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© - RŽfugiŽs au Parc Maximilien- Vluchelingen in Maximilaanpark: 4/8/2017 pict. by Philip Reynaers Photo News

Des réfugiés bruxellois recherchent des figurants pour incarner leur calvaire

Kathleen Wuyard

Il y a eu la fuite, le déchirement de quitter un pays devenu trop dangereux pour y vivre, l’enfer de la traversée et la peur de ne jamais arriver à l’autre rive. Et puis les ricochets d’un pays d’Europe à l’autre, bienvenus nulle part, jusqu’à arriver en Belgique, rejoindre les rangs des laissés pour compte du Parc Maximilien. Une situation que les réfugiés appellent à dénoncer ce dimanche.


Lors du festival What’s up Brussels? qui aura lieu ce 7 octobre, un groupe de réfugiés appelle en effet les Bruxellois à réaliser une photo collective dénonçant leur situation inhumaine. L’occasion également pour eux de mettre en lumière le soutien remarquable dont ils ont pu bénéficier de la part de nombreux citoyens belges. Et pour les convaincre de les rejoindre sur le cliché, les réfugiés impliqués dans le projet ont rédigé une lettre ouverte puissante et émouvante.

Salut à toi,

 

Je viens du Soudan, du Liban, de Palestine, de Syrie, d’Erythrée, du Nigeria, de Tunisie, ...

 

Je vais te parler d’une facette sombre de la vérité, une parmi d’autres car il y a autant de vérités que d’humains. Mais je te jure qu’elle existe : je la vis, je la sens plus puissante que tout. Et ‘je’ suis nombreux...

 

Dans mon pays j’ai vécu les discriminations, la dictature politique, de graves problèmes pour les femmes. J’ai vécu la violence, le terrorisme. J’ai vécu la misère. Mais mon pays c’est ma famille, ma terre et avoir toujours un endroit où dormir. J’ai sacrifié tout ça pour la liberté. Je ne l’ai pas trouvée ici.

 

Je suis arrivé en Europe... I was astonished. Où est la liberté dont vous parlez ? Ici on parle des droits de l’homme partout mais ils sont ‘imaginaires’, parfois j’ai l’impression qu’ils sont juste dans vos têtes... Je vais te dire la vérité : les animaux vivent mieux que moi. Je n’ai aucun droit ici, j’ai même perdu le droit de vivre. Mon ventre est vide, mes poches sont vides. Je dois faire la queue pour tout : pour manger, pour dormir... Attendre encore et encore. J’ai peur de la police tous les jours. Shame to the policemen ! Je n’existe pas à vos yeux pourtant vous me surveillez de toute part (...)

Le gouvernement peut-il trouver des solutions ? Ma réponse : NON. Personne n’est intéressé à trouver des solutions à notre problème. Ceux qui ont vraiment réfléchi à la question de l’immigration et de l’asile, on ne les entend pas.

Attention, il faut séparer le gouvernement et les gens. En Belgique beaucoup sont gentils. Les habitants aident, je n’ai pas vu cette mobilisation dans d’autres pays : en Italie, en France, ... Ils m’ont offert un petit peu d’humanité, de liberté et de droit. La démocratie vit par en-bas, par le peuple : toi et moi. Il ne faut pas attendre qu’elle vienne d’en-haut : chez toi ou chez moi. Il ne faut pas attendre une révolution ‘imaginaire’.


Alors plutôt que cette révolution imaginaire, Bachir, Azedine et les autres signataires de la lettre en appellent aux citoyens belges, parce qu’au fond, une photo vaut souvent mieux que mille mots.

Moi personne ne va m’écouter. Toi ils vont t’écouter. Si la police vient pendant que nous faisons cette photo collective je serai arrêté. Pas toi. Je dois faire ce que le gouvernement me dit de faire. Je ne peux pas protester. Je vis dans l’urgence, je n’ai pas de vision à long terme. Toi oui tu as cette chance. Aucun système ne m’a jamais défendu depuis que je suis arrivé sur cette terre. Je dois me battre seul. I’m just searching for happiness and peace... Je n’ai pas à me justifier pour ça.

Mais toi si tu acceptes, fais cette photo pour moi. Incarne ce que je ne peux pas dire publiquement, ce que je n’ai pas l’énergie de partager.


Ceux qui le désirent seront ainsi invités à rentrer dans la peau de 5 personnes dormant par terre, 10 personnes faisant la file devant une assiette, 10 personnes courant, 5 policiers, 3 personnes devenues folles, et bien d’autres rôles encore, imaginés par les réfugiés pour illustrer leur vécu. Rendez-vous est fixé le dimanche 7 octobre à 13h30, au pied de l’escalier en haut du Mont des Arts, à côté de l’entrée de la KBR, et les participants peuvent soit se rendre directement sur place ou envoyer un mail à l’adresse admin@habitants-des-images.be.

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