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© Coraline Doneux

Témoignage: Fanny, 24 ans, est devenue hémiplégique après un AVC

Barbara Wesoly

Fanny est devenue hémiplégique suite à un AVC. Loin de la laisser à terre, cette épreuve lui a donné des ailes, révélant en elle une force et une volonté insoupçonnées. Aujourd’hui, à 24 ans, elle est artisane chocolatière et nageuse de haut niveau.


Son appartement est perché sur les hauteurs. Surplombant les champs et la ville au loin. Pour l’atteindre, il faut descendre une côté pavée et escarpée. Un lieu aussi beau que difficile d’accès, où Fanny a choisi d’habiter, quelques mois à peine après l’hémorragie cérébrale qui l’a laissée hémiplégique, paralysée du côté gauche. Mieux que tout autre, le choix de ce lieu raconte le caractère de battante et le profond besoin d’indépendance de cette jeune femme de 24 ans. Tout bascule il y a 5 ans. Fanny est alors installée avec son amoureux de l’époque et en première année d’étude en chocolaterie. Un soir, alors qu’elle est en pleine préparation dans l’atelier de son école, elle fait un malaise.

J’avais des engourdissements dans le ventre, rien d’alarmant. Jusqu’au moment où je me suis brûlée avec le matériel avec lequel je travaillais. Mon bras était gravement blessé, mais je ne sentais rien. Et là, j’ai commencé à paniquer.


Les événements s’enchaînent. Le temps que l’ambulance arrive, Fanny perd l’usage de son bras et la vision du côté gauche. Et s’évanouit.

Une malformation non détectée


Fanny souffrait d’une malformation artério-veineuse au cerveau, dont on ignorait l’existence. Elle aurait pu ne jamais se manifester, ni provoquer d’AVC. Le hasard en a voulu autrement. Le lendemain, lorsqu’elle se réveille aux soins intensifs, la jeune femme a le côté gauche du corps paralysé et a perdu sa sensibilité. Il a fallu dans l’intervalle l’opérer à trois reprises. Pour évacuer le sang lié à l’hémorragie, pour “emboliser” la veine malformée et éviter qu’elle ne continue à saigner, et pour placer un drain dans son crâne, son cerveau n’arrivant plus à drainer le liquide céphalo-rachidien. Elle devra le garder à vie. Il faut quelques jours à Fanny pour sortir de la brume des sédatifs et reprendre des forces. Réaliser aussi.

Tant que l’on est couché, on entend les mots AVC, paralysie. Sans vraiment comprendre. Mais en phase de réadaptation, quand il faut réapprendre à se relever, à se laver et qu’on réalise que son corps ne fonctionne plus, là c’est autre chose.

Des gestes devenus difficiles


Après un mois aux soins intensifs, Fanny intègre un centre de revalidation, où elle reste 9 mois. Les médecins refusent de se prononcer sur ses possibilités de récupération, mais sont encourageants. “Ils me disaient que la moyenne d’âge d’un AVC était de plus de 70 ans. Que plus on est jeune, plus on a de chance de retrouver ses facultés. Ça a au final été très frustrant de voir ces personnes nettement plus âgées que moi qui en 2 ou 3 mois bougeaient à nouveau leur main ou remarchaient normalement.” Fanny travaille sans relâche, poussée par l’envie de retrouver sa vie d’avant. Mais l’hémorragie a été trop importante et trop longue, lui faisant frôler la mort et laissant des séquelles irréversibles. La jeune femme ne peut récupérer l’usage de son bras et conserve un boitillement de la jambe gauche. Il s’agit alors de renouer avec l’autonomie, mais aussi de se créer de nouvelles habitudes, de redécouvrir ces gestes du quotidien qui demandent désormais d’énormes efforts, et de trouver des systèmes D.

Je me rappelle cette fois où je tentais de manger un kiwi. Un kiwi comme j’en avais mangé mille, mais pas avec une seule main. J’avais envie de pleurer de frustration de ne pas y parvenir…


La revalidation était une bulle, un cocon, où tout était fait pour pallier le handicap. Mais revenir chez soi et réaliser qu’on n’arrive plus à ouvrir une boîte de conserve ou aller chercher quelque chose au fond d’une armoire, que l’on peine à monter et descendre ses escaliers ou à s’occuper de soi, c’est autre chose. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que ma vie serait désormais différente.”

S’en sortir seule


Au cours sa revalidation, Fanny et son petit ami se sont séparés. C’est chez sa mère qu’elle est revenue vivre à sa sortie de l’hôpital. Une situation de courte durée, tant elle ressent le besoin de reprendre le contrôle de son existence et de se prouver qu’elle peut s’en sortir seule. Elle loue un appartement et reprend ses cours de chocolaterie, continuant ses préparations de son seul bras valide. Elle obtient son diplôme sans adaptation des examens finaux, avant d’enchaîner sur un deuxième bachelier en boulangerie-pâtisserie. Les étapes d’un changement fondamental.  Un moteur pousse désormais Fanny en permanence, qui la fait avancer, toujours plus loin.

On m’avait dit que je ne recourrais jamais. Mais j’ai réalisé un triathlon handisport de 6 kilomètres à pied, 500 mètres nage et 24 km à vélo, moins d’un an après l’AVC.


Je suis partie en Écosse faire de la randonnée avec un sac de 12 kilos sur le dos et j’ai parcouru 130 kilomètres à pied dans les montagnes. J’ai escaladé des ruines Mayas et des glaciers. J’ai sauté dans l’eau du haut de falaises. Des expériences que je n’aurais jamais songé à vivre avant mon AVC. Ce qui m’est arrivé a révélé des aspects de ma personnalité jusqu’alors enfouis en moi.”

Accepter le changement


Il aura fallu 5 ans à Fanny pour accepter ce nouveau corps, apprivoiser le regard des autres et l’incompréhension. “C’était difficile au début. Je savais que j’étais différente, tout en me sentant toujours moi. Certains n’hésitaient pas à me fixer. Je sentais les regards, ils me faisaient mal, ramenaient sans cesse mon handicap au premier plan. Au fur et à mesure, j’ai appris à être indulgente, à comprendre la curiosité, même un peu trop brutale, et à lâcher prise. Vivre soudainement un handicap vous fait réaliser ceux de votre entourage qui sont vraiment présents. À faire le tri parmi ceux que l’on croyait ses amis. Et à révéler certaines personnes que l’on n’aurait pas imaginé être là.” Il faut faire le deuil aussi, de la jeune femme d’avant.

Quand, en plusde l’invalidité, on se réveille sans plus aucun cheveux à cause des opérations, c’est très douloureux pour l’image de soi. Il faut assumer d’avoir le crâne rasé, des cicatrices, de boîter. Au début, s’habiller est compliqué, alors on opte pour des vêtements pratiques plutôt que jolis. C’est tout un monde qui s’écroule.


Avec l’impression de soudain être coincée dans une vie que l’on n’a pas choisie. Il faut admettre qu’on ne retrouvera pas l’existence d’avant et qu’il faut se battre pour que la suite en vaille la peine.”

Se dépasser grâce au sport


“J’ai très vite refusé de laisser cet AVC prendre le contrôle et le handicap dicter ce qu’allait être ma vie. En cela, le sport est devenu symbolique pour moi. J’avais envie de me prouver que je pouvais y accomplir de grandes choses. D’autant que je dois en pratiquer pour lutter contre la regression de mon corps, le plus longtemps possible.” Mais trouver une discipline lorsque l’on est hémiplégique se révèle compliqué. On ne peut compter que sur un demi-corps, sans l’équilibre dans les membres valides qu’acquiert une personne ne pouvant plus qu’utiliser ses bras ou ses jambes. Fanny pratique lors la course à pied et le vélo, grâce un modèle adapté à son handicap. Mais surtout, elle a repris la natation et s’est qualifiée en vue des championnats européens de 2020. “C’est un aboutissement. Et j’espère pouvoir atteindre les mondiaux et peut-être les J.O paralympiques. Qui sait ?”

Un café et des chocolats


Fanny aimerait aussi pouvoir pratiquer son métier d‘artisane en chocolaterie et pâtisserie. Mais elle se heurte au manque d’ouverture du monde du travail face à son handicap. “Mon AVC a touché l’hémisphère droit du cerveau, lésant donc le côté gauche de mon corps. En plus de la paralysie, il a aussi entraîné des troubles de mémoire et d’attention et une grande fatigue. Je ne suis pas en mesure de travailler à temps plein et j’ai besoin de couper mes journées en m’accordant des temps de repos.

Avec des patrons souvent réticents face au handicap, il est difficile de se faire une place et de prouver de quoi l’on est capable. Alors qu’une fois qu’ils me voient à l’œuvre, ils sont souvent impressionés de tout ce que j’accomplis à une main.


Sans parler des séances de kiné quotidiennes obligatoires et de l’épuisement qui en découle. “C’est frustrant de me dire que j’ai 24 ans et que je suis obligée de faire une sieste pour tenir le coup toute une journée. Et d’autant plus compliqué car mon hémiplégie est à double tranchant. D’un côté, j’ai la chance de posséder une bonne autonomie, mais de l’autre quand on me voit, on ne réalise pas au premier abord que je souffre d’un handicap, du coup les gens ont tendance à l’oublier et à manquer de patience ou de compréhension. C’est plus simple quand on a un élément visuel rappelant ce qui ne va pas, comme une prothèse, un fauteuil roulant, des béquilles ou un membre amputé. Techniquement je n’ai qu’un bras et devoir se coiffer, faire ses lacets ou couper quelque chose à une main, est un véritable défi.” Loin de renoncer, Fanny envisage de s’inventer le travail de ses rêves, planchant sur l’ouverture d’un café où l’on servirait pâtisseries et chocolats, avec des horaires et un rythme sur mesure.

Des rêves plein la tête


Cette faculté d’adaptation et cette résilience, la jeune femme de 24 ans les développe dans chacun des aspects de son existence. “Je prends mon handicap en compte parce qu’il fait partie de ma vie, mais ça ne m’empêche pas de foncer, quitte à échouer, quitte à tomber. Peu importe. Il reste des moments compliqués, de découragement. Des moments où la simplicité d’avant me manque, mais je me bats pour en faire une force. Je sais comment je vais maintenant. J’ai déjà été mieux. Mais aussi bien pire. Pour le moment ça va, mais j’ignore comment j’irai demain. Ou dans 10 ans. Alors tant que je peux profiter, je fonce. Je suis toujours la même. Différente d’avant physiquement, c’est sûr. Mais fondamentalement moi. Je peux comprendre qu’on me regarde avec curiosité. Mais heureusement les mentalités changent et de plus en plus nombreux sont ceux qui comprennent qu’il est essentiel de tirer parti des différences de chacun pour tous pouvoir aller plus loin.

J’ai des rêves plein la tête, dont celui d’aller prochainement escalader un volcan au Guatemala. Aujourd’hui, je fonctionne aux défis, au dépassement. Je laisse la vie me surprendre. Et quoi qu’elle ait à m’offrir, je suis preneuse. Je sais à quel point elle peut être courte.


La prochaine opération Cap 48 visant à récolter des fonds au profit des personnes handicapées et de la jeunesse en difficulté se déroulera du 4 au 13 octobre, avant la grande soirée prévue le dimanche 13 octobre sur la RTBF.

Article: Barbara Wesoly. Photos: Coraline Doneux.

Fanny


Fanny


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