ai compris que mes collègues n’allaient pas se gêner pour en profiter. Dans les couloirs étroits du restaurant, au lieu de me laisser passer, ils se frottaient toujours à moi sous prétexte qu’il n’y avait pas assez de place pour deux. Il ne se passait pas une semaine sans que l’un d’eux me demande quand j’allais enfin porter un string sous mon pantalon noir. Mais tout ça ne m’empêchait pas de dormir. Leurs bêtises ne m’affectaient pas plus que ça. Quant au chef, s’il ne passait que très peu de temps derrière les fourneaux, il venait régulièrement nous voir. Chaque fois, sans que je puisse vraiment l’expliquer, je me sentais mal à l’aise.

Officiellement, il passait juste voir que tout se passait bien en cuisine et en salle. Au fond de moi, j’avais la sensation qu’il était avant tout là pour me mater. Jusqu’à ce qu’il passe vraiment à l’acte, mes angoisses ne reposaient sur rien de précis. Juste un pressentiment.

Regarder, mais pas toucher


Avant le service, je passais par le vestiaire situé au-dessus du restaurant pour me changer. Un jour, alors que je me déshabillais, j’ai entendu le chef monter. J’ai d’abord cru naïvement qu’il n’avait pas remarqué que je m’y trouvais. Je lui ai donc crié que j’étais en train de me changer. Évidemment, il a tout de même ouvert la porte. À ce moment précis, j’étais seins nus. En le regardant dans les yeux, je lui ai précisé que j’étais presque prête. Il n’a pas semblé m’écouter. Il avait autre chose en tête.

Avec un grand sourire, il s’est rapproché davantage de moi et a commencé à me toucher les seins en m’expliquant qu’il voulait se faire une idée de la marchandise. De mon côté, je ne savais que dire, ni que faire. Je n’ai pas osé me mettre en colère.


C’était pourtant l’unique moyen de lui faire comprendre que son attitude était complètement déplacée. Pour calmer le jeu, je lui ai dit qu’il pouvait très bien regarder sans forcément les toucher. Ma réponse ne l’a évidemment pas satisfait. Selon lui, il était nécessaire qu’il touche pour savoir si mes seins étaient mieux que ceux des serveuses qui m’avaient précédée. Sur cette phrase, il a quitté la pièce. Par égard pour ma famille qui s’était décarcassée pour me trouver ce job, j’ai préféré ne pas ébruiter l’affaire. J’ai juste fait en sorte de ne plus le croiser. Ou en tous cas le moins souvent possible. Peu de temps après l’incident du vestiaire le chef m’a expliqué où il habitait en ajoutant que si j’en avais envie, sa porte me serait toujours ouverte.

Étrange sentiment


Cette phrase, c’est la goutte qui a fait déborder le vase. J’ai donc rassemblé mon courage et je lui ai expliqué que j’avais un amoureux et que je n’étais donc pas du tout intéressée par sa proposition. Selon toute vraisemblance, mon refus ne lui a pas plu du tout. Le jour suivant, il m’annonçait qu’il n’avait plus besoin de moi au restaurant. J’avais perdu mon job. En tant qu’étudiante, une telle perte de revenu était évidemment une catastrophe, mais ce n’était rien face à la charge émotionnelle que le harcèlement de mon ex patron faisait peser sur moi. Au fond de moi, je savais que ce qu’il m’avait fait subir s’apparentait à de l’intimidation sexuelle et que ce genre d’attitude était punissable. Pourtant, je n’ai pas porté plainte. J’aurai eu besoin de cet d’argent, j’ai pourtant préféré mettre tout ça derrière moi pour de bon.”

Texte: Marijke Clabots, Jill De Bont et Marie Honnay.


 

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