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© Getty Images/iStockphoto

TDAH AU TRAVAIL: ““ces employés sont jusqu’à 140% plus efficaces””, mais attention au burn/bore-out

Sarah Moran Garcia

Comme Tatiana Rombaut, 12% des employés belges seraient atteints d’un TDAH. Pour eux, le monde du travail peut être plus contraignant que la moyenne. La femme d’affaires aide aujourd’hui les managers à tirer le meilleur de leurs travailleurs.

En Belgique, selon les estimations, cinq à sept enfants scolarisés sur cent souffrent d’un TDAH, ce qui correspond en moyenne à un enfant par classe. Ce trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité concerne également 3 à 4% des adultes, et dans 60 à 80% des cas, les symptômes du TDAH durent de l’enfance jusqu’à l’âge adulte.

Lire aussi : Le TDAH, c’est quoi ? Comment savoir si j’en souffre?

Ce trouble se manifeste de différentes façons. Il peut s’agir d’inattention, d’impulsivité, d’un besoin exacerbé d’occupation, etc. Si l’on parle souvent du TDAH chez les enfants, c’est moins vrai pour les adultes. Or, diagnostiquer et parler de ce trouble du déficit de l’attention peut véritablement les aider, notamment au travail.

J’étais vraiment heureuse, j’avais enfin une explication au fait que je me sentais parfois si différente des autres.

Diagnostiquée à l’âge adulte

Tatiana Rombaut a 43 ans. Avec son compagnon, elle a cinq enfants. En 2015, on diagnostique un TDAH à sa petite dernière. Ses frères et sœurs, eux aussi, ont été diagnostiqués positifs, raison pour laquelle le psychiatre suggère à Tatiana et à son mari de passer des tests à leurs tours. “Trois des enfants sont issus d’une première union de mon compagnon. Étant plus jeune, il avait reçu un traitement pour le calmer, j’étais donc persuadée que ça venait de son côté”, indique la mère de famille. “Après les tests, je me suis rendu compte que j’étais aussi atteinte de ce trouble.”

Dans un premier temps, pour Tatiana, c’est la surprise, mais elle commence à comprendre certaines choses. Dans son travail, lorsqu’elle était encore employée, elle procrastinait, avait du mal à se concentrer, mais était plus efficace que ses collègues, et à la maison, elle était hyper structurée. “J’étais vraiment heureuse, j’avais enfin une explication au fait que je me sentais parfois si différente des autres”, commente celle qui est aujourd’hui indépendante.

Il y a près de dix ans, Tatiana Rombaut a découvert qu’elle était atteinte d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). © Tous droits réservés

Une guideline pour aider les employeurs

Elle se renseigne alors sur le TDAH, mais se heurte à un manque criant de documentations sur le trouble à l’âge adulte, dans note pays, et à un manque encore plus prégnant concernant la gestion du trouble au travail. Elle se tourne donc vers les Pays-Bas, mais c’est réellement aux États-Unis que Tatiana Rombaut va trouver un écho positif et des réponses à ses interrogations. Elle interroge mille Américains·es sur leur trouble et sur ce qui les dérange au travail. Partant de ces données, elle établit ensuite une guideline pour l’aider à mieux travailler. “J’ai soudain eu la notion du temps, j’ai réussi à mieux m’organiser, à ne plus procrastiner. Ces recherches m’ont vraiment aidée. J’étais moins stressée, je dormais mieux”, commente-t-elle.

Le nombre de travailleurs TDAH pourrait, à l’avenir, atteindre 25%. Non pas qu’il sera plus répandu à l’avenir, mais parce qu’il sera diagnostiqué plus rapidement.

Ce qui devait être un guide de travail personnel, Tatiana a finalement voulu le partager au plus grand nombre. Après avoir lancé des projets pilotes et après avoir peaufiné sa méthode, elle accompagne aujourd’hui des chefs·fes d’entreprise afin de les aider avec leurs employés·es TDAH. Parce que, selon son enquête, 12% des employés·es souffrent aujourd’hui de ce trouble. “Ce chiffre pourrait atteindre 25%”, précise-t-elle. “Non pas que le TDAH sera plus répandu à l’avenir, mais parce qu’il sera diagnostiqué plus rapidement.”

Des employés plus productifs

Concrètement, grâce à Mrs. Wolf, la société de consultance qu’elle a créée, elle apprend aux managers à répondre aux besoins spécifiques de leurs collaborateurs. Mais attention, pas de favoritisme, insiste Tatiana. Il s’agit de leur faire comprendre que pour tirer le meilleur du potentiel de leurs employés·es atteints·es d’un trouble du déficit de l’attention, les méthodes “traditionnelles” ne fonctionnent pas.

“Souvent, les personnes TDAH n’ont pas le même point de vue sur les choses”, indique la quadragénaire. “Ils pensent plus vite, trouvent plus vite des solutions à des problèmes. En réalité, un·e employé·e TDAH épanoui·e et au bon poste, lorsqu’il ou elle rentre en hyperfocalisation, peut être plus efficace de 25% par jour par rapport à ses collègues.

Lorsque cette personne est bien coachée, sa productivité est de 90 à 140% supérieure aux autres.

Mais ça, à condition que l’employeur·euse supervise correctement la personne atteinte du trouble.

Risque de burn-out et de bore-out

“Il y a 22 jours de perte de productivité par an, quand ce n’est pas le cas”, commente Tatiana Rombaut. “Et parce qu’elles subissent une perte de productivité, ces personnes travaillent deux fois plus pour rester dans la course.” Ce qui peut parfois entraîner des burn-out. Les employés·es atteints·es d’un TDAH seraient trois à six fois plus exposés au risque d’épuisement professionnel. “Sachant qu’un·e employé·e en burn-out à cause d’un TDAH coûte environ 80.000 à 100.000 euros à une entreprise, sans compter les frais de remplacement de la personne, les employeurs·euses ont tout intérêt à mieux gérer ce trouble”, insiste Tatiana.

Tatiana Rombaut accompagne les managers pour les aider à tirer le meilleur de leurs employés TDAH. © Tous droits réservés

Composer avec les troubles du déficit de l’attention de ses employés·es permettrait, par ailleurs, aux patrons·nes d’entreprise de garder leurs effectives. En effet, selon Tatiana Rombaut, 32,6% des travailleurs·euses TDAH quittent leur emploi, car ils ou elles souffrent de bore-out. En d’autres termes, parce qu’iels s’ennuient au travail. Par ailleurs, selon son étude, 24 à 56% des bénéficiaires d’une assurance maladie-invalidité de longue durée ont été victimes d’un syndrome d’épuisement professionnel lié au TDAH.

D’où l’importance, pour l’employeur·euse comme pour l’employé·e, que ce trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité soit diagnostiqué, connu, traité, et que des aménagements soient apportés pour que la personne soit épanouie et productive.

Les talents des personnes atteintes de TDAH

  • Compassion / empathie: elles ressentent généralement très bien les autres.
  • Créativité et prise de risque: elles osent prendre des risques. À ce titre, selon Tatiana Rombaut, les personnes atteintes de TDAH ont 300% plus de chances de devenir entrepreneur.
  • Garder la tête froide: elles travaillent très bien dans les situations de stress et peuvent être des “sauveuses” dans les situations de crise. Elles ont la tête froide, prennent les choses en main et réagissent de manière décisive.
  • Motivation: elles sont particulièrement motivées par les tâches les plus difficiles qui torturent généralement leurs autres collègues.
  • Enthousiaste : une nouveauté dans l’entreprise? Elles recherchent tout ce qu’il y a à savoir à ce sujet. Parfois, cela se traduit par des émotions incontrôlées.
  • Intuition aiguisée : elles établissent rapidement des liens entre deux événements, deux éléments.

“Les personnes TDAH sont aussi débrouillardes, innovantes, généreuses, toujours prêtes à aider, indulgente, impartiales, pleines de surprises et pas jalouses pour un sou”, conclut Tatiana.

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