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Sexisme, homophobie, racisme… On a revu la Star Academy 1

Justine Rossius


On a revu les trois premiers Prime Times de le Star Academy 1 et on a eu un peu du mal à digérer ce ramassis de clichés sexistes et d’hypersexualisation de la femme. Force est de constater que l’émission culte de notre enfance a très mal vieilli. Et on s’en réjouit.



Il y a quelques jours, Endemol, société de production de Star Academy, mettait en ligne gratuitement les fameux “primes” de l’émission Star Academy, nous offrant là le plaisir coupable idéal du confinement. Parce que plaisir il y a, en redécouvrant la voix cristalline d’Olivia, la nonchalance de Patrice (cœur avec les doigts), Matthieu Gonet (mais si! Le pianiste, rappelez-vous), les jeux de séduction entre Jenifer et Jean-Pascal, les danses folles d’Alexia Laroche-Joubert, la dirlo’, sur son petit tabouret, sans oublier les coiffures des candidates, qui nous font dire que les pinettes et les tubes de laque ont failli ruiner TF1. Ça, c’était pour les joies prédictibles. Mais il y en a une à laquelle on ne s’attendait pas; c’est de voir à quel point les féministes ont bien bossé depuis 19 ans.

 



 

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“1,58 m, 48 kg, 90 C”


Nous ne l’avions jamais autant conscientisé: l’émission présentée par Nikos Aliagas est dégoulinante de caricatures sexistes. Et si on était peut-être trop jeunes pour s’en rendre compte (8 ans, pour ma part…), on se demande comment l’émission n’a pas suscité de tollé à l’époque. Il y a d’abord cette histoire incroyable: dans la première émission, chaque candidat a droit à son portrait, dans lequel la production indique le prénom du candidat, son âge, sa ville d’origine et… un “signe particulier”. Pour Jenifer, grande gagnante de la première édition, il s’agit de ses mensurations : “1,58 m, 48 kg, 90 C”. Oui, vous ne rêvez pas: la taille de bonnet de cette toute jeune adulte de 18 ans est dévoilée à des millions de téléspectateurs, sans le moindre commentaire explicatif à ce sujet (la séquence est à revoir ci-dessous, à 2h02) Sur sa photo, Jenifer est justement affublée d’un… bonnet. Soit elle est championne de natation et ça nous a échappé, soit il s’agit d’une blague de mauvais goût des monteurs. Pour aller plus loin dans la caricature, la jeune femme est présentée comme étant “accro au shopping”: elle dépenserait toute sa paie dans des vêtements.

 

https://www.youtube.com/watch?v=-dquSZWVa6o&t=275s

Un nude en plein Prime


Autre moment terriblement malaisant: celui où Nikos Aliagas dévoile une photo nue de Sidonie, autre candidate de la première édition (à 1h35). Niveau respect de l’intimité, c’est pas très joli-joli. Mais le plus aberrant reste sans doute la réaction de la candidate, qui explique, visiblement gênée, avoir envoyé cette photo à la production, à défaut d’une vidéo d’elle en train de chanter:

J’ai fait une petite ruse, parce que je savais qu’il y avait des garçons dans la production et je savais que ça pouvait marcher.


“Bien joué”, s’exclame alors Nikos, provoquant un tonnerre d’applaudissements dans le public. Ou comment avouer à la France et la Belgique entières, que les responsables des castings étaient véritablement des gros pervers, n’hésitant pas à juger une femme à sa paire de seins, une seconde fois. L’hypersexualisation de la candidate va plus loin encore, puisqu’elle est filmée dans son bain dans son portrait de présentation. Rapport à la musique (oui, la musiqueuuuh):  Choucroute!

 

Jalouse, possessive et maniaque du ménage


Finalement, aucune candidate n’échappe véritablement aux clichés sexistes, rentrant chacune dans une petite case de la “femme parfaite”, terriblement imparfaite. Les fameux “portraits” en sont la parfaite tribune:  il y a Amandine, dont la particularité est — tenez-vous bien — de collectionner ses petites culottes (wtf?). Olivia Ruiz est quant à elle décrite comme étant “possessive et jalouse”, Sidonie, elle, “tombe amoureuse tous les deux jours” tandis que Jessica est une “maniaque du ménage “. Chez les mecs, ça schlingue aussi le stéréotype à plein nez: il y a Stéphane, qui est “prêt à tout pour réussir”, l’ambition étant une affaire d’hommes. Grégory est quant à lui « l’intello de la bande » (sans doute parce qu’il porte des lunettes et que la possession d’un cerveau est elle aussi réservée aux mecs, les femmes étant bien trop occupées à collectionner leurs petites culottes), Jean-Pascal « suce toujours son pouce » car c’est un éternel gamin, comme toute la gent masculine, dixit le dico’ des clichés toujours.

 

“Les noirs, levez la main s’il vous plaît”


Les préjugés concernant les homosexuels n’échappent pas à la production non plus, notamment pour Djalil, dont le « signe particulier » est d’aimer le… rose. Une manière à peine dissimulée de réduire le candidat à son orientation sexuelle. La palme de la gênance revient peut-être aussi au moment où François, candidat, réalise ce qu’il appelle un « tour de magie » en demandant à toutes les personnes noires dans le public de lever la main (à 1h53, dans le prime 2). Parce qu’un des nominés de la semaine est d’origine africaine… Il appelle ensuite les Maghrébins à faire de même, et puis aux… Français. Et de conclure… « Mais surtout, la chose la plus importante de la vie… Les êtres humains, levez-la main ». On a un peu du mal à voir où il veut en venir avec son discours parfaitement inutile, qui semble davantage diviser que fédérer.

 

https://www.youtube.com/watch?v=oJD54JX7Jaw

 

 

On vient de très loin


Au premier abord, ces « dérapages » datant de 2001 pourraient nous pourrir le moral, mais si l’on regarde les progrès accomplis en 19 ans seulement, il y a de quoi se réjouir. Nous sommes beaucoup à avoir été biberonnés par ces télé-crochets machistes au possible et nous avons réussi à changer notre regard. Et c’est si encourageant. Ces réflexions ont laissé des milliers de téléspectateurs de marbre à l’époque, tous anesthésiés par ce que la société nous faisait déjà avaler de conneries sexistes en permanence. Aujourd’hui, la télévision a beau rester l’un des plus gros vecteurs de stéréotypes, pas le tiers de ces remarques ne pourrait passer sans provoquer un déferlement de colère. Impossible désormais de regarder ces images sans rigoler et se sentir outré par ce monde dépeint en noir et blanc. La façon dont la Star Academy décrit les femmes est aussi dépassée que les coiffures des candidats. Et un retour en arrière semble impossible, tant pour le sexisme que les brushings. Aujourd’hui, on l’espère, Jenifer se serait levée et se serait cassée, et nous l’aurions toutes suivie.



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