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FLAIR BOOK CLUB: une BD sur la photographe Vivian Maier

Julie Braun
Julie Braun Journaliste

Marzena Sowa et Émilie Plateau nous racontent en BD la vie de Vivian Maier. Cette nounou a pris des milliers de photographies tout au long de sa vie. Et son l’œuvre phénoménale a été découverte à sa mort, en 2009. Elle dresse un portrait unique des États-Unis de l’époque.

La BD “Vivian Maier, Claire-obscure plonge dans la vie de celle qui est passée du titre d’illustre inconnue à celui de plus grande photographe de rue du 20e siècle. Vivian Maier était une femme libre, drôle, cultivée, intéressée par son époque, sur laquelle elle portait un regard vif. Elle est morte dans la misère, à 83 ans. Ce n’est qu’ensuite qu’un jeune agent immobilier, John Maloof a acquis quelques-uns de ses cartons de négatifs et de pellicules remisés dans un garde-meuble. Intrigué, il est parti en quête de cette mystérieuse photographe. Il en a fait un documentaire: “À la recherche de Vivian Maier“. Et elle a reçu le succès qu’elle méritait.

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Interview des autrices de la BD “Vivian Maier, Claire-obscure”

Marzena Sowa (scénario) et Émilie Plateau (dessin) nous offrent avec “Vivian Maier, claire-obscure”, un roman graphique qui emprunte son regard. Les dessins minimalistes, minutieux, s’inspirent de son cadrage et jouent avec les plans (et les couleurs) pour nous plonger dans le présent, le passé (notamment en France, où elle a passé 6 ans) et dans ses photographies.

Quelle a été votre première rencontre avec l’œuvre de Vivian Maier?

Émilie Plateau: “C’était il y a une dizaine d’années, par biais d’une amie. J’ai recherché d’autres photos, des articles de presse… J’étais complètement fascinée. Ensuite, j’ai vu le documentaire de John Maloof, qui m’a vraiment interpelée quant à son parcours.”

Marzena Sowa: “Moi c’était en 2009 quand, il y a eu le buzz de sa découverte. J’ai lu un article parlant de cette mystérieuse nounou qui avait pris des milliers de photos, qui venaient d’être découvertes. J’ai trouvé cette histoire magnifique.”

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire sur elle?

Émilie Plateau: «Après ma bande dessinée Noire, publiée chez Dargaud, j’avais envie de faire une BD sur Vivian Maier, mais le travail me semblait vertigineux. Lors d’une Fête de la BD (à Bruxelles, BD Comic Strip Festival, ndlr), j’ai expliqué à Marzena que je n’étais pas satisfaite de la dizaine de planches que j’avais déjà dessinées. On en a discuté et il y a eu une émulation. On s’est envoyé des messages jusque tard dans la nuit. Une semaine plus tard, je lui ai proposé qu’on y travaille ensemble.”

Marzena Sowa: “De mon côté, je cherchais justement à travailler sur une biographie. Et Vivian Maier est une personnalité très intrigante, que j’ai eu envie de découvrir. Au départ, j’ai pensé que ça allait être simple, qu’il y avait tout à raconter, à inventer, puis je me suis rendu compte à quel point ça allait être vertigineux.”

Qu’est-ce qui était difficile?

Émilie Plateau: “On a beaucoup dit, beaucoup supposé de choses à propos de Vivian Maier, que ce soit dans le documentaire ou d’autres biographies. Il y a ce côté femme mystérieuse, que certains considèrent parfois même comme folle. Elle n’a pas voulu développer toutes ces photographies, pas cherché à être connue… Et puis il y a énormément de documentation qu’il a fallu défricher pour s’approprier le personnage.”

Marzena Sowa: “En plus de toute la documentation disponible, on a ses photographies, très nombreuses, qui permettent de la suivre, d’accéder à sa façon de voir le monde.”

Émilie Plateau: “C’est d’ailleurs quelque chose qui nous rassemble: Marzena – qui a une formation de vidéaste et qui a déjà tourné 2 documentaires – et moi, on prend beaucoup de photos de scènes de rue, de détails du quotidien.”

Marzena Sowa: “Mais à l’époque, elle n’avait pas de smartphone! Avec son appareil Rolleiflex, elle a pris des milliers de photos qui sont juste grandioses. Or c’est un appareil très difficile à utiliser. Son travail porte bien au-delà du cadrage. On a aussi eu la chance d’entrer en contact avec Françoise Péron, sa biographe. Elle a été incroyablement disponible pour nous. On s’est notamment rendues chez elle, qui habitait justement là où Vivian Maier a grandi, de ses 6 à ses 12 ans.”

Émilie Plateau: “On avait vue sur le village qu’elle a photographié lorsqu’elle était jeune. On a vu les routes sur lesquelles elle a fait du vélo, le cimetière où sa grand-tante est enterrée. C’était très émouvant.”

Retrouvez aussi notre interview d’Émilie Plateau pour sa BD dont vous êtes l’héroine.

Le fait que Vivian Maier était une femme libre, faisant notamment le choix de vivre sans mari, sans enfants, ça vous a aussi attirées?

Marzena Sowa: “Elle appréciait la solitude. Son travail de nounou était alimentaire. Son mode de vie étonne moins aujourd’hui (c’est d’ailleurs le mien), mais à l’époque, c’était rare. Je pense que la famille dont elle venait, le divorce de ses parents, ont influencé sa façon de vivre.”

Émilie Plateau: “On la considérait comme une marginale, une farfelue. Elle emmenait d’ailleurs parfois les enfants dont elle s’occupait dans des zones un peu sensibles. Et elle a fait un tour du monde seule. Ça témoigne d’une grande force et d’une grande liberté de sa part.”

C’est particulier de raconter la vie de quelqu’un qui a existé?

Marzena Sowa: “J’ai déjà beaucoup travaillé sur l’autobiographie (notamment avec la BD qui l’a fait connaître, Marzi, parue chez Dupuis, ndlr), aussi à travers mes documentaires… Et j’aimerais en écrire encore. Par exemple, j’ai beaucoup écouté Madonna pendant mon adolescence et j’adorerais faire sa biographie. Où celle de Tove Jansson, la créatrice des Moumines. J’aime plonger dans la vie d’une femme, investiguer. Avec Vivian Maier, plus j’en apprenais, plus j’avais envie de savoir.”

J’ai mis une année entière à me documenter. Apprendre la grammaire de quelqu’un d’autre, essayer de devenir l’autre, c’est très riche.

Marzena Sowa

C’était important que ce soit une femme?

Émilie Plateau: “Pour moi, oui. Les hommes sont toujours mis en avant alors qu’on parle très peu des femmes dans l’histoire artistique. C’était une forme d’engagement.”

Comment dessine-t-on quelqu’un qui a existé, qui plus est une photographe?

Émilie Plateau: “J’ai regardé énormément de ses photos, tous les jours, mais aussi des captures d’écran du documentaire. C’était assez compliqué, au début de me plonger dans son regard d’artiste. Dans le livre, je n’ai pas redessiné des photos – pour une question de droits – mais j’ai fait ‘à sa manière’. J’ai pioché dans les détails de ses photos (caniche, pot de fleur, poubelle, journaux, ombres…). J’ai aussi dressé la liste des photos que Marzena et moi aimons. On peut les retrouver sous la forme de photos et au fil de la BD.

Pour le découpage, contrairement à mon habitude, j’ai construit beaucoup en ‘carrés’: comme le format photo qu’elle utilisait, mais aussi comme des auteurs américains comme Chris Ware ou le Canadien Seth. Et avec des étapes, des détails. Et puis, on a tenté de cerner sa psychologie, mais aussi sa façon de s’habiller, de marcher. On a plongé dans ses enregistrements pour comprendre sa diction…”

Marzena Sowa: “On voulait tout savoir d’elle.”

“Vivian Maier, Claire-obscure”, Marzena Sowa et Émilie Plateau, est paru aux éd. Dargaud. Feuilletez l’album sur le site de l’éditeur.

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