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FAUT QU’ON PARLE: de l’homosexualité masculine comme sujet tabou dans le sport

Manon de Meersman

Récemment, le nageur olympique canadien Markus Thormeyer a fait son coming-out et pris la parole dans les colonnes de OutSports pour aborder les difficultés de s’assumer en tant qu’homosexuel dans le domaine sportif. Parce que oui, être un homme, être homosexuel et pratiquer un sport en équipe, c’est encore tabou aujourd’hui, contrairement aux femmes, chez qui l’orientation sexuelle pose moins problème.


L’homosexualité comme sujet tabou dans le domaine sportif n’est pas un secret. Si c’en était un, le célèbre joueur de football français Antoine Griezmann n’aurait pas eu à s’exprimer dans le documentaire “Footballeur et homosexuel, au coeur du tabou” en prônant le message: “L’homophobie dans le foot, ça suffit!”. Si c’en était un, le footballeur suédois Albin Ekdal n’aurait pas eu à participer à la conférence “Sport vs homophobie, un match à gagner” en encourageant les joueurs homosexuels à ne pas avoir peur d’être out. Si c’en était un, la Ligue de Football Professionnel n’aurait pas demandé à ses capitaines et arbitres de porter un brassard arc-en-ciel lors de la Journée Mondiale de Lutte contre l’Homophobie.


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Un fossé entre l’homosexualité féminine et masculine


L’homosexualité masculine reste un sujet touchy dans le milieu sportif, et particulièrement dans les sports d’équipe comme le football ou le rugby, entre autres, où l’image de l’homme viril continue de dominer les stéréotypes. Le comble? Cette homosexualité, elle est loin d’être aussi difficile à gérer dans le milieu sportif féminin. Barbara est coach d’une équipe de foot féminine de U9, soit des jeunes filles entre 8 et 9 ans. Elle explique qu’en effet, au niveau féminin, l’homosexualité est un sujet bien plus ouvert que chez les garçons. “Il y a des sports plus que d’autres où l’homosexualité est un gros tabou, déjà simplement dans les sports collectifs. Va parler d’homosexualité dans un club de foot masculin ou un club de basket pour hommes... C’est chaud! Pourquoi? Parce que les garçons ont une image totalement différente de l’homosexualité masculine où c’est presque inconcevable d’avoir un coéquipier gay. C’est vraiment triste et ce sont des mentalités à changer”, explique-t-elle. Marie-Odile pratique également le football depuis des années. “Je n’ai eu aucune difficulté à être out dans mon sport. Je pense que l’homosexualité masculine est moins bien acceptée de manière générale. On entend d’ailleurs très peu d’hommes dans ce milieu qui sont homosexuels.... Une preuve de l’inacceptation?”, se demande-t-elle.

Yannick a pratiqué du volleyball en club pendant plusieurs années. Il a fait le choix de rejoindre le BGS, soit le Brussels Gay Sport, ouvert aux gays et lesbiennes, mais également aux hétéros. La raison? Se sentir soi-même et ne pas avoir peur des jugements. “Dans la plupart des sports, il y a un certain problème avec l’homosexualité et c’est beaucoup plus compliqué du côté masculin, que du côté féminin. De manière générale, l’homosexualité féminine est plus facile à accepter et je pense que cela est dû à la sexualité en tant que telle, et cela va au-delà même du domaine sportif”.

Cette mise en place de clubs insistant sur le fait qu’ils sont ouverts aux personnes LGBT est d’ailleurs la preuve flagrante d’un mal de la société, celle-ci voguant entre ouverture d’esprit et homophobie à la fois, d’un mal profond où la personne homosexuelle se voit encore classée comme une minorité qu’il faut protéger, d’un mal terrible où la communauté LGBT ne peut pas encore jouir des mêmes facilités que les hétérosexuels, à tort. En attendant, des initiatives comme le Brussels Gay Sport rendent la vie de cette communauté bien plus simple, en misant sur la diversité, la mixité et l’inclusion.

Le BGS permet à ses membres de pratiquer des activités dans un cadre convivial et amical, où le plaisir d’être ensemble, d’échanger et de se rencontrer prime sur l’esprit compétitif et parfois exclusif du sport.”


Tanguy pratique le rugby dans une équipe gay inclusive. Faire partie d’un tel club l’a énormément aidé. “Je n’aurais même jamais imaginé faire du rugby dans une équipe hétéro et accepter mon homosexualité en même temps”, explique-t-il. “C’est cette équipe qui m’a aidé à être out dans ma vie privée. Dans le milieu sportif hétéro, pour l’avoir déjà vécu, il y a des problèmes, notamment les insultes qu’on entend. Celui qui est mauvais en sport, c’est pas un mec. Si tu n’aimes pas le foot, tu es PD. Si tu es un peu effeminé, ça, n’en parlons même pas... Puis il y a aussi le problème de la nudité dans les vestiaires”, poursuit Tanguy.

La faute au machisme?


Le gardien de but de hockey Brock McGillis, qui a évolué dans la Ligue junior de l’Ontario avant de rejoindre les Stingers de l’Université de Concordia, pointe du doigt la culture machiste du hockey masculin, mais également du milieu sportif tout court. Ayant lui-même lutté pour s’assumer, il est aujourd’hui conférencier et cherche à démystifier et humaniser le mouvement LGBT dans le domaine sportif de manière générale.

La culture macho est installée dans le hockey. Personne n’ose parler de la réalité homosexuelle. Une bande de gars, laissée à l’aréna, fréquentant toujours le même vestiaire, devient forcément pareille. Mais ce n’est pas tout le monde qui est homophobe”,


explique-t-il, selon le Journal de Montréal. “Il faut humaniser le mouvement, comprendre les diversités et favoriser l’inclusion. Il ne faut pas être effrayé. Il faut réaliser qu’une personne peut s’aimer de cette manière”, poursuit-il. Un documentaire sur le sujet a d’ailleurs vu le jour. Il s’agit de “Franchir la ligne”, de Paul-Emile d’Entremont. “Ce documentaire sur l’homophobie dans les sports explore la difficulté de manifester son orientation sexuelle et les conséquences d’une telle expression de soi au sein de cet univers machiste. Au moyen d’une série de récits personnels émouvants, le film examine le phénomène de l’homophobie à la fois dans les sports d’élite et parmi les étudiants-athlètes, en particulier ceux de l’école L’Odyssée, à Moncton (N.-B.), qui favorise la diversité et l’inclusion”, détaille l’Office National du Film du Canada.

Cette notion de machisme est souvent pointée du doigt comme raison majeure justifiant cette peur d’être out au sein du milieu sportif. Pour Vicky, joueuse de volleyball et coach au sein d’un club liégeois, “certains sports ont en effet plus de difficulté avec l’homosexualité, comme le football, car il n’y a pas mal de matchos”. Marinette Pichon, joueuse de football française évoluant au poste d’attaquante, a d’ailleurs expliqué dans un article le fait que face à l’homophobie dans le football, de nombreux joueurs s’inventent une vie. “Des footballeurs ont peur qu’en révélant leur homosexualité, ils ne soient plus vus comme sportifs de haut niveau, mais simplement comme homosexuels, et directement considérés pour leur orientation sexuelle et pas pour leurs qualités sur le terrain”.

Yannick a réalisé son mémoire de fin d’étude sur un culte de l’image dans la communauté LGBT+ et son lien avec la follophobie (une forme ambiguë d’homophobie et de sexisme propre à l’homosexualité masculine). Cette remise en question de l’image de l’homme, il la connait et il l’a analysée.

Le fait est que l’homosexualité de collègues sportifs fragilise l’hétérosexualité des personnes homophobes. La féminité potentielle d’un homme remet en question la masculinité de ces hommes qui crachent sur les homos et qui ont du mal à accepter cette différence. C’est lié directement au sexisme parce que la féminité est vue comme une faiblesse et que, dans notre société, c’est quelque chose de très négatif”.

Une société genrée, encore et toujours


Il y a dans le milieu sportif ce malaise lié à la répartition genrée et participant à véhiculer des images, faussées de toute évidence, de ce à quoi doit ressembler un sportif et une sportive. Finalement, le problème, c’est toujours le même. C’est celui de vivre dans une société contradictoire, souhaitant d’une part ouvrir les esprits, mais qui continue de véhiculer malgré tout des clichés. La société a le mal du genre, encore et toujours. Une preuve de plus? Raphaël pratique la danse classique depuis des années, un sport dans lequel l’homosexualité masculine ne constitue absolument pas un tabou. “Il y a même un a priori que tous les garçons pratiquant ce sport sont gays, ce qui n’est bien évidemment pas le cas”, explique-t-il.

Si on s’arrête aux clichés, sans connaître la richesse et la diversité des compétences que la danse classique mobilise, elle peut être perçue comme féminine. Au-delà de la légèreté, voire de la délicatesse apparente, c’est un sport qui requiert de nombreuses autres aptitudes comme la force, l’endurance, la concentration et une grande rigueur.”


poursuit-il. Pour lui, le mal du genre est bel et bien le point noir du tableau. “La construction des genres dit que les petits garçons font du foot et les petites filles de la danse. Si on a grandi cadenassés dans ces préceptes ou qu’on est face à des personnes avec ces mentalités, je pense qu’il est plus difficile d’assumer sa différence au sein d’un groupe”, conclut-il à ce propos.

Lutter contre les clichés et ce besoin sociétal de classer les personnes dans des cases continuellement, voilà la mission première pour cesser de faire de l’homosexualité un tabou dans le milieu sportif. Grâce à des discours comme ceux de Griezmann, Ekdal, McGillis et tutti quanti, une volonté de tacler le problème de front se dégage. Des petites actions, des grandes paroles... Tout compte lorsqu’il s’agit de donner les clés d’une identité sans mal-être et sans jugement. Être qui nous sommes ne devrait jamais être considéré comme une tare. “Car ce qui compte finalement dans le sport c’est de bouger, de se sentir bien et d’exprimer sa passion, explique très justement Raphaël. La sexualité des personnes hétérosexuelles n’est jamais remise en question ou n’intervient pas dans le choix de leurs hobbies. Pourquoi l’inverse serait-il applicable aux personnes homosexuelles?”.

 

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