Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
Alt_Enola Holmes
 ©Netflix

ENOLA HOLMES : voici la véritable histoire de Sarah Chapman

Ana Michelot
Ana Michelot Journaliste

Le film « Enola Holmes 2 » vient de faire son arrivée sur Netflix et rencontre déjà un franc succès. Dans ce second volet, des faits réels de l’Histoire d’Angleterre sont exploités à travers le personnage de Sarah Chapman. Mais qui était-elle réellement ?

Dès le début du film, le nom de Sarah Chapman est prononcé. Alors qu’Enola Holmes peine à trouver des clients pour sa propre agence de détective, elle est approchée par Bessie. La petite fille explique avoir besoin des services d’Enola Holmes car sa soeur Sarah a disparu. Mais quelle est la véritable histoire de Sarah Chapman ? 

Comme dans le film Sarah Chapman est une employée de l’usine d’allumettes Bryant & May depuis ses 19 ans, à la fin du XIXe siècle à Londres. Alors que les ouvriers de l’usine travaillent des heures durant dans des conditions extrêmement dures pour un salaire minime, certains d’entre eux décèdent dans d’étranges circonstances. Des morts mystérieuses qui sont très vite associées au typhus, mais qui en réalité sont provoquées par un composant chimique toxique, le phosphore blanc, utilisé pour la fabrication des allumettes car il rend les têtes d’allumettes plus faciles à enflammer. 

L’exposition à ce dernier provoquait une nécrose appelée « mâchoire malsée » qui entraînait une défiguration faciale et des lésions cérébrales fatales.Les propriétaires de l’usine n’auraient pas signalé ces cas d’empoisonnement et les auraient même, selon les archives, « délibérément et systématiquement dissimulés ou supprimés ».

Lire aussi : Netflix dévoile les coulisses du film « Enola Holmes 2 »

Une grève sans précédent

Selon “The Matchgirls Memorial”, la Fabian Society, une organisation sensibilisant les ouvriers à la grève, aurait tenu une réunion avec des employés afin de discuter de leurs conditions de travail. Le membre Henry Hyde Champion y a révélé les bénéfices astronomiques que l’entreprise engrangeait tout en employant des personnes dans de terribles conditions, ce qui aurait encouragé certains à se mettre en grève. En apprenant cela, Annie Besant, militante pour les droits des femmes, rencontre des ouvrières en dehors de l’usine et les interroge sur leur travail, afin d’ensuite publier un article sur les conditions réelles dans l’usine dans le journal « The Link » en juin 1888. 

L’article est intitulé « Esclavage blanc à Londres » et fait grand bruit, au point que les gérants de l’usine tentent de faire signer aux ouvriers un rapport prouvant le contraire de ce qui est énoncé dans l’exposé. Les employés refusent et lorsque l’une d’entre eux est renvoyée, le 5 juillet 1888, 1 400 femmes et filles ouvrières défilent dans les rues pour protester contre ce licenciement et leur traitement global sur leur lieu de travail. Une action qui, comme le décrit le film, a été « la toute première action industrielle entreprise par des femmes pour des femmes ». Vous vous en doutez, Sarah Chapman fait bien partie de ce groupe de femmes.

Sarah Chapman, figure de proue du mouvement

Cette grève sera nommée la grève des « Matchgirls », soit filles aux allumettes, et va bouleverser le monde ouvrier anglais et permettre une grande avancée en matière de droits des travailleurs. Comme le précise le film, cet événement “a amélioré leurs conditions de travail pour toujours ». Selon le Matchgirls Memorial, après cet épisode, environ 200 femmes et filles ont marché jusqu’au bureau d’Annie Besant, et trois femmes, Mary Naulls, Mary Cummings et Sarah Chapman, y sont entrées afin de discuter de la formation du comité de grève des Matchgirls, qui sera fondé le 8 juillet 1888. Après cela, Annie Besant amènera même 56 filles et femmes, dont Sarah Chapman, à la Chambre des communes pour rencontrer des députés. 

Le syndicat « Matchmaker’s Union », soit l’Union des fabricants d’allumettes, est fondé et Sarah Chapman en est la première représentante élue. Une semaine plus tard, le comité de grève et le London Trades Council rencontrent Bryant et May pour convenir de conditions, qui comprenaient, entre autres, que toutes les amendes pour les travailleurs soient abolies, que toutes les femmes qui ont fait grève soient réembauchées, et que l’entreprise fournisse des outils clé comme la peinture et les pinceaux. 

Quant au phosphore blanc, il sera bien interdit, mais seulement une dizaine d’années plus tard en 1901. De son côté, Sarah Chapman demeure une icône du combat pour les droits des femmes et des travailleurs et travailleuses. Cette grève reste un épisode symbolique de l’Histoire et une plaque commémorative a été apposée sur l’ancienne usine de Bryant et May le 5 juillet 2022, pour rendre hommage à cette grève.

Vrai/ faux entre le film et la réalité

Si Sarah Chapman a bel et bien existé et a participé aux événements dépeints dans “Enola Holmes 2”, il faut savoir qu’elle n’a en réalité jamais disparu. Elle n’était pas non plus dans une relation amoureuse avec le fils du propriétaire de l’usine, mais bien mariée à un ébéniste. Et selon les sources officielles, elle n’a pas non plus été mêlée à des énigmes, ni à une affaire de meurtre. Mais elle a bel et bien été une des figures de proue du mouvement de grève qui a contribué à changer les conditions de travail et à obtenir de véritables droits. 

Lire aussi :

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires