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JOURNÉE DE DEUIL PÉRINATAL: lettre à mon enfant né sans vie

Il y a un an, notre collègue et amie Émilie et son compagnon ont vécu l’impensable. À l’occasion de la journée du deuil périnatal, Émilie a souhaité raconter son histoire.


Ton histoire commence il y a longtemps, quand papa et moi avons eu envie d’un enfant. Dès cet instant, je t’ai imaginé, rêvé, désiré, attendu. Et puis, j’ai appris que je portais la vie en moi. Mais le 23 août dernier, ma vie a basculé quand j’ai appris que tu souffrais d’une malformation congénitale rare et grave. S’en sont suivis des tas de rendez-vous médicaux, des semaines d’angoisse, de doute, de chagrin, des nuits blanches à te sentir bouger dans mon ventre alors que je ne savais pas quelle serait l’issue de notre histoire. Et puis l’impensable est arrivé. Moi qui étais supposée te protéger et t’aimer à tout prix, j’ai pris la décision d’interrompre cette grossesse.

Dès cet instant, je t’ai imaginé, rêvé, désiré, attendu.


Je me rappelle du jour de l’IMG (interruption médicale de grossesse), le mercredi 25 septembre. Je me souviens de la dernière photo que j’ai prise de nous dans le couloir de ta maison. Joli ventre rond. Prêt à disparaître à tout jamais. Je me rappelle être arrivée à l’hôpital, avoir pris cet ascenseur comme si je partais au front en nous sachant condamnés. Je me rappelle avoir enfilé cette blouse, être entrée dans le bureau du docteur. Je me rappelle de ce tissu qui allait me séparer de toi, à tout jamais. Mais je ne t’ai pas quitté un seul instant, j’ai été en communion avec toi, je t’ai pris par la main, je m’en souviens. Je n’ai pas bougé. J’ai fermé les yeux, j’ai serré les mains qui m’étaient tendues, ton papa était tout près de moi. J’appréhendais cette aiguille, l’échographiste a d’abord longtemps cherché avec sa machine d’échographie, je voulais que ça aille vite et en même temps je redoutais l’instant où ce bout de fer pénétrerait ma chair pour éteindre ton petit cœur à jamais. Et puis l’aiguille est arrivée, à deux reprises. J’ai su que tu partais. Je t’ai dit “Je t’aime“ sans m’arrêter, je t’aime, je t’aime, je t’aime, car c’est tout ce que je voulais que tu saches et que tu entendes. Je t’aime tellement.

Je me souviens de la dernière photo que j’ai prise de nous dans le couloir de ta maison. Joli ventre rond.


Une fois ce geste terminé, je me suis effondrée. On m’a ramenée à ma chambre et on m’a présenté ce médicament qui allait déclencher les contractions et me permettre de te voir, enfin. Au début, les contractions ont été douces, je me suis même dit que les femmes en faisaient tout un foin pour pas grand-chose. Des heures et des heures de douleur et de travail. Je suis à bout. On me donne la péridurale, enfin un peu de répit. 34 heures pour que tu arrives, mon tout petit. Je me rappelle entendre « le bébé est là, vous allez pouvoir pousser ». Je me rappelle m’être accrochée à ton papa, je me rappelle le regarder droit dans les yeux, je n’ai pas peur, je te sens descendre doucement en moi, je te sens, ce moment est magique. Je souris un instant, je me rappelle t’appeler et te dire de venir avec moi. Tu arrives enfin, il est 20h20. Dans le silence et les yeux clos, mon tout petit, tu es venu bouleverser ma vie et remplir mon cœur d’amour. Tu as fait de moi une maman.

Tu arrives enfin, il est 20h20.


Et puis est venu le moment où j’ai enfin pu te rencontrer. Je me rappelle avoir eu un peu peur en t’apercevant, mais petit à petit j’ai su t’approcher de moi et finir par te câliner. Je t’ai chanté les petites berceuses que j’aimais tant. Je t’ai admiré, examiné, regardé, adoré, aimé. Tu avais le corps un petit peu abîmé, tu es resté si longtemps sans vie en moi, mon tout petit. Je n’oublierai jamais ton visage, ton petit nez, ta bouche, tes yeux, tes si longs doigts, ton petit ventre, tes petits pieds. Tu me manques tellement, j’aimerais tant pouvoir encore te serrer dans mes bras, t’embrasser, te dire combien je t’aime. Je me sens vide sans toi, mon ventre est creux, sans intérêt, il a perdu toute sa magie. Tu ne bouges plus en moi, je ne suis que moi, je suis à nouveau seule, ta compagnie me manque tellement. Je voudrais te caresser à travers ma peau, je voudrais me promener avec toi en moi, je voudrais manger pour toi, rire pour toi, dormir pour toi. Au début, je me suis dit que je n’arriverais pas à surmonter cette perte, que ce deuil serait trop dur. Mais je sais que je ne vais pas m’effondrer et qu’un jour je me relèverai. Pour l’instant j’ai juste besoin de pleurer, de te pleurer.

Je me sens vide sans toi, mon ventre est creux.


Mon tout petit, tu as fait de moi une meilleure personne, grâce à toi je suis transformée. Mais ta disparition résonne en moi comme une injustice terrible. J’aurais tellement aimé t’avoir à mes côtés, te voir grandir, te rassurer, apaiser tes chagrins, partager tes victoires et tes défaites, te voir courir sur un terrain de hockey avec ton papa. Je ne t’oublierai jamais, mon tout petit. Je n’oublierai pas la douceur de ta peau, la beauté de tes traits, la délicatesse de ton petit corps.

Tu aurais dû pousser ton premier cri le 28 décembre 2019, mais tu es né sans vie le 26 septembre 2019. Tu avais 182 jours et tu portes le doux prénom d’Eliott.

 

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