Et si se faire passer pour un juif en pleine Guerre était la solution pour survivre? C’est avec ce pitch que Benoît Poelvoorde a directement accepté de jouer dans La Bonne Étoile, le dernier film de Pascal Elbé. Rencontre avec les 2 acteurs.
Benoît Poelvoorde
Pourquoi avoir accepté ce rôle?
Benoît Poelvoorde « Pour le pitch! Avant même de lire le scénario, j’ai tout de suite aimé l’idée. Un type qui décide, en 1940, de se faire passer pour un juif? C’est vraiment la pire idée qu’on puisse avoir! Il faut vraiment être très con pour faire ça. Quand Pascal Elbé est venu m’en parler ici à Bruxelles, j’ai été conquis par l’idée. Et le scénario qui a suivi était à la hauteur. »
C’est difficile de trouver le bon équilibre entre l’humour et l’Histoire?
« Ça n’a pas été difficile pour ma part, parce que j’allais d’aventures en aventures en avançant dans le tournage. Moi, par exemple, je suis catholique, et sincèrement, je n’y connaissais rien aux pratiques juives. J’apprenais en même temps que mon personnage. Je me posais réellement plein de questions, et à côté de ça, faire l’imbécile, le crétin, c’est mon fonds de commerce, ma boutique. Je ne suis pas sûr qu’on me suivrait dans un personnage courageux. »
Ça vous plairait?
« Non, je pense vraiment que ce serait une faute. Je me trompe peut-être, mais je n’ai jamais joué un mec qui faisait preuve de courage ou d’héroïsme. »
Qu’est-ce qui vous donne envie d’accepter un rôle?
« Alors j’ai un peu tendance à aller vers des projets qui m’amusent. Je me cache un peu dans l’alibi du plaisir. C’est une forme de paresse. Pour l’instant, je suis dans une période où je doute, on me propose beaucoup de choses, mais j’évite ce qui me fait peur, parce que ça m’angoisse. Je ne veux pas sortir de ma zone de confort. »
Pour revenir à Jean Chevalin, votre personnage dans La Bonne Étoile, pensez-vous que, face aux dangers, on soit prêt à tout pour survivre?
« Peu importe la situation dans laquelle on se trouve, c’est angoissant de se retrouver face à l’absurdité de la mort. Est-ce que je serais héroïque, moi je pense que non. Je ressemble peut-être bien à mon personnage. »
Est-ce que c’est un atout aujourd’hui dans le métier d’être un acteur belge?
« Les Français aiment beaucoup les Belges, et sincèrement, je peux comprendre. On a un côté qui rassure. On se prend moins le crâne et on a un côté sympathique. Un Belge qui se la pète, ça n’existe pas, ou alors c’est vraiment un con. »
On vous prend parfois pour un acteur français?
« Ça, c’est impossible! Je suis né en Belgique, je vis en Belgique, je suis 100 % Belge, ça se sent, ça se sait. D’ailleurs, où que je sois, je reconnais un Belge dans la seconde. Et puis, de toute façon, il n’y a rien de pire qu’un Belge qui se prend pour un Français. Ils se reconnaîtront… (rires)! »
Qu’est-ce que vous aimeriez dire au Benoît de 20 ans?
« Tout ça pour ça! (rires) Non, je rigole. Je lis un livre pour le moment dans lequel l’auteur dit que, la vie de couple, c’est comme un U. On s’éclate à 20 ans, puis on a un gros creux à 40, et à 60, c’est de nouveau le top. Côté carrière, je pense que c’est un peu la même chose. Quand j’avais 20 ans, j’avais une totale insouciance, je n’avais aucunement l’intention de devenir acteur. C’est un peu comme mon personnage dans le film. On m’a demandé de faire la guerre, je l’ai fait. On me prend pour un passeur, alors je serai passeur. Puis pour un résistant, et j’y vais. C’est pareil pour moi, j’ai accepté de devenir acteur, je ne sais pas très bien pourquoi, et finalement, ça a dessiné toute ma carrière. Si on revient à mon U, je vais arriver dans les plus belles années, avec la même fantaisie que j’avais à 20 ans. Quand j’ai fait C’est arrivé près de chez vous, je n’en avais rien à faire du métier d’acteur, mais j’y ai pris tellement de plaisir que je dirais au jeune moi qu’il y aura des bas, mais surtout plein de hauts, alors qu’il évite juste les creux. »
Pascal Elbé
C’est vous qui avez réalisé le film La Bonne Étoile, quel message avez-vous voulu transmettre?
Pascal Elbé « Je n’aime pas trop l’idée d’un message. Je préfère l’idée de laisser une impression ou une sensation. J’aimerais qu’à la fin du film, les gens réfléchissent et se demandent comment ils auraient réagi en pleine guerre. J’aime bien l’idée de ces prises de conscience… »
D’où est venue l’idée?
« J’ai entendu des gens dire un jour qu’il ne fallait pas s’inquiéter pour les juifs, ‘puisqu’ils s’en sortiront toujours’. Ça m’a blessé. On a tous plein de clichés en tête sur telle ou telle nationalité. J’ai eu envie de sortir de ces clichés en répondant à cette question: qui peut être assez bête en 1940 pour penser que sa porte de salut, c’est de se faire passer pour un juif? »
Et comment le personnage principal évolue-t-il avec cette idée?
« Chevalin (interprété par Benoît Poelvoorde, ndlr), c’est quelqu’un qui fait ce qu’il peut. Il est un peu lâche, il essaie de se dépatouiller pour s’en sortir et faire vivre sa famille. Petit à petit, il va se dépouiller de ses idées reçues au contact des autres pour finalement se rendre compte des choses. »
Pourquoi Benoît Poelvoorde?
« Parce que c’était un fantasme (rires). Je rêvais de le rencontrer. Je trouve qu’il est le digne héritier de tous nos grands clowns que nous avons eus, de Chaplin à Bourvil ou de Funès. Il a une singularité dans sa fragilité, sa faiblesse, sa générosité. Il ne le sait peut-être pas, mais il a la marque des grands. Quand je l’ai rencontré pour la première fois ici à Bruxelles, je n’ai pas été déçu! »
Vous jouez dans votre propre film. C’est difficile d’avoir les 2 casquettes?
« Oui, mais après avoir abattu 1000 murs pour mettre ce projet sur pied, j’ai eu envie moi aussi d’aller jouer avec les acteurs choisis. La seule chose à laquelle il fallait que je fasse attention, c’était de prendre du plaisir. Et j’ai adoré ça. C’était un peu fou, mais aujourd’hui, je peux passer de l’avant à l’arrière de la caméra. Sur mon 2e film en tant que réalisateur, je devais jouer le rôle principal, mais 2 mois avant le tournage, j’ai pris Vincent Elbaz que je sentais mieux dans le personnage. C’est aussi le rôle du réalisateur, de bien choisir ses équipes. »
Pourquoi avoir tourné dans les Vosges?
« D’abord parce que les Vosges étaient un réel point de passage pour passer en zone libre en temps de guerre, et ensuite, parce que c’est une région qui n’a pas beaucoup bougé. Elle est dans son jus. C’est assez émouvant de tourner dans des rues qui ont réellement traversé l’histoire qu’on raconte. »
Comment passe-t-on de l’Histoire à la fiction?
« On parle d’une partie réelle de l’Histoire, mais on n’est pas dans un documentaire. L’humour, par exemple, est arrivé plus tard dans l’écriture. Je me suis d’abord concentré sur les faits, je me suis énormément documenté. J’étais content aussi de mettre une femme à la tête d’un réseau de résistance. C’était une façon de moderniser le récit et de rendre hommage à toutes ces femmes qui ont pris part à la résistance et dont on parle finalement assez peu. »
La Bonne Étoile, en salles dès le 12 novembre. Pour voir la bande annonce, c’est par ici.
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