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© Cimetière de foetus de Fiamino - Getty Images

Scandale en Italie où les tombes du ““cimetière pour foetus”” sont au nom des femmes qui ont avorté

Kathleen Wuyard

Au nord de Rome, au cimetière de Fiamino, plusieurs femmes ont fait une découverte macabre: des tombes portant leurs noms alors qu’elles sont toujours bien vivantes. C’est que dans le « cimetière de foetus », les croix, faute de prénom de bébé, portent les noms des femmes qui ont avorté. Un scandale qui rappelle à quel point l’avortement est complexe en Italie.


Et pourtant, officiellement, l’avortement y est légalisé depuis 1978, qui autorise l’IVG jusqu’à 12 semaines de grossesse, ou jusqu’à 5 mois de gestation en cas d’interruption médicale. Pourtant, ainsi que le dénonçait Hélène Musca pour TerraFemina en avril 2016, si l’avortement y est légal, il y est aussi quasi impossible à obtenir, citant une statistique glaçante: 70% des gynécologues italiens refuseraient de pratiquer l’IVG. Une situation exacerbée par le Covid-19, Human Rights Watch ayant publié en juillet dernier un rapport indiquant que la pandémie exacerbait les obstacles à l’accès à un avortement légal. « Les femmes et les filles en Italie ont rencontré des obstacles parfois insurmontables pour obtenir les soins dont elles avaient besoin en matière de santé sexuelle et reproductive pendant une période de crise » déclarait Hillary Margolis, chercheuse senior auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch.

La pandémie de Covid-19 ne fait que mettre en lumière le système labyrinthique d’accès à l’avortement qui existe en Italie et démontre comment ses restrictions rétrogrades causent du tort au lieu d’apporter des protections » – Hillary Margolis.


Rétrograde, l’Italie? Le « cimetière de foetus » de Fiamino, qui affiche pour la postérité le nom des femmes sur les tombes des foetus dont elles ont avorté, semble le confirmer.

Lire aussi: 95% des femmes qui ont avorté ne le regrettent pas

Un cimetière de foetus qui brise le secret médical


Dans un texte publié sur Facebook et immédiatement partagé par activistes et médias, Marta, une jeune italienne, raconte sa stupéfaction lors de la découverte de son nom sur une des croix de fer de la parcelle 108 du cimetière Fiamino. Et d’expliquer qu’il s’agit de la tombe de son fils, Marta ayant dû avoir recours à une interruption thérapeutique de grossesse suite à laquelle le personnel soignant lui a demandé si elle voulait procéder à l’inhumation du foetus, sans jamais se douter que la tombe de ce dernier serait à son nom à elle. Une « erreur » selon Don Maurizio Gagliardini, de l’association catholique Difendere la vita con Maria, qui procède à ce type d’inhumations et dont les propos ont été rapportés par Le Point.

Nous portons les fœtus au cimetière, avec piété, avec amour, mais sans manifestation, sans faire de la propagande ou de la dénonciation » – Don Maurizio Gagliardini.

CIMETIÈRE DE FIAMINO, À ROME – GETTY IMAGES


 

Reste qu’à Fiamino, les noms des femmes ayant accouché de ces foetus (et leurs noms seuls, pas ceux des géniteurs) sont affichés en un chemin de croix douloureusement rétrograde et culpabilisateur, qui fait scandale en Italie. Parmi les témoignages traduits par Le Point, celui de Francesca, qui affirme qu’on lui aurait répondu à plusieurs reprises « ne pas savoir » ce qui allait arriver au foetus après l’avortement, et qui oscille désormais entre douleur et colère: « j’ai trouvé mon nom sur cette vilaine de croix de fer glacée dans cet immense terrain nu et cela a été comme un autre profond coup de poignard, une douleur infinie et une colère à en devenir aveugle ». Une colère qui n’a pas laissé les autorités italiennes indifférentes: parce qu’il constitue une atteinte au secret médical, mais aussi parce que cette atteinte met en péril l’accès à une procédure déjà compliquée, le Parquet de Rome a ouvert une enquête sur ce « cimetière de la honte ». Du côté du service municipal en charge des cimetières romains, on affirme qu’il ne s’agit que d’un malentendu, et que les noms des femmes sont inscrits sur les croix pour permettre à celles qui cherchent « la leur » de la trouver plus facilement.

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