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Témoignage: ““J’ai souffert d’une psychose après mon accouchement””

Barbara Wesoly

Loraine, 27 ans, a eu une psychose puerpérale, qui apparaît pendant ou après la grossesse. Elle raconte son combat avec courage et lucidité.


“Avant mon accouchement, ma vie était comme celle de tant d’autres jeunes femmes: tout à fait normale. J’avais un travail qui me plaisait, un couple solide, de bonnes relations avec ma famille et ma grossesse se passait très bien. Et pourtant, tout a mal tourné… Personne ne pouvait prévoir qu’une semaine à peine après la naissance de mon bébé, je serais complètement déboussolée. Au point de devoir être internée d’urgence…

Completement déboussolée


Les premiers symptômes sont apparus trois jours après mon accouchement, mais comme j’avais très peu dormi, tout le monde pensait que ma confusion et mon anxiété étaient dues au manque de sommeil et aux hormones. Les médecins et les infirmières de l’hôpital n’ont pas pensé que je me dirigeais tout droit vers une psychose. Cinq jours plus tard, j’ai débarqué au beau milieu de la nuit avec mon mari et ma fille aux urgences. Je faisais une grave crise d’asthme et j’étais complètement à bout. C’était vraiment terrible, j’avais l’impression que j’étais en train de mourir…

Personne ne comprenait la gravité de la situation


Mais on m’a renvoyée quelques heures plus tard à la maison. ‘Je pense que vous souffrez de baby blues’ m’a dit le médecin en essayant de me calmer. Mais je ne me sentais absolument pas dépressive. De retour chez moi, je me suis mise à tout écrire parce que j’avais de plus en plus de mal à parler. J’ai appelé ma gynécologue, mais elle n’a pas compris non plus de la gravité de la situation. ‘Reposez-vous bien et prenez votre temps pour tout’, c’est tout ce qu’elle m’a recommandé. Un rendez-vous ne lui semblait pas utile… Mon entourage, par contre, a commencé à s’inquiéter: ils trouvaient que je réagissais de plus en plus bizarrement, que je disais des choses qui n’avaient aucun sens. Mais que pouvaient-ils faire si aucun médecin ne nous prenait au sérieux, ni eux ni moi?

Assaillie par des milliers de pensées


Le lendemain, je me suis écroulée. Pendant plus d’une semaine, j’avais à peine dormi trois heures par nuit… J’ai cru que j’avais eu une révélation. Tout à coup, il me semblait que je comprenais tout: la raison pour laquelle, il y a quelques années, j’étais venue vivre en Belgique, pourquoi j’avais rencontré mon mari, pourquoi ma fille était née… Je tenais d’interminables conversations à propos de ma révélation, mais aussi de la politique, de la religion et de la culture. Des sujets qui jusque là ne m’avaient jamais vraiment intéressée.

J’avais l’impression que ma tête allait exploser à cause des milliers de pensées qui m’assaillaient tout le temps. C’est là que j’ai commencé à entendre des voix: elles me disaient que j’étais une pécheresse, que je devais faire pénitence, demander pardon, prier…


C’était d’autant plus étrange que la dernière fois que j’étais entrée dans une église c’était quand j’étais encore à l’école primaire. Je ne suis pas croyante! Mais les voix me disaient que je devais payer pour mes actes sans quoi le diable m’emporterait. Cette pensée est devenue obsédante. J’ai commencé à soupçonner tout le monde d’être le diable: mes amis, mes collègues… jusqu’à mon mari. Un jour, je me suis jetée sur lui et je me suis mise à le frapper parce que j’étais terrorisée à l’idée qu’il emporte notre fille. Il a compris et a appelé l’ambulance.

Je voyais des complots partout


Le lendemain, je me suis réveillée dans une chambre blanche baignée d’une lumière violente. Il n’y avait rien d’autre qu’un lit, un robinet et une toilette. J’étais allongée, attachée au lit.

Des policiers gardaient la porte de ma chambre. Je suis restée là pendant des heures… Dans ma tête, je continuais à essayer de savoir qui était le diable et qui était un ange. J‘ai même pensé pendant un moment que j’étais morte…


Finalement, j’ai été transférée à l’hôpital où ils ont pu me soigner, mais même là, on m’a immédiatement enfermée. La nuit, je frappais pendant des heures à ma porte en suppliant qu’on me laisse sortir… Après un certain temps, j’ai pu réintégrer ma chambre, mais mes pensées ne me laissaient pas tranquille. Je voyais des complots dans les choses les plus bizarres. Je me méfiais de tout le monde et continuais à croire à ces histoires d’anges et de démons. Je ne me rendais absolument pas compte que j’étais malade et que je me trouvais dans un hôpital.

Enfermée en chambre d’isolement


Quelques semaines plus tard, j’ai à nouveau été transférée mais cette fois dans un hôpital psychiatrique, où ils connaissaient bien la psychose puerpérale. La nuit, je pouvais sortir de ma chambre mais cela a causé pas mal de soucis au personnel soignant! J’avais encore beaucoup d’insomnies, alors j’allais frapper aux portes des autres patients dans l’espoir qu’ils étaient éveillés. Je voulais parler et faire des choses avec eux. Finalement, ils en ont eu assez de mon comportement nocturne et j’ai été enfermée pendant deux jours dans une chambre d’isolement. Mais cet endroit était vraiment terrible: les murs étaient peints en bleu pâle et il y avait seulement un matelas et un WC suspendu. Alors, je me suis remise à prier comme une possédée. Toute la journée, je récitais le Notre Père et le Je vous salue Marie, sans arrêt. Mon état s’aggravait encore…

Retour à la réalité


Heureusement, après quelques temps, ça a été un peu mieux. Petit à petit, j’ai commencé à voir la réalité en face: je me suis rendu compte que j’étais malade et que je n’allais vraiment pas bien du tout. Après presque quatre mois d’hospitalisation, on m’a enfin autorisée à rentrer à la maison. Dans ma famille, beaucoup craignaient que je ne fasse une rechute, mais j’ai continué à me battre contre ma maladie. À présent, cela fait un peu plus de six mois que j’ai recommencé à travailler et il n’est plus question de psychose.

Je suis redevenue à peu près la femme que j’étais avant. J’ai vécu des choses très violentes; pourtant, je me rends compte que rien n’aurait pu empêcher ma psychose. C’est arrivé, et je n’ai rien pu faire. Cela m’a juste rendue plus forte…


Et j’ai eu une grande chance: malgré tout ce dont j’ai souffert, j’ai toujours bien traité notre petite fille. Elle a toujours reçu tout l’amour et l’attention dont elle avait besoin. Et j’en suis extrêmement heureuse!”

Texte: Lies Van Kelst et Julie Rouffiange.


 

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