Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
© Fausse couche - Getty

Camille, 30 ans, se livre sans tabou sur sa fausse couche

La rédaction


Comment se passe une fausse couche? Voilà une question à laquelle il est bien difficile de répondre. Car même si chaque histoire est différente, il semblerait que le sujet soit si tabou qu’on en ignore tout jusqu’à ce qu’il s’impose à nous. Camille, 30 ans, souhaite lever le voile sans fard en nous livrant son expérience.


Alors qu’elle est enceinte de 2 mois, elle réalise que quelque chose ne va pas. “J’ai eu quelques saignements. On m’avait dit que c’était possible donc je ne m’inquiétais pas outre mesure. Mais ça a duré au moins une semaine. Une amie m’a tout de même fait remarquer que je devais vérifier pour être sûre. J’ai donc appelé une gynécologue de garde qui m’a confirmé de ne pas m’inquiéter et d’avancer mon rendez-vous prévu quelques jours plus tard”. Mais lorsqu’elle appelle pour programmer le rendez-vous en avance, son interlocutrice s’inquiète et demande l’avis d’autres collègues qui finiront par conseiller à Camille de se rendre aux urgences.

 

À ce moment-là, j’ai paniqué. Cela faisait plusieurs jours que je me sentais vide. J’avais cette intuition que quelque chose n’allait pas”.

 

Un accompagnement mal informé et loin d’être bienveillant

À son arrivée à l’hôpital, Camille patiente 3h toute seule dans une salle. Épuisée, frigorifiée et dans l’attente de savoir ce qu’il se passe, elle confronte alors la même gynéco qui lui avait conseillé de ne pas venir. “Elle m’a engueulée d’être venue contre son avis. ‘Vous n’écoutez pas ce que je vous dis en fait’, a-t-elle lancé d’un air condescendant. J’étais choquée. Vu mon état sur le moment, je me suis mise à pleurer, je n’en pouvais plus. Elle n’arrêtait de me dire que si je voulais un accouchement physiologique (ce qui était mon choix), je devais me calmer, arrêter de stresser pour rien”. Mais quand la gynéco fait l’échographie, elle se calme à son tour et prétexte un problème de machine qui ne fonctionne pas toujours très bien. “J’ai tout de suite compris ce qu’il se passait. C’était devant mes yeux, il n’y avait pas d’embryon. On appelle ça un oeuf clair, c’est-à-dire que l’embryon ne s’est pas développé et qu’il y a juste le sac amniotique”. Alors que l’intuition de Camille se confirme, la gynécologue revient à la charge en lui demandant si elle est bien certaine d’avoir compté correctement les semaines d’aménorrhée.

“Je sais ce que sont les violences obstétricales et j’ai réalisé qu’en fait, j’étais en plein dedans. Toutes ces suppositions qu’elle faisait à mon égard m’ont fait ressentir beaucoup de culpabilité et de colère”.

Avec du recul, le pire, ce n’est pas la fausse couche, c’est la manière dont j’ai été traitée.

Mais le diagnostic est irrévocable et vient alors le temps des questionnements. Quelle est la suite? Comment les choses vont-elles se passer? Et là, c’est le flou, le constat de Camille est partagé par de nombreuses femmes: nous ne savons pas comment se déroule une fausse couche. Autant les phases de l’accouchement sont plus ou moins établies mais pas celles de la fausse couche.

Expulser le vide

« Il va falloir expulser » a prévenu la gynéco. À ce moment-là, deux choix se posent. Si dans les 3 jours Camille n’a pas expulsé le sac amniotique et l’endomètre, il faudra prendre des médicaments pour provoquer l’expulsion. “J’avais donc 48h pour que ça se passe naturellement. Je devais retourner à l’hôpital le samedi pour faire le point. On m’a dit que ça serait comme des douleurs de règles”. À partir de là, plusieurs heures après son arrivée aux urgences, Camille retrouve son compagnon qui l’attendait à quelques mètres de là. Vient alors le temps de lui apprendre la nouvelle, de la digérer et de se réconforter. En rentrant chez eux, Camille se glisse dans un bain et espère plus que tout pouvoir vivre ce moment de manière naturelle. “J’ai essayé de me connecter à mon corps, les mains sur le ventre, et de visualiser ce sac amniotique vide qui allait sortir de moi”.

24h plus tard, les sensations ont commencé à se manifester, comme pour le travail lors d’un accouchement. “J’avais extrêmement mal au dos, mal au ventre avec des crampes comme les règles. Je devais changer de culottes menstruelles toutes les quelques heures. Le lendemain, jour du rendez-vous de l’échographie, je me suis réveillée dans une mare de sang”. L’écho confirmera que le sac amniotique est bien parti. Mais il reste beaucoup d’endomètre et la question du curetage se pose. “Je suis tombée sur une gynécologue bienveillante qui ne m’a pas menti. Elle m’a prévenue que ça serait douloureux mais que je pouvais toujours l’expulser naturellement. J’avais une semaine avant un curetage éventuel et je priais de pouvoir le faire avant cela. Elle m’a tout de même mise en garde: si je remplis une serviette toutes les heures, c’est hémorragique, et là il faut aller aux urgences”.

Le jour suivant, Camille le sent au fond d’elle-même. La douleur se prépare et va être coriace.

Instinctivement, je me suis mise à 4 pattes, je me demandais vraiment ce que j’étais en train de faire. Je sentais que ça allait être difficile”.

“J’ai rampé du salon à la salle de bains. J’avais l’impression que quelque chose s’en allait de moi, que tout était ouvert. C’est difficile à expliquer mais je ne contrôlais plus rien, je devais lâcher prise. Pendant 1h30, j’ai eu des contractions non-stop, je devais changer de position constamment mais rien ne me soulageait. J’ai eu des moments où j’aurais voulu qu’on m’assomme pour que je puisse me reposer, je voulais juste que ça s’arrête”.

Rien de spectaculaire n’est sorti de mon corps. Je savais que j’allais expulser du sang et des caillots mais pas de fœtus”.

Mon partenaire se sentait impuissant, il ne savait pas quoi faire. Il était calme. Moi, je me disais que jamais je n’accoucherais. Tout sauf revivre ça. Après ce long moment, j’ai tenté de retourner dans mon lit. Je me suis massée le dos avec un vibromasseur.

Et là, la douleur est partie, comme elle était arrivée. D’un coup, c’était à nouveau le silence. J’ai pu m’endormir.

Camille savait que c’était terminé. Mais elle n’a pu en être sûre qu’avec l’aval médical, quand l’échographie a révélé que tout était parti. Elle a encore perdu un peu de sang pendant une semaine. Mais le plus dur était derrière elle.

La puissance du corps

Pendant une semaine, j’ai dû en parler tous les soirs avec mon compagnon tant c’était traumatisant. Je n’étais pas préparée à la fausse couche, à tout ce qui va avec elle. J’ai vécu un mini post-partum, à m’effondrer d’un coup, à pleurer pour rien. J’ai eu une chute d’hormones et le ventre gonflé pendant un moment”. Mais Camille retient néanmoins à quel point le corps humain est fascinant:

Durant toute cette expérience, j’ai été dans l’intuition, dans la puissance, en connexion avec mon corps”.

“Juste après, on m’a proposé une consultation avec une sage-femme pour pouvoir en discuter. J’avais dit oui, mais j’avais déjà digéré. J’aurais mille fois préféré avoir les informations en amont”. Car le constat de Camille est sans appel, quand elle traversait ce moment pleine de questions, elle n’avait pas de réponse jusqu’à trouver des témoignages sur le net. “Je ressens une colère de pas avoir su, il n’y avait d’informations nulles part sur la durée des saignements, sur la longueur du processus, sur l’ampleur de la douleur.

Je me suis sentie pleine d’empathie pour toutes celles qui vivent ça seules ou cachées. Ça arrive fréquemment et beaucoup de personnes le vivent plutôt seules qu’accompagnées.

 

Le tabou des 3 mois

C’est la règle tacite que bon nombre de personnes suivent: ne pas annoncer sa grossesse avant 3 mois “pour ne pas que ça porte malheur”. Pourtant, ainsi que nous le confie Camille, il est bon d’être entouré·e quand on vit une fausse couche et de recevoir le soutien de ses proches. Nous ne ne devrions pas vivre ça seul·e·s. “Maintenant, je peux comprendre qu’on n’ait pas envie de le dire quand on a vécu des fausses couches à répétition” ponctue toutefois Camille.

“Avec mon compagnon, on s’est fait la réflexion que quand on pense à avoir un bébé, on a tendance à croire que tout se fait tout seul et sans encombre mais ça tient plutôt du miracle de donner la vie” conclut Camille. Aujourd’hui, la jeune femme demande une information qualitative des professionnel·le·s de la santé, de la bienveillance et des pistes de solutions pour soulager le corps et l’esprit. Alors qu’elle et son compagnon laissent les choses venir naturellement en vue d’une future grossesse, Camille garde un grand point d’interrogation face à toutes les questions qu’elle et de nombreuses personnes ont dû se poser face à la fausse couche. Quand on sait qu’une grossesse sur quatre se termine de cette façon, est-ce seulement une option?

Lire aussi:

 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires