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Ode au plaisir perdu de la vente par catalogue

Kathleen Wuyard

Aussi épais qu’un livre, avec leurs pages glacées brillant comme celles d’un magazine, les catalogues ont rythmé notre jeunesse et les différents cycles de notre garde-robe, salle de bains et bibliothèque. Jusqu’à ce qu’ils disparaissent, rendus obsolètes par l’arrivée d’Internet et du shopping en ligne. Disparus, mais jamais oubliés.


Leur arrivée causait une excitation similaire à la découverte d’une enveloppe bariolée envoyée par votre meilleure amie (on ne disait pas encore BFF à l’époque) depuis ses vacances en famille. Peut-être même plus excitant encore, parce que contrairement à la carte postale en question, lue en 3 secondes puis dûment punaisée à votre mur pour s’y faire décolorer par le soleil, le catalogue, lui, promettait des heures de fun. Il y avait les incontournables, La Redoute et 3 Suisses, dont on étudiait religieusement chaque page pour déterminer ce qu’on allait acheter avec le budget alloué. Bonheur de l’ère pré-internet: on y dénichait des marques alors inconnues en Belgique, ou du moins, impossibles à trouver dans nos petites villes de province, et on se sentait coolissime avec notre nouvelle veste Quicksilver ou Chipie, dont on espérait qu’elle nous donnait la même allure que la petite fille du catalogue. Même les pages qui ne nous étaient a priori pas destinées étaient enchanteresses, entre la mode femme, qui nous permettait d’élaborer des scénarios complexes (la jolie madame était-elle vraiment amoureuse de son mari de papier glacé? oui, ils avaient deux enfants, et plus tard, on s’habillerait comme elle) et les pages déco et linge de maison, dont on pliait des coins pour se rappeler plus tard comment on voulait décorer notre maison de rêve. Car c’est bien de cela qu’il s’agissait, plus que d’un simple catalogue de papier glacé: nous vendre du rêve.

Vendre du rêve sur catalogue


C’était pareil avec les catalogues Yves Rocher ou du Club des Créateurs de Beauté, plus fins, certes, mais tellement prometteurs aussi. Peut-être que tout ce qui nous manquait, pour avoir plus confiance en nous et devenir la fille que toutes les autres de 2e enviaient, c’était un gloss à bille à la fraise? Et si cette “crème miracle aux extraits d’arbre à thé” était vraiment miraculeuse et faisait disparaître notre acné adolescente, nous laissant avec une peau aussi lisse et fraîche que celles des héroïnes de Disney Channel? Ne parlons même pas des boules de bain nacrées, dont on savait pertinemment qu’elles allaient donner un drôle d’aspect huileux à l’eau et finir en peau fripée au fond de la baignoire: on suppliait pour pouvoir s’en commander un tube, admirer leur jolie couleur irisée et sentir leurs parfums légèrement écœurants jusqu’à en avoir mal à la tête.

Parce qu’on était trop jeunes pour comprendre le principe des arnaques pyramidales et autres achats forcés, on trouvait ça tout simplement fabuleux que le catalogue de livres envoie un ou deux ouvrages à chaque fois, “à renvoyer si vous ne les voulez pas”. Sauf que typiquement, votre mère oubliait toujours de les renvoyer, et vous finissiez par lire en douce des livres que vos yeux de pré-ado n’auraient jamais dû effleurer, et tant qu’à faire, vous en profitiez pour demander qu’on vous commande le dernier tome d’Anne au Domaine des Peupliers. Certes, officiellement, vous étiez trop grande maintenant pour attendre avec un enthousiasme non dissimulé les catalogues de St-Nicolas pour y faire votre liste, mais grâce à la pléthore de catalogues qui arrivaient encore par la poste, le plaisir n’était jamais vraiment parti. Du moins, jusqu’à ce qu’arrive le shopping en ligne, qui a tout simplifié, certes, mais enlevé un peu du plaisir aussi. Fini de dénicher la pièce du catalogue que vous étiez certaines d’être la seule à porter (bon plan: avoir l’audace de commander dans les pages femme plutôt que dans la section ado).

Aujourd’hui, les modeuses s’habillent pareil aux quatre coins de la planète, et même si vous êtes techniquement la première de votre entourage à adopter une tendance, le frisson ne dure vraiment pas longtemps. Là où les catalogues arrivaient à intervalles réguliers avec leur lot de nouveautés, il est désormais possible de faire son shopping n’importe où et à toute heure. Même à 3h du matin, complètement ivre dans votre lit, ce qui non seulement vous ruine mais en plus, enlève un peu de la magie du moment. La bonne nouvelle? Si les catalogues du Makro, LIDL et autres supermarchés, seuls à encore vous être envoyés, ne vous font pas rêver, sachez qu’il est possible de remettre un peu de magie dans votre boîte aux lettres, puisqu’après avoir abandonné son gros catalogue, La Redoute en a édité de plus petites versions, pour la déco et le prêt-à-porter, qui peuvent être envoyées sur demande. Pareil pour Ikea, qui continue à éditer un catalogue papier. Bien sûr, la démarche est écologiquement discutable. Mais il faut bien l’admettre: le frisson procuré par le papier glacé est incomparable...

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