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Témoignage: ““J’ai vu la mort en face””

Barbara Wesoly

Il suffit d’un instant pour que tout bascule. C’est ce qu’a vécu Lorraine, 19 ans, qui a miraculeusement survécu à une méningite. Elle raconte comment cette rencontre avec la mort a changé à tout jamais sa vision de l’existence.


“C’était presque la fin de mes humanités. Mes copains de classe et moi attendions avec impatience notre voyage de rhéto qui se déroulerait à Rome. Mais ce qui devait être un séjour inoubliable s’est transformé en drame. En montant dans le bus, je ne me sentais déjà pas bien, avec un sentiment étrange au creux de l’estomac. J’ai d’abord pensé à l’arrivée de mes règles, mais ça a persisté. Le soir, j’ai téléphoné à mon père, qui est médecin. Il m’a dit qu’il m’examinerait à mon retour. J’ai essayé de ne pas trop y penser et de profiter au maximum du voyage. Jusqu’à ce dernier jour, où je me suis réveillée avec ce qui ressemblait à une atroce gueule de bois. J‘étais épuisée, en proie à une terrible migraine. Cela a empiré durant le trajet en bus du retour. J’ai commencé à avoir de la fièvre et mes muscles me faisaient très mal. J’ai cru que c’était la grippe, et attribué les courbatures au fait d’avoir trimballé tous les jours ma valise vers un hôtel différent.

Des larmes de douleur


Une fois sortie du bus, mon état a empiré. J’ai vomi dans la voiture qui me ramenait vers la maison et j’ai commencé à avoir la diarrhée. Ma maman a dû m’aider à me laver les cheveux dans le bain tant j’étais faible. Je ne parvenais plus à lever les bras à cause des douleurs musculaires. J’ai vomi toute la nuit, et je devais en permanence courir aux toilettes. À mon réveil, le lendemain matin, mes jambes étaient couvertes de taches violacées. J’ai appelé mon père et il a directement compris la gravité de mon état. Il a pensé que j’avais contracté une méningite potentiellement mortelle. J’ai du partir immédiatement aux urgences. Une fois là-bas, j’ai été conduite dans une salle d’examen et l’on m’a fait une ponction lombaire à l’aide d’une grosse aiguille. J’étais complètement paniquée. J’ai été admise au service des soins intensifs et j’y ai passé une nuit très agitée. Le jour d’après, le 4 avril 2016, restera gravé pour toujours dans ma mémoire.

Quand je me suis réveillée ce matin là, j’ai commencé à délirer à cause de la douleur. Pour tenter de maintenir la situation sous contrôle, les médecins n’ont eu d’autre choix que de me placer sous coma artificiel avant de me transférer dans un hôpital possédant une meilleure expertise de ce genre de cas. Une décision qui m’a sauvé la vie.

5% de chances de survie


Après l’apparition des taches violacées sur le corps, c’est une course contre la montre: il ne reste en moyenne plus que quatre heures à vivre à un patient atteint de méningite bactérienne. En tant que médecin, papa le savait. J’avais à peine 5% de chances de survie. À mon arrivée dans ce deuxième hôpital, les médecins ont constaté que mes organes commençaient à défaillir les uns après les autres, tandis que l’infection détruisait également mes muscles. Lorsque mon cœur n’a plus fonctionné qu’à 15% de ses capacités et que la pression crânienne a commencé à augmenter, les médecins ont décidé d’opter pour une trépanation, pour soulager la pression intracrânienne. J’ai reçu des doses massives d’antibiotiques. Mes reins ne fonctionnaient plus, j’ai été placée sous dialyse. Pendant dix jours, j’ai été gardée en coma artificiel et surveillée en permanence. Ensuite, les médecins ont allégé les médicaments de façon à me permettre de reprendre conscience. Ils craignaient des lésions cérébrales.

95% des personnes atteintes de cette forme grave de méningite – la méningite bactérienne – n’y survivent pas. Et la majorité de ceux qui s’en sortent présentent ensuite un retard mental ou un handicap irrémédiable, en raison de lésions cérébrales.

Peur de me perdre


Mes parents ont passé dix jours horribles, terrifiés à l’idée de me perdre. Leur soulagement a été donc été immense lorsque je suis sortie du coma et que j’ai montré des réactions visuelles aux stimuli auxquels on m’exposait. Mais, une fois tout danger vital écarté, il est devenu clair que je n’étais pas sortie indemne de la maladie. Mes mains et mes pieds étaient blessés et mes genoux présentaient des plaies ouvertes. Mes tendons d’Achille étaient complètement noirs, mon gros orteil gauche ne réagissait plus. Durant les quatre mois qui ont suivi, j’ai subi une opération après l’autre. On a dû amputer mon orteil et reconstruire mes tendons au moyen du muscle et de la peau de ma cuisse. Les tendons de mes pieds ont aussi dû être sectionnés pour limiter les dégâts. Pour m’éviter de devoir passer le restant de mes jours en dialyse, ma maman m’a donné un de ses reins. Et petit à petit, j’ai réussi à me remettre grâce à de l’ergothérapie et de la kinésithérapie intensives.

Une deuxième vie


C’était il y a deux ans, et depuis j’ai parcouru un immense chemin. J’ai traversé de terribles épreuves, aussi bien physiques que psychologiques. Et je me suis souvent demandé pourquoi je devais vivre tout cela. Il m’est arrivé de dire à mes parents que j’aurais mieux fait d’y rester. Au début, j’ai eu beaucoup de mal à accepter de devoir subir les dommages permanents de la méningite, mais progressivement, avec le soutien de mes amis, de ma famille et de mon amoureux, j’ai réalisé que j’étais heureuse d’être toujours là. Grâce aux malades et invalides rencontrés dans mon centre de rééducation, j’ai aussi appris à relativiser. Savoir que je ne pourrai plus danser passionnément comme je l’ai fait durant toute mon enfance me fait encore mal.

Je suis heureuse de pouvoir remarcher de manière totalement autonome et de ne plus avoir à cacher mes cicatrices. Je traverse encore parfois des moments difficiles, mais je suis plus forte aujourd’hui et tellement reconnaissante pour cette deuxième chance qui m’a été donnée.


C’est pourquoi je célèbre désormais deux évènements chaque année. Mon anniversaire, le 16 octobre, que je fête avec tous ceux que j’aime. Et le 4 avril, ce jour où j’ai échappé à la mort et qui a marqué le commencement de ma deuxième vie.”

Texte: Jill De Bont et Barbara Wesoly. Photo: Tim De Backer


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