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Témoignage: ““Je souffre d’horribles accouphènes””

Barbara Wesoly

Rentrer à la maison après une soirée en boîte ou un concert et se jeter dans votre lit, les oreilles encore emplies du bourdonnement continu de la musique. Le lendemain heureusement, ce son parasite a disparu. Mais si ce n’était plus le cas après la prochaine fiesta? Alice, 23 ans, raconte le cauchemar de cette gêne permanente.


“Le Pukkelpop 2015 touchait à sa fin, quand tout à coup j’ai senti qu’il y avait un problème avec mes oreilles. Elles sont devenues très douloureuses et bourdonnaient intensément. J’ai également commencé à avoir la migraine. J’avais pourtant porté des bouchons durant pratiquement toute la durée du festival. Même s’ils étaient bon marché, ils provenaient de la pharmacie et comme je m’étais protégée, je ne me suis pas inquiétée démesurément. Jusqu’au lendemain, quand j’ai réalisé que ces bourdonnements parasites étaient toujours là. L’une de mes amies avait souffert d’acouphènes suite à un festival l’année d’avant. Je connaissais donc les risques. De plus, mes amis et moi ne restions jamais à proximité des baffles pendant les concerts, dans la tente comme à l’extérieur. J’ai donc décidé d’aller consulter un ORL au plus vite, mais aucun ne pouvait me recevoir en urgence. Entretemps, les sifflements duraient depuis trois jours et étaient loin de s’améliorer. J’étais paniquée à l’idée qu’ils ne disparaissent plus jamais. Sur les conseils d’un médecin qui ne pouvait pas me caser dans son planning, je suis allée aux urgences. Mes craintes ont été confirmées. Je souffrais d’acouphènes. Et au lieu de me rassurer, de m’expliquer la situation, on m’a renvoyée chez moi, pratiquement sans informations. J’ai seulement reçu une prescription pour un médicament pouvant éventuellement calmer le problème. Mais le message était clair: Apprenez à vivre avec. Je n’avais pas le choix.

 

Le moindre son devenu insupportable


Les jours et les semaines qui ont suivi, j’ai porté en continu des protections auditives fabriquées sur mesure. On m’avait aussi conseillé d’éviter les bruits trop violents, mais je n’avais pas la moindre idée de ce que ce qui était considéré comme ‘bruit trop important’. Du coup, je mettais mes bouchons dans le train, à la cafétéria, ou même pour me déplacer dans la ville. Je voulais désespérément que ce tuuut dans mon oreille disparaisse. J’ai aussi commencé à sonder le Net à la recherche d’informations. Je voulais tout savoir sur ce phénomène et trouver ce qui pourrait le résoudre. Les témoignages du calvaire vécu par d’autres personnes souffrant d’acouphènes m’obsédaient tout particulièrement.

Des gens expliquaient devoir manger avec des couverts en plastique, dans des assiettes spéciales, d’autres ne plus supporter jusqu’au chant des oiseaux. Certains le vivaient si mal qu’ils songeaient à mettre fin à leurs jours. Effrayant. Et si j’en arrivais moi aussi à de telles extrémités?


Et si le problème ne faisait qu’empirer au lieu de s’améliorer? Un mois après le festival où tout a commencé, j’ai été dans un parc d’attractions avec mes amis, et bien sûr, je portais mes protections auditives. Cette journée a encore aggravé la situation. Les secousses des montages russes ont été le coup de grâce pour mes oreilles et les ont rendues encore plus sensibles. D’un seul coup, je n’ai plus supporté aucun son. Même la voix de ma maman… J’ai développé une hyperacousie, une hypersensibilité de l’ouïe. J’ai passé la semaine suivante enfermée dans ma chambre. Je n’arrêtais pas de pleurer en imaginant les scénarios les plus terribles. Comment continuer à vivre avec un tel calvaire? Et si je restais dans cet état pour toujours? Après des tests réalisés à l’hôpital, mon hypersensibilité au bruit a été confirmée et j’ai été admise immédiatement. J’ai suivi un traitement à l’oxygène pendant une semaine. Deux fois par jour, pendant deux heures, je devais m’installer dans un caisson hyperbare pour augmenter la concentration d’oxygène dans mon oreille interne et lui permettre de se régénérer. Cela m’a rapidement soulagée, et je me suis sentie mieux. Mais j’avais un problème à la trompe d’eustache, à cause duquel je souffrais de douleurs aux oreilles et à la tête.

 

Reprendre doucement une vie normale


Sur les conseils d’une amie, j’ai commencé à suivre des séances de méditation de pleine conscience. Une séance de quatre heures chaque semaine. Ça m’a beaucoup aidée. J’ai retrouvé un semblant de paix, même si ce sifflement obsédant ne s’arrêtait jamais. Ça m’a malgré tout permis de distraire mon esprit et c’était essentiel. Peu à peu j’ai repris ma vie en mains. J’ai repris les cours – je venais d’entamer des études de criminologie. J’ai continué à porter des bouchons partout où j’allais. Je devais éviter les fêtes, mais j’essayais de l’accepter et de rester positive. Je me répétais sans cesse Ne perds pas courage… Et j’ai suivi une session de thérapie sur les acouphènes qui m’a appris pas mal de choses. J’y ai découvert que plus je me focalisais sur les bourdonnements, plus mon angoisse augmentait, ce qui les renforçait encore. Cela a aussi été l’occasion de découvrir que malgré un traumatisme auditif, ce n’étaient pas mes oreilles qui ‘fabriquaient’ les acouphènes, mais qu’il s’agissait d’une réaction du cerveau. La nuit, je dormais avec un générateur de bruit pour lui apprendre à se réhabituer progressivement aux sons, et qu’il cesse de les percevoir comme un phénomène hostile auquel il ‘sur-réagit’. Cela m’a aidée, et quatre mois après le Pukkelpop, j’ai à nouveau osé me rendre à une soirée. Non sans appréhension bien sûr, mais c’était important pour moi de recommencer à vivre normalement. J’avais bon espoir que mes acouphènes finissent par s’atténuer.”

 

Mettre le doigt sur le problème


“Lors du blocus, j’ai étudié des journées entières dans un endroit au calme. Mais ce sifflement atroce me vrillait la tête en continu, et plus j’y pensais, plus le son s’intensifiait. Les maux de tête sont revenus et je ne supportais de nouveau plus aucun bruit. Trois jours avant mon premier examen, j’ai craqué. J’ai replongé dans un cercle vicieux, incapable de me détendre et de gérer mon angoisse. Au final, j’ai malgré tout passé deux examens et l’énergie du désespoir m’a même permis dans réussir un. Mais j’étais terrifiée. J’avais si peur que les sifflements permanents s’aggravent à chaque période de blocus. J’ai même pensé abandonner. Comment continuer à étudier dans ces conditions? Je possédais déjà un diplôme mais je commençais à douter qu’il puisse me servir à quelque chose. Arriverais-je un jour à travailler avec ce bruit constant dans les oreilles? Moi qui avant n’avait peur de rien… J’ai pris rendez-vous chez un psychologue, et j’ai également obtenu un rendez-vous avec un spécialiste en neuromodulation acoustique (*) et en problématique d’acouphènes. Le psychologue m’a aidée à reprendre pied, mais je continuais à avoir des pensées très sombres. Heureusement, la rencontre avec le spécialiste a été déterminante. Il a constaté que mon cerveau sur-réagissait. Il m’a aussi permis de réaliser que mon problème d’acouphènes avait pris cette ampleur en partie parce que je n’arrêtais pas d’y penser. Au lieu d’arranger les choses, je n’avais fait que les empirer.

Le fait d’avoir porté des protections auditives dès le début de mes acouphènes avait été une très mauvaise idée. Car en éliminant tout bruit, j’avais affaibli mes oreilles, les amenant à ne plus supporter aucun son.


Peu à peu je me suis aperçue que lors des moments où j’étais avec mes amies et où je m’amusais, je n’entendais plus ce tuuut constant et étais même capable de claquer la porte d’une armoire sans avoir mal. J’ai également acquis une meilleure idée du fonctionnement des acouphènes et de l’hyperacousie. Et en acceptant de lâcher prise, ma vie s’est considérablement améliorée. En peu de temps et j’ai pu reprendre pied. Bien-sûr il m’arrivait d’être encore anxieuse ou hypersensible au bruit, mais la différence par rapport aux mois qui avaient précédé était énorme. J’ai suivi un second traitement de neuromodulation, via des électrodes, pour faire baisser l’activité cérébrale qui était encore trop élevée.”

 

Accepter mes accouphènes


“En me focalisant constamment sur mes acouphènes, je les avais aggravés. Me distraire m’aurait énormément aidée, mais je n’avais pas réussi à dériver mon attention. Je n’avais pas compris que mon hyper-vigilance était le cœur du problème et que lâcher prise était la clé. J’ai mis 18 mois pour y parvenir. Même si par moments ce sifflement me pèse encore, il fait désormais partie de moi. Aussi fou que cela puisse paraître, il m’arrive parfois de l’écouter le soir, quand je suis au lit, pour m’endormir! C’est un bruit qui varie en intensité et fréquence. Parfois je l’entends fort, à d’autres moments il est plus doux. Écouter de la musique forte en voiture m’est pénible et si le volume sonore est trop élevé à une fête, je préfère partir ou demander au DJ de baisser le son. Parfois, le volume est si élevé que les gens sont forcés de se balader avec les mains plaquées sur les oreilles. Ce n’est pourtant bon pour personne! Je n’ose plus aller en festival, même pour une seule journée. Je ne blâme pas le Pukkelpop, je pense que cela aurait très bien pu m’arriver à un autre festival. Sans doute était-je déjà plus sensible à la base, ce qui me rendait plus vulnérable face à ce type de problème.

 

Des témoignages horribles? Non merci!


Je suis tout de même retournée à des concerts, notamment celui de The Cure et de Tamino… Et mes bouchons ne m’ont pas empêché d’en profiter, même si la plupart des gens pensent que le son devient inaudible ou qu’ils gâchent sa clarté. Les bouchons d’oreille personnalisés se contentent de filtrer les ondes néfastes. Lorsque je les porte, je peux sans problème tenir une conversation. Et parfois même, j’entends mieux lorsque je parle avec des copines. Souvent, les gens n’ont même pas conscience que j’en porte tant ils sont petits. Des protections auditives sur mesure coûtent environ 140 euros, dommage que beaucoup refusent de payer cette somme, qui pourrait pourtant leur éviter beaucoup de problèmes. Un conseil à ceux et celle qui souffrent d’acouphènes: n’écoutez pas les témoignages horribles qu’on vous raconte. Bien des personnes qui en sont affectés arrivent à mener une vie heureuse. J’ai appris à savourer chaque journée, et certaines sont de véritables fêtes”.

* Une méthode qui permet de ‘déprogrammer’ la production de bruits fantômes par le cerveau, qui constituent les acouphènes.

Article de Lies Van Kelstet Barbara Wesoly


 

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