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De plus en plus d'adultes portent un appareil dentaire - Getty Images © Attractive young woman with red lips and white teeth with braces at a dentist clinic. Beauty woman smile with orthodontic accessories. Orthodontics treatment. Closeup of healthy female mouth.

30 ans, toutes leurs dents... et un appareil dentaire

Kathleen Wuyard



Aussi indissociable de l’adolescence dans l’imaginaire collectif que les produits anti-acné, l’appareil dentaire fait pourtant son retour dans la bouches de plus en plus d’adultes, qui rempilent pour un réalignement ou bien découvrent des années après la puberté les “joies” des plaquettes. Sans forcément grincer des dents.

Si on avait dit un jour à l’auteure de cet article qu’elle porterait à nouveau un appareil dentaire après avoir eu des plaquettes durant un milliard (oui) d’années, peut-être qu’elle en aurait pleuré. Renseignement pris auprès de l’autorité maternelle, qui sait toujours tout, le port de l’appareil n’a duré en réalité “que” trois ans, autant dire une éternité à l’époque où on commence à vouloir plaire. Époque pas si lointaine, et pourtant suffisamment pour que l’orthodontiste de l’époque n’ait pas pensé à appliquer une contention après le traitement, laissant aux dents tout l’espace nécessaire pour reprendre une position défiant l’alignement. Les vilaines.

Et elles ne sont pas les seules: ainsi que l’explique Ergi Kuci, dentiste au sein du cabinet dentaire Tebache, à Liège, “je vois énormément d’adultes qui ont des récidives. L’orthodontie est une discipline en évolution permanente, et jusqu’il y a une dizaine d’années, on ne plaçait pas automatiquement une contention après le traitement, qu’il s’agisse de fils collés ou d’un appareil de nuit. Or le mouvement obtenu grâce à un appareil dentaire n’est pas naturel, donc il faut le maintenir en place si on veut garder l’alignement”. C’est que les dents bougent jusqu’au dernier jour de notre vie, les coquines.

Elles sont plantées dans l’os autour d’un ligament, et d’un côté, nos lèvres les poussent vers l’intérieur tandis que de l’autre, la langue les pousse vers l’extérieur, donc il peut y avoir un déséquilibre. Des choses auxquelles on ne pense pas, notre manière de déglutir ou de respirer par exemple, peuvent aussi influencer le mouvement”.


Résultat : Ergi Kuci voit défiler de nombreux adultes dans son cabinet, “surtout des femmes, qui viennent en prévision d’un événement important, une remise de diplômes ou un mariage par exemple. Les réseaux sociaux jouent un rôle important parce qu’ils véhiculent l’image de dents blanches et parfaitement articulées”. Un résultat qui peut être obtenu en quelques mois seulement grâce aux progrès de l’orthodontie et notamment à la technique Invisalign, qui assure un alignement parfait en quelques semaines, moyennant toutefois une facture flirtant avec les 4.000€. Cher pour un “caprice esthétique”?

Le danger si on ne traite pas le désalignement c’est que les dents vont bouger et ne plus se toucher partout quand on mord, ce qui peut créer des problèmes articulaires. Sans compter qu’une dent mal positionnée est plus difficile à brosser correctement et qu’on augmente donc le risque de carie” explique Ergi Kuci.

Pour raisons esthétiques ou médicales, de plus en plus d’adultes sautent le pas, et quatre d’entre elles ont accepté de nous raconter la vie avec un appareil.

Lire aussi: Pourquoi le dentiste nous terrorise (et comment enfin arrêter d’angoisser)

Morgane, 31 ans, a posé un appareil entre deux tours du monde

“J’ai porté un appareil dès la 4ème primaire, pas de plaquettes mais un fil avec palet uniquement sur la rangée de dents du haut, et il était plus que nécessaire: avant, mes dents ressemblaient à une belle route de campagne qui n’aurait jamais été rénovée. Elles poussaient carrément à la perpendiculaire, donc porter un appareil était primordial et je l’ai gardé jusqu’en 2e secondaire. En grandissant, mes dents ont recommencé à bouger petit à petit sur la rangée du haut, et honnêtement, mes dents du bas qui n’avaient jamais été corrigées commençaient à me complexer aussi. Une bonne amie avait sauté le pas, elle avait mon âge, du coup je me suis dit pourquoi pas et je me suis lancée. Des adultes à plaquettes, ça se voit de plus en plus.

J’ai été voir une orthodontiste qui m’a fait un devis et pour être honnête, je ne pensais pas que la situation était aussi catastrophique et que le travail prendrait autant de temps ou me coûterait autant d’argent. J’ai dû payer 2000€ pour les plaquettes/le traitement/la gouttière, heureusement j’avais un travail qui payait bien, et même si ça me rendait dingue de dépenser de telles sommes, ça n’a pas posé de problème, surtout qu’il y a toujours des possibilités d’étalement du montant total”.

Le problème majeur dans ma dentition c’était la mâchoire du haut, beaucoup plus petite que celle du bas. Pour permettre une optimisation du travail il fallait à la fois écarter la mâchoire du dessus pour faire de la place, et rentrer le menton/mâchoire inférieure pour aligner les dents. Pour écarter la mâchoire du haut je portais ce qu’on appelle un arc au palet, un truc absolument désagréable en métal qu’on te fixe au palet, qui te coupe la langue en mille morceaux et t’empêche de manger en grandes quantités. Du coup, j’ai fondu, ce qui m’arrangeait un peu vu que soyons honnêtes, on veut toutes toujours perdre quelques kilos, mais pas au prix d’une telle souffrance. Être blessée constamment dans la bouche, c’est franchement difficile à vivre. Aujourd’hui encore, je ne mange plus du tout de la même manière qu’avant.

Au final, j’aurai porté mon appareil pendant presque deux ans. Quel calvaire! Mais si c’était à refaire je le referais mille fois, car le travail qui a été effectué et le résultat sont vraiment au rendez-vous. Et même si j’ai dû les enlever quelques mois plus tôt parce que je partais en voyage et que donc le résultat n’est pas parfait, j’adore mon sourire aujourd’hui”.

Shana, 24 ans, a enfin pu s’offrir son réalignement

“Je sais depuis l’âge de 16 ans que je dois mettre un appareil. Etant issue d’une famille monoparentale, ma mère n’avait pas les moyens de m’offrir cela. Car même s’il y a le remboursement par la suite, il fallait tout de même verser un grand acompte pour l’obtention de l’appareil dentaire. Je savais que j’avais les dents du bas de travers et qu’il faudrait un jour que je passe par cette étape pour ne pas que ma santé dentaire s’empire – car j’avais déjà eu des problèmes à cause de cela.

Ça ne m’a pas dérangée, Gwen Stefani est une des mes chanteuses préférées et elle a killé le game quand elle a porté son appareil à l’aube de ses 24 ans”.

Je fais comme elle : j’ai 24 ans et je porte mon premier appareil. L’avantage en le portant plus tard, c’est qu’on n’a pas à faire face aux moqueries des adolescents. Je rencontre énormément de gens dans mon travail, quotidiennement, et je n’ai jamais eu droit à une remarque désobligeante de leur part. Au contraire, cela a attisé leur curiosité car très peu d’entre eux.elles n’osent passer ce cap alors que c’est important pour leur santé. L’inconvénient c’est surtout la douleur à chaque passage chez l’ortho’. Surtout que comme je travaille dans un métier qui touche à la communication, je suis obligée de parler beaucoup, même quand j’ai mal. Je suis créatrice de contenu sur Instagram, ce qui veut dire que je reçois des remarques qui ne sont malheureusement pas toujours bienveillantes. Surtout de la part des haters. J’ai déjà eu des remarques du genre « t’es moche avec ton appareil ». Mais bon, je passe au-dessus ! Ma santé est plus importante.

La réflexion qui revient le plus souvent est bien évidemment : « pourquoi tu ne l’as pas fait plus tôt ? » Les gens ont du mal à comprendre que certaines personnes ne peuvent pas s’offrir ce « luxe » dès le plus jeune âge”.

J’en suis à dix mois de traitement, mes dents ont bougé très vite, et avec un peu de chance, on va me retirer mon appareil dentaire plus vite que prévu. On m’enlève déjà le haut fin novembre, et j’appréhende car pour tout dire, je ne sais plus à quoi je ressemble sans. Je n’ai pas reçu d’aides de la part de la mutuelle, comme j’ai plus de 18 ans et que je suis indépendante en plus. Mais je préférais investir mes sous dans mes dents, plutôt que dans un sac Louis Vuitton”.

Rebecca, 41 ans, paye une erreur de jeunesse

“J’ai eu un premier appareil à l’âge de 13-14 ans, un appareil amovible supérieur et inférieur. C’était horrible: impossible de parler correctement et sans postillonner! Les enfants à cet âge-là sont sans pitié, j’étais extrêmement timide... donc j’encaissais sans jamais rien dire mais j’étais intérieurement dévastée. Du coup, j’ai décidé de faire quelque chose dont je suis encore un peu honteuse à ce jour. Il faut savoir que c’est ma maman qui m’a payé cet appareil à l’époque. On vivait à deux, ce n’était pas facile financièrement, elle cumulait deux boulots, et l’orthodontie n’était pas encore remboursée.

Comme je subissais beaucoup de moqueries à cause de cet appareil, un soir, je l’ai emballé exprès dans une serviette pendant le souper, vu qu’on pouvait les retirer pour manger, et quand ma maman a débarrassé, elle l’a forcément jeté à la poubelle... Et j’ai attendu le ramassage des poubelles pour lui dire! Elle s’en voulait beaucoup, m’a dit que ce n’était pas grave qu’elle allait économiser pour m’en racheter un mais c’est là que j’ai vraiment eu des remords, et je lui ai donc avoué la vérité”.

Réaction : et bien tu attendras de travailler pour t’en payer un comme ça tu verras ce que c’est. Ce que j’ai fini par faire, parce que mes dents devenaient une catastrophe, j’avais deux canines qui ressortaient, on aurait dit un vampire. Je me suis maudite d’avoir jeté mon premier appareil: adulte, ça fait plus mal et ça dure plus longtemps. L’avantage, c’est que tu as pris en maturité, donc tu ne te laisses plus faire si on se moque de toi, et puis quel bonheur quand on l’enlève: quand on m’a retiré le mien, je n’arrêtais pas de faire de grands sourires à tout le monde comme une imbécile”.

Laurence, 35 ans, en est à son deuxième appareil

“J’ai porté un appareil dentaire pendant mon enfance, de mes 9 à 12 ans, un modèle amovible très discret car il ne comportait qu’un seul fil posé sur les dents de la mâchoire supérieure. À cet âge, c’est tout à fait courant d’en porter, cela ne me posait donc aucun problème. C’était même probablement plus une fierté qu’autre chose. Et puis vers la vingtaine, mes dents ont commencé à bouger. Au début, c’était suffisamment discret pour que ça ne me dérange pas. Mais année après année, le problème s’est accentué. Mes incisives supérieures se chevauchaient de plus en plus. À 25 ans, j’étais totalement complexée par rapport à cela. J’ai donc décidé de passer à nouveau par la case orthodontiste, mais j’ai dû attendre un peu parce qu’à ce moment-là j’habitais à Montréal et sur place, c’était impayable.

C’est finalement à l’âge de 29 ans que je me suis lancée, avec tout autre chose que ce que j’avais connu. Les soins ont beaucoup évolué en vingt ans et on m’a proposé de me poser un appareil à plaquettes, en haut et en bas, avec des élastiques pour réaligner mes mâchoires. J’ai accepté en demandant toutefois de poser 4 plaquettes transparentes sur les incisives supérieures à la place des plaquettes métalliques. Histoire que ce soit plus discret…

Il faut avouer que ça n’a pas exactement été une partie de plaisir. J’ai parfois eu du mal à articuler ou à manger, cela faisait un peu mal de temps en temps, je devais me rendre de manière récurrente chez l’orthodontiste, et puis il ne faut pas se le cacher même avec des plaquettes transparentes, ce n’est pas très beau, mais pour moi c’était clair qu’il fallait que je morde sur ma chique pour être mieux dans ma peau après. Le petit bonus surprise? Bizarrement, avec mes plaquettes, beaucoup de gens me prenaient pour plus jeune que ce que je n’étais! Ce qui n’a pas empêché certains de me lancer des regards appuyés, auxquels je me faisais un plaisir de répondre par un grand sourire.

Au final, j’ai gardé mon appareil deux ans, de mes 29 à 31 ans. Le jour où je l’ai enlevé ce fût vraiment génial: le résultat était splendide, et quatre ans plus tard je ne regrette pas du tout mon choix ! Aujourd’hui avec les appareils de contention, le résultat est là pour durer. C’est donc un investissement qui en vaut clairement la peine”.


Les dents c’est tellement important. Il faut en prendre soin car on garde les mêmes toute sa vie. Et rien n’est plus réconfortant qu’un beau sourire”.

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