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© Illustration of black-haired woman with red lips and pixie hairstyle

FAUT QU’ON PARLE: mes cheveux courts ne font pas de moi une lesbienne

Manon de Meersman
Alors que je récoltais des informations pour un futur article sur le coming-out, une réflexion m’est venue grâce au témoignage de l’une des personnes que j’interrogeais. Pourquoi établit-on une corrélation entre l’apparence physique et l’orientation sexuelle?


À vrai dire, cette réflexion, je l’ai déjà en moi depuis un petit temps. Depuis que j’ai réalisé que j’étais homosexuelle, en fait. J’ai les cheveux longs, je me maquille, je porte des robes, j’adore les bijoux et il m’arrive même de mettre du vernis. “Ah, mais toi t’es lesbienne? T’as pas du tout la tête, on dirait vraiment pas!”. Cette phrase a officiellement été élue celle la plus entendue depuis que j’ai fait mon coming-out. D’où ma réflexion aujourd’hui: pourquoi commet-on l’erreur d’associer l’orientation sexuelle d’une personne à son apparence physique?

Une association évidente (ou pas)


Sarah a décidé de se couper les cheveux tout courts il y a quelques années. “C’était en fin de master. Les gens de mon entourage, qui savent que je suis avec un garçon, m’ont juste charriée en m’appelant ‘Monsieur’ quand je me suis fait couper les cheveux très très courts, à l’été 2018. Ça ne me vexait pas. En revanche, j’ai  remarqué, bien que l’on me dise que ça m’allait bien les cheveux courts, qu’on me draguait beaucoup moins”, explique Sarah. En réalité, au-delà de ses cheveux courts, énormément de monde a pensé qu’elle était lesbienne, bien avant qu’elle décide de les couper.

Fin des secondaires et début du supérieur, je n’arrivais pas à me fixer avec quelqu’un. Du coup, comme je ne présentais jamais personne à ma famille, mon oncle s’est mis à plaisanter sur le fait que je ne devais pas avoir honte de présenter ma copine. C’était bienveillant vu son humour, je ne l’ai donc jamais mal pris. Mais je crois qu’au fond il y croyait un peu. Une idée qui a du faire son chemin dans l’esprit de mes parents. Mais ils ne m’en ont jamais parlé.”


Au fil du temps, Sarah a appris à gérer les remarques à l’égard de son physique. Elle en fait même une force, allant jusqu’à confronter à ces clichés les personnes qui s’interrogent sur son orientation sexuelle. “Des fois, je parle avec des mecs avec qui je sympathise en soirée, en tout bien tout honneur. D’emblée, après quelques minutes, soit ils lâchent ‘je croyais que t’étais lesbienne’, soit c’est moi qui leur demande ‘tu crois que je suis lesbienne, pas vrai?’. La plupart du temps, la réponse est positive”.

De l’homophobie ordinaire


Si ces remarques peuvent paraître banales en apparence, celles-ci sont pourtant loin de l’être. On parle beaucoup à l’heure actuelle du sexisme ordinaire et du racisme ordinaire. Beaucoup moins de l’homophobie ordinaire, tout aussi présente au sein de notre société. En véhiculant des clichés sur le physique des personnes homosexuelles, cela renforce non seulement des stéréotypes que l’on tente de désancrer, mais en plus, cela ne facilite pas la tâche des personnes découvrant leur sexualité. “Au début, lorsque j’essayais de m’assumer, ça m’a vraiment fait du bien de voir qu’il y avait des filles féminines qui, en effet, sont avec des filles”, explique Kelly.

Lire aussi: “7 phrases que les lesbiennes en ont marre d’entendre” 

Les réflexions sur le physique d’une personne homosexuelle relèvent purement et simplement de l’homophobie ordinaire. Demander à une fille qui a les cheveux courts si elle est lesbienne, ou demander à un garçon qui porte des cols en V près du corps s’il est gay, ça revient à véhiculer des clichés encore bien trop ancrés, incitant à l’homophobie, avant même qu’on ait le temps de s’en rendre compte. Ce combat, c’est un combat quotidien pour la communauté LGBT. “Quand j’étais petite, j’étais un peu garçon manqué et je me suis battue aussi avec moi-même pour être davantage féminine. Quand je tiens la main de ma copine, j’aime renvoyer l’image du ‘bah non, c’est pas que les filles aux cheveux courts, que du contraire”, explique Sueli, la petite amie de Kelly. Le problème, c’est que l’apparence physique est la première information que l’on détient sur quelqu’un qu’on ne connaît pas. “On se scrute, on se fait tous une idée des personnes que l’on a en face de soi, on ‘fantasme’ sur leur vie et ce qu’ils sont avant d’apprendre à les connaître. Et ça va au-delà de l’aspect de l’orientation sexuelle”, explique Sarah.

Lorsque je discute de ce sujet avec Robin, l’un des témoins pour mon article sur le coming-out, il s’étonne, tout en rigolant, de cette question d’apparence.

Ah bah, il n’y a pas un pattern lesbienne. Le cliché c’est quoi? Celui de la camionneuse et qui parle d’une voix grave et qui emprunte les traits d’un mec? Il n’y a pas un modèle à suivre pour être homosexuel. Tout le monde peut être gay”


s’exclame-t-il. Et c’est là où il met le doigt sur un point fondamental du problème: tout le monde peut être gay, mais la société en a décidé autrement, en cherchant à mettre tout le monde dans des cases.

Une société définitivement genrée


Soumise aux stéréotypes de genre et de sexe, la société a oublié qu’une apparence physique est loin de définir la personne que l’on est. Elle a fait le choix de classer les personnes et de leur coller des étiquettes. Un exemple récent? Cette étude de Michal Konsinki et Yilun Wang, chercheurs à l’Université de Stanford en Californie, qui assure avoir conçu un programme d’intelligence artificielle capable de détecter, sur base du visage de la personne, si cette dernière est homosexuelle ou non.

En adéquation avec la théorie des hormones prénatales sur l’orientation sexuelle, les homosexuels et les lesbiennes tendent à avoir des morphologies faciales, des expressions et des apparences faciales atypiques pour leur genre.”


expliquent-ils dans leur étude, selon Le Monde. Bien sûr, cette étude a fait polémique et a rassemblé pas mal de détracteurs, mais la réalité est telle: notre société a le mal du genre. Définitivement. Pourtant, “ce n’est pas comme si l’homosexualité était spécialement visible non plus”, commence Victoria, l’une des jeunes filles que j’ai également interrogée pour mon article. “Mais par contre du coup, on se retrouve confrontés à des réactions inconsciemment homophobes de type ‘ah mais ça se voit pas, j’aurais pas dit!’. C’est-à-dire que si j’aime les femmes, je suis supposée porter un tatouage I love mum, faire de la moto et me dessiner des poils de barbe tous les matins?”. 

Du positif malgré tout


Heureusement, tout n’est pas noir dans ce tableau. Notre société est genrée et le restera certainement encore longtemps, mais chaque petit pas est une victoire. “Des filles comme ma copine et moi, qui sommes féminines, ça casse justement les stéréotypes. C’est bien que l’on reste visibles, que l’on montre que oui, il y a des filles féminines et que ces filles peuvent aussi sortir avec des filles féminines, et des mecs masculins qui peuvent sortir avec des mecs masculins”, détaille Sueli. Les générations qui nous précèdent ont d’autres représentations que celles que nous avons aujourd’hui. Le sujet de l’homosexualité est d’ailleurs de plus en plus décomplexé et des efforts sont faits pour rendre le monde davantage inclusif.

Lire aussi: “10 évènements qui ont fait avancer les droits LGBT au cours de la décennie” 

Pour Elodie, qui a toujours su qu’elle aimait les femmes, “Chaque personne est libre et de faire ce qu’elle veut et basta!”. Un message clair, net et précis, qui devrait devenir le mojo de la population mondiale entière. De cette manière, il n’y aurait même plus à préciser si on est homosexuel, bisexuel, hétérosexuel, pansexuel, sapiosexuel ou que sais-je encore, et les clichés n’auraient définitivement plus leur place. Un jour peut-être, qui sait...

Il n’y a pas de petites victoires:


 

 

 

 

 

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