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L’écoféminisme, le mouvement qui lie exploitation des animaux et des femmes

Kathleen Wuyard

Et si manger un steak contribuait à voir les femmes comme de la viande? C’est ce qu’affirment en substance les écoféministes, pour qui l’exploitation des animaux et des femmes sont intimement liées.


De prime abord, “écoféministe” évoquerait plutôt les images des militantes des années hippies, ces jeunes filles en fleurs aux cheveux aussi longs que leurs idéaux, qui militaient à la fois pour plus de liberté et plus de respect de la planète, à commencer par le fait que la place des animaux est dans la nature et non dans l’assiette. D’ailleurs, sans surprise, c’est dans les mouvements pacifistes des 70s que l’écoféminisme trouve ses racines. Au croisement des pensées féministes et écologistes, le mouvement apparaît d’abord en Inde, où des villageoises se rassemblent pour fonder le mouvement Chipko afin de protester contre la déforestation. Dans la région de l’Uttarakhand, Vandana Shiva fonde quant à elle un sanctuaire de biodiversité où les femmes relèvent leurs manches pour préserver la nature et la diversité de l’agriculture. Utilisé par la première fois par Françoise d’Eaubonne dans son ouvrage de 1974, “Le féminisme ou la mort”, le terme “écoféminisme” retient l’attention du public 6 ans plus tard, outre-Atlantique, avec l’organisation de la conférence “L’écoféminisme et la vie sur terre”.

Bouts de viande


Suite à l’accident nucléaire de Three Mile Island, survenu en 1979, la conférence invite les participants à adopter un manifeste développant les rapports entre les mouvements écologiques et féministes, mais surtout, dénonçant le lien entre la destruction de la nature et les discriminations subies par les femmes. Tiré par les cheveux? Pas tant que ça. En effet, ainsi que Myriam Bahaffou l’a expliqué à Lucille Meunier, journaliste pour Usbek & Rica, “pour animaliser les femmes, il a d’abord fallu déshumaniser les animaux”. Et d’expliquer que tout remonte au mode de production de la viande.

Avoir la mainmise sur la reproduction des animaux, et particulièrement sur les femelles, a forcément une incidence sur la vision des femmes”


Une position que défend également Carol J. Adams, auteure de “La politique sexuelle de la viande”. Postulat de l’ouvrage, qualifié de “bible du véganisme” par le New-York Times:  la domination masculine repose tant sur la consommation de la viande que sur le contrôle du corps des femmes. La preuve avec les publicités pour l’une ou l’autre spécialité viandarde, qui s’en donnent souvent à coeur joie dans les allusions sexuelles plus ou moins déguisées.

 

De son côté, Jacques Derrida parle lui de “carnophallogocentrisme”, soulignant que “celui qui détient l’autorité, tant sur la nature que sur les femmes, est celui qui possède ces trois attributs: logos, phallus, et consommation de chair”.

Notre civilisation a légitimé cette violence généralisée que subissent femmes et animaux, puisque la hiérarchie des êtres vivants, imposée par l’être humain mâle, demeure hommes > femmes > animaux > plantes”


Oui, mais alors, est-il possible de se dire féministe tout en mangeant de la viande? Pas pour Myriam Bahaffou. “Quand on comprend que manger de la viande, c’est manger un animal, alors c’est manger de l’injustice. Je n’ai pas la légitimité pour dire qui est féministe ou qui ne l’est pas, mais pour moi, être féministe et continuer à soutenir cette oppression n’a pas de sens”. De son côté, Nora Bouazzani, auteure de “Faiminisme. Quand le sexisme passe à table”, est plus nuancée. “Féminisme et antispécisme ont en commun la volonté de déconstruire un système millénaire et institutionnalisé et s’inscrivent en cela dans une lutte contre des schémas normatifs (...) On ne naît pas féministe ou végétarienne, on le devient”.

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