Gen F

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FAUT QU’ON PARLE: non, les millennials ne sont pas tous pourris

Justine Rossius

Partout, on entend dire que la génération de millennials est paresseuse, pas aussi courageuse que la précédente, pourrie gâtée. Pas forcément tous faux, ces clichés auraient tout de même sacrément besoin d’être nuancés.

 

Qui sont les millennials? Ce sont les personnes nées entre 1980 et l’an 2000. On les appelle aussi “génération Y” ou encore “digital natives”, car nés à l’ère des écrans.

Les millennials, ce sont ces jeunes qui sont aujourd’hui dépeints comme des démissionnaires du monde de l’entreprise, des narcissiques, impatients, insolents, scotchés à leur téléphone. Des qualificatifs qui dénotent d’une profonde incompréhension de la part des plus âgés, et des directeurs d’entreprise, qui ont l’impression de devoir manager des démotivés d’avance. Et si on s’expliquait pour mieux se comprendre?

 

Individualistes, vraiment?


En apparence tout du moins. Et il suffit de les lorgner dans l’open space pour y croire dur comme fer: leurs écouteurs fixés sur les oreilles, ils se coupent du monde, préfèrent le “chat” de la boîte aux papotes à la machine à café. C’est indéniable, ils sont le fruit de leur société, où rares sont ceux qui peuvent prétendre connaître (vraiment) leurs voisins. Selon Julien Bayou, 34 ans, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts:

C’est une génération sur laquelle pressent beaucoup de maux. La précarité renforce l’idée qu’individuellement, on peut s’en sortir.


Dans l’enquête “Génération quoi?”, menée en 2013 par France Télévisions, la moitié des répondants de la génération Y exprimait leur sensation de ne pouvoir compter sur eux-mêmes dans cette société, dans laquelle il se sentaient abandonnés. Alors oui, face au taux extrêmement haut de chômage et aux salaires relativement bas (alors qu’il y a trente ans, les jeunes gagnaient plus que la moyenne nationale, leur revenu est aujourd’hui moins important que le reste de la population), les jeunes ont bien compris qu’ils devaient trimer, et que ne seraient pas leurs collègues – aussi cool soient-ils – qui les sauveraient d’un éventuel licenciement.

 

Mais individualiste ne veut certainement pas dire égoïste. Et c’est là que l’amalgame entre en jeu. Au contraire, plus que jamais, notre génération a besoin de partager. Ne sommes-nous pas aussi les dieux du “sharing”? “Homesharing”, “car sharing”, on partage tout pour être heureux. Sans parler des merveilleux projets qui émergent tous les jours grâce aux campagnes de crowdfunding. Et si les jeunes abandonnent de plus en plus souvent un CDI (le graal), c’est souvent parce qu’ils trouvent leur job vide de sens et qu’ils ont besoin d’être moins égoïstes professionnellement! Comme Florence, 26 ans, account manager dans une boîte de communication: “J’ai envie de me sentir utile, de me lever le matin en sachant que je vais servir à autre chose qu’à vendre des produits auxquels je ne crois pas spécialement.”

 

 

 

Une génération en quête de sens


C’est ça que recherche réellement les millennials: un sens. Car quitte à faire des heures supplémentaires non-rémunérées (pratique, il me semble, plus répandue qu’auparavant), autant que ce soit pour un job auquel on croit, vraiment. “L’avenir semble parfois tellement noir. On nous rabâche les oreilles avec l’écologie depuis des années. Des attentats ont lieu tous les jours, partout. Comment vouloir rester là sans rien faire?!” confirme Julien, 22 ans. Plus que de la simple gratitude ou d’un salaire alléchant, ils recherchent du concret, de l’action.

 

 

 

Pas d’attache


Ce qui peut également les faire paraître très individualistes, c’est leur manie constante à tapoter sans cesse sur leur téléphone. Mais en fait, s’ils scrollent, pokent, tweetent, chatent et retweetent, c’est avant tout par désir de communiquer, partager H24. Raconter nos vies, écouter celles de nos copains. Faire des rencontres aussi, même si Tinder est sans doute moins romantique qu’un coup de foudre à l’épicerie du coin. En gros, comme le disent bien les auteurs du livre “La génération Y par elle-même”, Internet a changé la forme du partage, de l’échange, mais certainement pas le fond. Et puis, n’oublions pas que si les millennials ne semblent pas craindre l’autorité, moins qu’avant indéniablement, c’est aussi parce qu’ils n’ont pas grand-chose à perdre. Fini l’époque où l’on se mariait à 22 ans pour avoir un labrador à 25 et une bague à 28. Les millennials ont vu – pour beaucoup – leurs parents divorcer, eux qui ne s’étaient réaliser qu’au niveau familial. Ils les ont aussi vu se faire virer de leur job, parfois comme des chiens, après des années de dévouement. Désormais, les jeunes prennent le temps de se poser, de s’installer et de s’encroûter, d’où une absence de réels impératifs financiers. Sans bouches à nourrir, ils ont vite fait de ne pas s’ennuyer dans un job qui ne les épanouit qu’à moitié. Du coup, les voilà plus infidèles que jamais avec leur employé. Comme l’indique le même livre “La génération Y par elle-même”, ce n’est pas étonnant que la loyauté envers l’employeur ne soit plus une valeur de la génération Y “quand toutes les portes nous sont fermées au départ et que nous sommes systématiquement les derniers servis.

Quand obtenir un CDI (…) s’apparente à une quête impossible, il est logique que nous ayons développé une certaine combativité, souvent assimilée à tord par les anciens à de l’insolence.


Et puis, comme le Y n’a pas l’assurance de la loyauté de son entreprise, il a un peu du mal à l’être à son tour. À noter que cette méfiance s’accompagne aussi d’une introduction des sentiments au bureau: on est de plus en plus copains avec nos collègues, comme pour compenser le manque d’affect dans le monde de l’entreprise en elle-même. D’où l’importance pour les millennials d’une bonne ambiance au bureau.

 

Stratégie anti burn-out


Les Y sont également entrés dans le monde des études/travail au moment où les médias titraient “burn-out: le mal du siècle” sur toutes leur cover. C’est qu’ils ont été prévenus: travailler trop nuit gravement à la santé. Plus que jamais, nous sommes conscients qu’il y a une vie en dehors du 9h-17h, que l’herbe est plus verte ailleurs que dans notre open-space. Les millennials recherchent un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Moins carriériste? Certainement. Mais plus ambitieux, d’une certaine manière. Ce que ne comprennent pas les génération précédentes, qui, à 20 ans, ne comptaient pas leurs heures et apportaient le café sans même espérer un merci.

 

Evidemment, le sujet mériterait qu’on s’y attarde pendant des heures. Naturellement, il est vrai que cette génération, qui est la nôtre, possède quelques gros défauts. L’impatience, notamment, induite par notre capacité à disposer de tout, tout de suite (merci Internet!). Un narcissisme décuplé aussi, incité par une société où l’on doit sans cesse se vendre et marketer son image. Génération selfie oblige. Reste qu’il est aujourd’hui essentiel que les générations se comprennent davantage, que les patrons d’entreprises saisissent ce qui pousse leurs jeunes à démissionner pour en ressortir le meilleur.

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