FAUT QU’ON PARLE: du col roulé de Kylian Mbappé
La semaine dernière, Kylian Mbappé a publié le résultat d’un shooting avec Paris Match sur son compte Instagram. Ce que nous y voyons? Des photographies explosant de pétillement et de peps. Ce que d’autres y décèlent? Des clichés qui transpirent l’homophobie. De quoi soulever notre coeur.
“On dirait que t’es gay”, “T’es doux mon chéri”, “Je croyais qu’il était hétéro moi”, “Il est gay ou quoi?”, “Il a fumé quoi notre kiki?”, “Coming-out?”... Les commentaires sous le post de Kylian Mbappé, célèbre footballeur français, ont de quoi provoquer des hauts-le-coeur. Le jeune homme y pose le sourire jusqu’aux oreilles et les yeux pétillants, dans un chandail stylé à souhait. Bref, un shooting, quoi. Mais sous prétexte qu’il porte un col roulé – oui oui, ni plus ni moins, ne cherchez pas – alors le jeune homme emprunte des codes qui n’appartiennent prétendument pas à ce qu’il est censé être: un footballeur, aka un bon gros gars bien viril et masculin. Non mais allô, on est en quelle année là? D’autant plus que ce shooting, il est destiné à annoncer son rôle d’égérie pour la Maison Dior cette année, à l’instar notamment de Zinédine Zidane il y a quelques années.
Porter un col roulé et être hétéro, est-ce possible?! (Spoil: oui)
Bien que certains commentaire soient sous couvert d’humour – et quel humour; comme dirait Orelsan: “ah c’est marrant, ça me fait pas marrer” – l’homophobie transperçante qui s’en dégage traduit en réalité un phénomène plus bien large que celui d’une discrimination liée à une quelconque orientation sexuelle. En effet, nous parlons ici d’un problème terriblement cruel qui s’en prend, pour le coup, aux hommes et sportifs de haut niveau: la performance de la masculinité via le prisme du genre et de l’identité sexuelle. Soit un stéréotype profondément ancré, celui d’une hyper-virilité socialement construite sur base d’un sport.
Comme l’explique à merveille le journaliste Anas Daif dans un post Instagram consacré à cette vague d’homophobie envers Kylian Mbappé, ces hommes “peuvent être « masculins » ou non, extravertis, timides, réservés, s’habiller comme ils le souhaitent, aimer qui ils veulent, sortir d’une vision binaire du genre, sans avoir à se soucier de ce qu’une majorité empoisonnée par des normes toxiques va dire d’eux.” Parce que c’est là où le bas blesse: l’orientation sexuelle constitue encore bien trop un sujet tabou dans le sport masculin de haut-niveau. Soit la preuve flagrante d’un mal sociétal, secoué entre ouverture d’esprit – mais pas trop quand même – et homophobie. Un mal profondément ancré qui rappelle, à tort, à quel point la personne LGBTQIA+ s’inscrit, malgré elle, mais en regard des évènements qui ont marqué son histoire, dans une minorité. Minorité qui a encore et toujours besoin d’être protégée car ne jouit pas des mêmes facilités que les hétérosexuels.
La faute au machisme?
Il suffit de s’attarder quelques secondes sur les commentaires sous la publication de Kylian Mbappé pour comprendre que le machisme dégouline de chaque mot. Et si l’homosexualité de sportifs masculins fragilisait en réalité l’hétérosexualité des personnes homophobes? Jetons à nouveau un oeil aux remarques sous le post de Kylian Mbappé: “On dirait Karine Le Marchand”, “Tu crois que t’es une handballeuse à porter un pull pareil?” ou encore, une dernière pour la route, “T’es belle”. La féminité potentielle qui se dégage d’un homme vient ébranler la masculinité de ces hommes qui crachent sur l’homosexualité. Parce que ne pas accepter la différence – qui ne devrait pas en être une, triste société... – c’est rejoindre le pont du sexisme: c’est bien connu, la féminité, c’est vu comme une faiblesse. Et si t’es un·e fragile, t’as pas ta place dans un monde de sportif de haut-niveau. Alors imagine, si tu t’appelles Kylian Mbappé et que tu portes un col roulé...
Dans le fond, le problème, c’est toujours le même: la société a le mal du genre. Cadenassées dans un état d’esprit étroit flirtant avec le malaise d’un collectif bien trop philanthrope pour elles, certaines personnes s’imposent comme des oppresseurs, rendant la vie de certaines communautés claudiquante. Et développant par ailleurs un concept paradoxal: celui de vouloir clamer haut et fort les progrès faits en la matière, car marquant un tournant historique, mais dans le même temps, souligner l’existence d’une minorité dont les droits sont encore et toujours à faire valoir.
La possibilité d’être soi, tout simplement
Ce post de Kylian Mbappé vient remettre une petite claque à l’éternelle lutte contre les clichés, mais également à ce besoin sociétalement oppressant à tout prix de vouloir mettre tout un chacun·e dans des cases. Et parce qu’un col roulé, un sport, un sourire, une pose ou que sais-je ne devrait jamais avoir à prendre les traits d’un marqueur, être qui nous sommes ne devrait jamais non plus être considéré comme une tare, un fardeau ou encore une honte.
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